Comment lancer une marque en Chine ?

Par Xuoan D. le 08/03/2018

Temps de lecture : 4 min

Avec 200 millions de vues, pour commencer.

Le marché chinois intrigue de par son poids économique, sa réactivité, ses codes impénétrables et sa supposée avance digitale. Quelles sont les clés pour y réussir le lancement d’une marque ? Pour y répondre, dressons le bilan de la campagne « It’s Razzle Dazzle Time » avec Jean-Laurent Vilon, directeur général de Mazarine Asia Pacific.

Le brief

DAZZLE Fashion est un groupe de mode chinois, dont la marque la plus connue est DAZZLE, « une sorte de Zara en plus premium » selon Jean-Laurent Vilon. DAZZLE Fashion est rentré en bourse fin 2017, pour une valorisation « à plus de 2 milliards d’euros ».

Début 2017, le groupe a briefé sans appel d’offre Mazarine Asia Pacific au sujet du lancement d’une nouvelle marque de mode masculine : RAZZLE. Les bureaux asiatiques de Mazarine ont comme priorité d’accompagner les marques internationales localement, et dans une moindre proportion d’œuvrer pour des marques chinoises. Mais le groupe DAZZLE Fashion a insisté pour travailler avec Mazarine. Une période d’observation de quelques mois s’est alors mise en place pour ce nouveau couple marque-agence, permettant à la compréhension et à la confiance de s’installer mutuellement.

Le brief était initialement événementiel, « pour un défilé à dimension internationale » comme l’explique Jean-Laurent Vilon.

La campagne

Mazarine Asia Pacific a rapidement identifié que ce projet devait être plus qu’un événement. L’agence managée par Jean-Laurent Vilon est alors remontée sur « une approche 360, en travaillant d’abord sur le positionnement et le branding ». Ce qui a mené à la réalisation de deux films teaser, tournés très rapidement à Shanghaï avec des modèles internationaux, mais « pas à l’étranger comme c’est en général le cas pour les marques de mode chinoises ».

Ensuite, des hubs de contenus ont été créés sur Weibo (un réseau social leader en Chine) et WeChat (la messagerie leader de ce marché). Ces présences sociales avaient pour objectif de faire connaître la marque et ses produits, de créer de l’attente pour le défilé (avec un module d’inscription pour y assister), ainsi qu’un live du défilé diffusé simultanément sur Weibo et WeChat, un replay et un certain nombre de contenus « making-of ».

Cette opération nommée « It’s Razzle Dazzle Time » n’a été soutenue par aucun plan média. L’agence et l’annonceur se sont uniquement basés sur l’attractivité du défilé, la stratégie de contenus et des partenariats avec des influenceurs locaux. Le défilé avait un budget raisonnable, « environ 5x inférieur à ceux que les marques internationales consacrent à des défilés en Chine » comme s’en félicite Jean-Laurent Vilon.

Les résultats

– 200 millions de vues sur Weibo.

– 80 000 discussions dédiées à la marque sur Weibo.

– 800 000 vues sur WeChat.

– La notoriété de la marque s’est accrue de 2950% après le livestream.

Les clés de succès

– L’exigence de réactivité du marché chinois
À la question de savoir si l’agence avait été surprise à un moment du projet, Jean-Laurent Vilon s’amuse qu’en « Chine, on est toujours surpris ! », et cela même après 6 ans de présence dans l’Empire du Milieu pour notre interviewé.

Quelle fut la surprise ici ? Sans conteste, la réactivité demandée par l’annonceur. « Quelques semaines voire quelques jours avant, les vêtements présentés lors du défilé étaient constamment changés. Ce que l’on ne voit pas du tout dans la mode en Europe, où les pièces sont bookées plusieurs mois à l’avance » comme le fait remarquer le directeur général de Mazarine Asia Pacific. « Or cela a un impact considérable sur la façon de travailler de l’agence. Mais il est impossible d’expliquer à une marque chinoise que nous ne procédons pas de la sorte en Europe : c’est à nous de nous adapter. »

Cette accélération du temps « n’a rien d’extravagant ». Elle est symptomatique du marché chinois où les « temps de réponse entre agences et clients sont au minimum 5x plus rapides qu’en France » selon Jean-Laurent Vilon. « Quand en France, au bout de deux mois, nous n’en sommes qu’au storyboard d’un film publicitaire, en Chine l’ensemble de la production – de la préparation à la diffusion – a été réalisée en un mois ! »

Si la cadence peut sembler infernale pour une industrie qui semble souvent au bord du burn-out, la contrepartie est que « les annonceurs chinois sont extrêmement rapides et actifs au moment de la validation ». C’est un avantage, « qui implique en retour une très grande disponibilité de l’agence » pour Jean-Laurent Vilon. Ce dernier met néanmoins en garde le marché : « la réactivité doit aller de pair avec la qualité, qui est clé dans les univers du luxe et de la mode ».

– L’adaptation culturelle
Pour tout projet entre la Chine et l’Europe « il faut s’attendre à des points de friction culturels » selon Jean-Laurent Vilon. « Les formats évidents en Europe ne le sont pas forcément en Chine, et inversement. » Ce pour quoi Mazarine Asia Pacific fait appel à 2/3 de salarié.e.s locaux dans ses bureaux de Hong-Kong, Shanghai et Pékin.

« Attention à ce qu’une trop grande adaptation au marché chinois ne fasse pas perdre à une marque son ADN » tempère Jean-Laurent Vilon, habitué à accompagner des marques occidentales sur ce marché aussi énigmatique que spectaculaire.

– La collaboration annonceur-agence
Enfin, pour Jean-Laurent Vilon, ce projet n’aurait pu être un succès sans une période d’acculturation commune de 2 à 3 mois avant d’agir. « C’était clé pour établir la confiance mutuelle, et être capable de mieux accélérer ensuite ». Ce climat propice a permis aux « équipes de Mazarine de sortir de leur zone de confort » ainsi que de fixer le bon niveau de réactivité attendu par le client. Le duo a déjà en route de « nouvelles activations pour le 2e trimestre ». Ce sera donc le « Razzle Time » plusieurs fois dans l’année !

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