Comment Lidl est passée de marque cachée à marque branchée

Par Élodie C. le 19/06/2023

Temps de lecture : 7 min

Vous consommez déjà Lidl.

Peu de marques peuvent se targuer d’avoir incarné le hard discount et d’être aujourd’hui devenu une référence de la consommation smart, voire branchée. Peu à peu, avec une stratégie de montée en gamme et un déploiement sur l’ensemble de la maison (jardin, cuisine, bricolage, déco, mode, jouets, high-tech, beauté, sports et animaux) Lidl relève patiemment le défi en faisant rimer qualité et petits prix. 

Ses robots Monsieur Cuisine s’arrachent à chaque sortie, ses sneakers ont suscité une hystérie collective, et ses supermarchés rencontrent de nouveaux consommateurs dans un contexte inflationniste. Comment Lidl a opéré ce tournant ? Quel est le principal défi de la marque aujourd’hui ? 

Alors que l’enseigne se lance dans le e-commerce non alimentaire et s’affiche en télé, Michel Biero, directeur exécutif achats et marketing de Lidl France, revient sur cette nouvelle étape pour la marque, ses ambitions et comment elle s’inscrit dans la stratégie globale de Lidl.

Quel est le principal défi de la marque Lidl aujourd’hui en France ?

Michel Biero : Nous avons réussi le challenge de passer d’une marque low cost au statut de marque tendance et branchée, que tout le monde assume et est fier de porter les couleurs. Je dirais que notre défi est de maintenir notre « cote d’amour » et de continuer à faire évoluer l’image de l’enseigne dont le passé est marqué par le hard discount qui était notre modèle pendant plus de 20 ans.

Lidl est le premier annonceur de France et la troisième enseigne préférée des Français, pourtant vous avez récemment sorti la campagne TV “Vous aimez déjà Lidl” avec l’agence Marcel, laissant sous-entendre que l’enseigne souffre encore d’un déficit d’image (les clients choisissent Lidl avant tout pour le prix). 

M.B. : Nous ne sommes pas arrivés au bout du changement d’image de l’entreprise et nous devons continuer à marteler nos messages de qualité. Avec cette campagne, nous nous adressons à tous ceux qui connaissent nos produits sans le savoir ! 65% des Français ont déjà fait leurs courses au moins une fois dans nos supermarchés. De fait, nombreux sont ceux qui ont déjà goûté nos produits sans nous connaître ! Avec cette campagne, on les invite à en découvrir plus en venant dans nos supermarchés.

Les clients choisissent l’enseigne pour son image prix et pour la qualité des produits. Les deux vont de pair. Car nous les séduisons par le prix et les fidélisons par la qualité des produits. L’un ne va pas sans l’autre à notre sens. Le message « vous aimez déjà Lidl » a pour ambition de confirmer un choix des consommateurs et de séduire/interpeler ceux qui ne nous connaissent pas encore.

Est-ce pour cela que vous avez ouvert votre catalogue à Yuka ? 

M.B. : Nous savons qu’aujourd’hui les clients sont beaucoup plus vigilants et soucieux de la qualité de leur alimentation. Et ils ont raison ! Nos produits étaient déjà sur Yuka, il nous paraissait évident d’ouvrir notre catalogue.

L’ouverture du catalogue à Yuka fait partie de notre volonté de transparence auprès de nos clients. C’est un formidable outil pour améliorer la composition de nos produits. Nous travaillons sans cesse à l’amélioration de nos recettes pour proposer des produits toujours plus qualitatifs. Nous avons ainsi réduit la teneur en sel, sucre, additifs et arômes artificiels de nombreuses références. Aujourd’hui, la qualité de nos produits alimentaires et d’hygiène sont régulièrement reconnus par des magazines consommateurs.

De hard discounter, Lidl est progressivement monté en gamme et rivalise désormais avec les marques distributeurs des autres grandes enseignes de la grande distribution. À quel moment s’est opéré ce tournant dans le positionnement de l’enseigne ?

M.B. : Cela fait maintenant plus de 10 ans que nous avons annoncé notre sortie du hard discount. Ce modèle ne correspondait plus aux attentes des Français et à leurs habitudes de consommation et il était nécessaire d’évoluer pour proposer une offre plus adéquate. 

Depuis 2012, nous avons totalement revu notre modèle, pour devenir un supermarché de proximité. Le changement s’est opéré sur la qualité des produits et la francisation de la gamme (aujourd’hui 75 % de nos produits sont made in France), la rénovation des supermarchés (que nous poursuivons encore aujourd’hui), l’évolution du management, etc.

Nous vendons 90% de marques de distributeur (MDD) et 10% de marques nationales et misons sur le meilleur rapport qualité-prix. Contrairement aux hypermarchés, nous n’avons jamais proposés de marques « premiers prix » en deçà de la qualité MDD.

Quelles sont les motivations derrière l’arrivée de Lidl dans le e-commerce non alimentaire ? Comment cela s’inscrit-il dans votre stratégie globale ? Quelles sont vos ambitions à long terme ?

M.B. : Notre ambition avec ce site de vente en ligne de produits non alimentaire est double : à la fois de séduire les Français qui ne nous connaissent pas encore, car ils n’ont pas de supermarché à proximité de chez eux ou n’en ont jamais franchi les portes. Nous comptons aujourd’hui 1580 supermarchés en France, mais il existe toujours des zones blanches, comme la Corse par exemple où nous ne sommes pas implantés.

Aussi, nous cherchons à fidéliser nos clients actuels en leur apportant un nouveau service, avec une offre complémentaire à ce qu’ils peuvent trouver en supermarché.

Au niveau de notre stratégie globale, ce site s’inscrit dans notre stratégie de digitalisation que nous avions déjà enclenché avec nos sites thématiques Lidl Voyages, Lidl-vins et enfin Lidl Plus, notre programme de fidélité entièrement digital.

Notre ambition ? Être reconnu pour la qualité et la compétitivité de notre offre sur le marché du e-commerce en France et pourquoi pas figurer dans le top 10 des sites e-commerces d’ici quelques années… et bien sûr, être rentable.

Quels sont les avantages que vous espérez offrir aux consommateurs grâce à Lidl.fr ? Comment cela complémente-t-il l’expérience d’achat en magasin ? Y aura-t-il des synergies prévues entre les deux ?

M.B. : Lidl.fr se présente vraiment comme une offre complémentaire à ce que nous proposons dans nos supermarchés. Avec un assortiment de produits plus conséquent (jusqu’à 5 000 références d’ici la fin d’année quand on en compte quelques centaines en supermarchés), offrant des caractéristiques techniques ou de services différents.

Bien sûr, notre volonté est de créer des synergies entre les deux via notre outil digital Lidl Plus notamment. En aucun cas Lidl.fr ne doit cannibaliser l’expérience d’achat en supermarché. Notre volonté est bien de répondre à tous les besoins en offrant des produits au meilleur qualité-prix sur les deux canaux.

Comment Lidl compte-t-il se différencier des autres acteurs déjà présents – en nombre – sur le marché ? Quels sont vos points forts dans ce domaine ?

M.B. : Notre modèle repose sur le rapport qualité-prix. Notre offre en ligne se positionne dans la même lignée avec un axe « bon plan » très fort comme dans nos supermarchés. Nous avons fait de nos offres hebdomadaires de véritables rendez-vous avec nos clients. Les Français aiment l’opportunité, l’offre maligne que l’on peut leur proposer d’une semaine à l’autre, que ce soit sur les gammes alimentaires (produits alsaciens, italiens, etc.) ou sur un robot de cuisine ou un outil pour la maison. Lidl.fr propose également des produits en permanents, saisonniers et en offre ponctuelle.

En 2020, Lidl a suscité une hystérie collective avec la sortie de ses sneakers et autres accessoires siglés Lidl. Vous attendiez-vous à un tel emballement ? 

M.B. : Pas du tout ! Nous n’avions pas du tout anticipé ce buzz. Ce sont nos homologues en Belgique qui ont mis en vente les baskets sur leur site e-commerce (lancé avant le nôtre). En France, nous avions choisi de ne pas les vendre, ne croyant pas vraiment au potentiel du produit… et finalement ce sont des grandes stars qui ont fait bouger les lignes. À l’instar de Djibril Cissé qui nous a contacté pour qu’on lui envoie une paire et a mis la collection à l’honneur. Ça a été le début d’une histoire forte pour la marque, comme une revanche parce que Lidl avait évolué avec eux.

Nous avons finalement pu proposer les baskets dans nos supermarchés français quelques mois plus tard et les consommateurs étaient au rdv !

Cuisine, mode, décoration, de nouveaux produits sortent régulièrement, notamment avec Silvercrest (électroménager) ou Parkside (bricolage et jardin), comment sont-ils choisis et développés ?

M.B. : Nous avons des bureaux internationaux qui travaillent sur le design et le développement des produits pour l’ensemble des pays Lidl dans lesquels nous sommes implantés (32 pays). Chaque pays choisi les produits qu’il proposera sur son territoire en fonction des affinités de ses clients, du territoire, etc. Nous profitons d’une économie d’échelle, car un produit peut être fabriqué pour plus de 30 pays, ce qui représente des volumes colossaux.

Avez-vous un support privilégié pour prendre la parole ? Y-a-t-il une stratégie différente pour Lidl et Lidl.fr ?

M.B. : Comme notre offre, la stratégie de communication est complémentaire entre Lidl et Lidl.fr. Nous communiquons sur les offres en ligne et en supermarchés, dans les prospectus, via l’application Lidl Plus, en médias, etc.

Et pour finir, la question traditionnelle de notre rubrique Parole d’annonceur : quel est le secret d’une relation annonceur-agence réussie ?

M.B. : De la communication, du bon sens et de la transparence tant dans les budgets que les briefs. Ainsi, nous n’avons pas de mauvaises surprises, que des bonnes campagnes !

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