Comment Konbini entend rester le média des 18-35 ans

Par Élodie C. le 25/04/2022

Temps de lecture : 10 min

Face à la concurrence des influenceurs et créateurs de contenu...

Créé il y a 14 ans alors que les réseaux sociaux s’apprêtaient à révolutionner notre quotidien et nos usages, Konbini s’est imposé dans l’univers ultra concurrentiel des médias – pure player – grâce à des formats ultra identifiables qui ont inspirés nombre de médias et de marques souhaitant se lancer dans le social avec des vidéos « à la Konbini ».

Parmi les médias chouchou des nouvelles générations, Konbini se voit aujourd’hui concurrencé par d’autres médias s’adaptant vite aux algorithmes des plateformes, ainsi que par des influenceurs / créateurs de contenus captant une part de l’attention revenant jusqu’alors aux médias.

Comment se distinguer et recruter de nouveaux lecteurs tout en continuant à s’adresser à une cible de plus en plus exigeante et saturée de contenu ? Quid de sa monétisation ? Quelles innovations sont attendues ?

Marie Misset, directrice de la rédaction de Konbini, accompagnée de David Creuzot et Lucie Beudet, co-fondateurs de Konbini, répondent à nos questions.

Le média a été lancé en 2008, les réseaux sociaux comme Facebook, Instagram et Twitter commençaient tout juste leur avènement, aujourd’hui, une grande partie de la stratégie du média repose dessus alors même que le marché est devenu ultra concurrentiel. Quels sont les défis du média aujourd’hui ?

Marie Misset : Ce sont ceux de la plupart des pure players. Nous avons la chance d’avoir un historique plus important que d’autres acteurs, comme Brut par exemple. Nous sommes très installés dans l’esprit des gens, c’est notre grande force : nous sommes reconnaissables partout, on fait des vidéos “à la Konbini”, ce travail là est fait. 

En revanche, le secteur est devenu très concurrentiel, tous les médias traditionnels s’essaient aux vidéos courtes et aux réseaux sociaux avec plus ou moins de succès. De temps à autre avec des formats qui ressemblent à ceux de Konbini. Sur Instagram, sous les vidéos de certains médias, on peut lire en commentaires : “X fait du Konbini maintenant ?” La concurrence est énorme, elle vient non seulement des autres médias autrefois peu ou pas présentes sur les réseaux sociaux, mais aussi des créateurs de contenus. Comme on a pu le voir lors de cette présidentielle, ces créateurs de contenu peuvent devenir des concurrents pour les médias, pas seulement pour Konbini ou Brut, mais pour tous les médias. Je pense notamment à Hugo Décrypte ou Magali Berdah, qui sont considérés par les candidats comme des leviers d’influence dans leur stratégie médiatique au même titre que TF1 ou Konbini.

L’autre défi, c’est la concurrence exercée par les plateformes entre elles, elles font toutes un peu la même chose, du moins se suivent dans leur stratégie : Instagram va faire du TikTok, YouTube va s’essayer à la vidéo courte, TikTok à la vidéo longue… Les règles changent tout le temps selon les plateformes. Nous sommes tout de même tributaires des algorithmes, le défi est donc de garder son identité, de rester reconnaissable sans se laisser emporter par chaque changement les algorithmes et asseoir notre statut d’acteur toujours aussi incontournable pour notre cible, les 18-35 ans. 

S’adresse-t-on aux jeunes générations de la même manière aujourd’hui qu’il y a 15 ans ? 

M.M. : Tout le monde essaie de le faire. Il a beaucoup plus de canaux et de réseaux pour le faire, plus de niches et de sujets qui vont concerner telle communauté, etc.

On ne s’adresse pas à la jeunesse de manière monolithique, la jeunesse comme un grand ensemble n’existe pas. En fonction des réseaux sociaux, les audiences divergent : sur YouTube, elle aime les sujets de société, mais s’intéresse aussi au rap, à la musique, la pop culture et le cinéma. Certains contenus vont plus sur cette plateforme et d’autres sur Instagram, on module la diffusion en fonction des communautés qu’on touche. C’est quelque chose qui se voit aujourd’hui et qui fait qu’on s’adapte, mais les choses étaient déjà ainsi auparavant.

Les sujets gaming et culture web prennent plus d’importance, même s’ils étaient déjà présents dans les années 2000-2010. Konbini est né de la culture web et du web, nous sommes donc à l’aise sur ces sujets qui ont pris de l’importance depuis 15 ans. Décrypter cette culture web et ce qu’elle dit de la société a pris beaucoup de place et continuera d’en prendre chez nous. 

La crise sanitaire a engendré une explosion de la consommation de contenus en ligne, toutes plateformes/médias confondus. TikTok et Twitch notamment ont vu leur audience s’élargir et exploser. Comment entendez-vous vous distinguer et recruter de nouveaux lecteurs ?

M.M. : Nous connaissons la façon dont nous sommes perçus, Konbini se distingue très fort, et est visible sur tous les sujets de pop culture. Nous apposons notre signature sur ces sujets, notre façon de faire est très reconnaissable et notre plus value créative est visible au milieu de vidéos qui se ressemblent beaucoup. Les couleurs Konbini se démarquent immédiatement par exemple. La pop culture et la créa est notre positionnement de base et c’est un continuum de Konbini.

Ensuite, il y a énormément de choses qui viennent de la culture web et réseaux sociaux dans la pop culture aujourd’hui. Elle vient s’infiltrer de manière plus visible, comme dans ce film de Judd Apatow sorti récemment sur Netflix (The Bubble, NDLR) où l’on voit une chorégraphie TikTok de 3 minutes.

Ce décryptage de la web culture intra pop culture, nous ne sommes pas nombreux à le réaliser et Konbini va continuer à pousser ce segment là. Pour se distinguer, nous misons toujours sur la qualité de nos contenus, même si nous en produisons de plus en plus.

Il se passe d’ailleurs quelque chose en ce moment avec les vidéos courtes de 1 minute à deux minutes : elles sont très mises en avant sur Instagram où nous sommes le premier média. Les changements opérés sur la plateforme nous forcent aussi à nous booster créativement et à créer des formats comme TOP 1 (format d’une minute) qui sont fait pour ça. C’est une manière de réinventer en permanence, de challenger notre créativité pour être en phase avec ce qui se passe et la façon dont les gens consomment les médias.

Avez-vous prévu un dispositif particulier pour les présidentielles ? Sentez-vous votre audience engagée ?

M.M. : Nous avons réalisé une dizaine de vidéos sur des sujets thématiques précis, comme la précarité des jeunes, comment intéresser les jeunes soignant à venir travail pour l’hôpital public, la légalisation (ou non) du cannabis, le rapport des jeunes avec la police, etc. Des vidéos déclinées en format court sur Instagram et en long sur YouTube. On sent un immense intérêt dans les commentaires où ça réagit énormément. Les gens sont contents qu’on évoque des sujets pas trop abordés ailleurs. Nous ne nous sommes pas trop engouffrés dans les sujets d’identité et d’immigration par exemple car beaucoup de gens/médias le font à notre place et ce pas notre rôle ni la préoccupation première de notre audience.

Une étude du Monde sortie en mars montre une affiliation de plus en plus grande de notre audience avec des partis politiques et vis à vis de l’engagement politique pur et dur. En revanche, sur les sujets précis sur lesquels on interpelle les candidats, on sent un très vif intérêt : la plupart des vidéos courtes ont dépassé le million de vues, sur YouTube certaines vidéos longues s’en approchent, comme celle sur le cannabis avec près de 700 000 vues. Le degré d’interaction et de nombre de commentaires montre cet intérêt, tout comme le taux de complétion, très fort également. 

Je n’ai pas de doute sur le fait que les jeunes s’intéressent à la société dans laquelle ils vivent. En revanche, on peut avoir des doutes lorsque d’autres médias nous proposent du contenu commun, et veulent que ce soit des influenceurs qui posent les questions. Je ne suis pas certaine qu’il y ait un grand intérêt de la part de nos audiences sur des questions politiques. Toutefois, nous avons réalisé un programme avec Instagram (Ça vote) pour appeler les jeunes et les primo votants à aller voter avec des influenceurs, et là c’était génial car ce sont des gens qui abordaient seulement la question du vote et non les partis politiques, leurs idées, etc. 

Nous avons choisis 4 influenceurs avec des communautés très fortes et différentes, comme @Sally très politisée et plus engagée à défaut d’être encartée, ou @Vargasss92 très loin de la politique. Avoir l’aide de ces communautés pour aller sur le terrain faire des micros-trottoirs, distribuer des tracts et montrer comment s’inscrire sur les listes électorales, était vraiment intéressant et précieux.

On sent les jeunes assez loin de la politique dans le sens où ils paraissent un peu désespérés par parole et le paysage politique.Ils ne se sentent pas hyper concernés, peut-être parce qu’on ne leur parle pas très souvent En revanche, ils sont très présents sur leurs sujets, ils réagissent énormément dans les commentaires et finissent par parler entre eux. Le but avec ces vidéos c’est de déclencher des discussions en famille, avec leurs amis et leurs entourages. 

Quelles sont les prochaines innovations médias attendues sur Konbini ?

David Creuzot et Lucie Beudet : Nous devons innover en permanence sur tous les sujets. Que ce soit en interne avec la mise en place de systèmes d’informations à la pointe comme au niveau de l’expérience autour du contenu avec des moyens importants mis sur l’innovation créative de nos formats ou encore sur nos moyens de publication et d’analyse. 

En tant que média des jeunes générations, vous abordez une multiplicité de thématiques qui leur sont chères : climat, diversité, inclusion, violences policières et violences faites aux femmes, etc. Quelle est celle qui vous tient particulièrement à cœur si vous deviez en défendre une ? Vous lancez ou allez lancer la Semaine du cyberharcèlement chez Konbini… (janvier 5 février)

M.M. : Le cyberharcèlement est le premier thème que nous avons abordé car c’est une thématique qui concerne très directement Konbini, et un sujet massif : les chiffres sont énormes. Le cyberharcèlement est du harcèlement, on ne s’en rend pas assez compte, c’est la vraie vie. C’est un sujet qui nous tenait à cœur, notamment aux journalistes eux même victimes de cyberharcèlement ou nos invités après un passage chez nous.

Les sujets sur l’éducation sexuelle (en juin), ou la protection des de l’enfance sont des sujets sur lesquels on se sent investi d’une mission en tant que média. Nous sommes droits dans nos bottes sur les engagement qu’on prend, on y croit profondément.

L’Idée est de faire cela de manière joyeuse tout en faisant de la pédagogie. Pour chaque engagement, nous prévoyons un kit, avec des ressources, des conseils et tout autre choses pratiques apportant une plus value pour avancer sur la question.

Ces derniers temps, vous avez l’air d’avoir pas mal recruté au sein de la rédaction, notamment à des postes clés : le média se trouve-t-il à un carrefour entre consolidation et expansion ?

D.C. et L.B. : Notre communauté évolue et nous progressons avec elle. Nous avons réalisé une très bonne année 2021 et nous sommes toujours dans la dynamique. Nous avons effectivement accueilli de nouvelles expertises et des nouveaux talents stratégiques pour le groupe.  Nous sommes effectivement à un véritable carrefour où nous avons fait beaucoup d’efforts pour consolider l’ensemble de nos activités et nous pouvons désormais nous concentrer sereinement sur notre expansion. 

Le média se monétise en grande partie grâce au marketing de contenu et au native advertising ?

D.C. et L.B. : Notre modèle est l’avenir de la publicité. Les marques doivent aujourd’hui s’éditorialiser et offrir à leur communauté des contenus dédiés et créatifs. Grâce à notre expertise unique développée depuis 2008 sur ce marché, nous offrons à nos partenaires des solutions efficaces pour les aider à se connecter avec leurs audiences. Ce marché du marketing de contenu est en pleine expansion et nous sommes fiers d’accompagner les plus grandes marques sur le long terme comme dernièrement Amazon Prime. 

Comment voyez-vous le secteur des médias évoluer dans les années à venir ? Quels sont les plus grands enjeux auxquels il devra répondre ?

D.C. et L.B. : Le secteur des médias est en constante évolution, comme celui des plateformes de diffusion. 

La lutte contre les fake news, l’arrivée du metaverse, les solutions de rémunération des créateurs, la souscription sont des sujets passionnants qui font changer les choses.

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