Avec la rubrique Jeunes loups, la Réclame donne la parole aux jeunes professionnels de la com les plus en vue : entrepreneurs, dirigeants et autres profils à suivre. Au programme : des interviews, tribunes et des échanges autour du présent et surtout de l'avenir de notre secteur.
Alors que l’économie de la possession est bousculée par l’économie collaborative, l’expérience s’affirme comme le véritable luxe. Pour faire face à ces mutations, les entreprises replacent leur centre de gravité au plus près du client, accompagnées de leurs partenaires agences. Si les agences sont aux premières loges pour observer et alimenter ces changements, la relation agence-annonceur a-t-elle fait sa révolution ? Ce n’est pas encore le cas pour Maxime Garrigues, directeur général de X-PRIME Groupe. Pour en prendre le chemin, l’agence s’est dotée d’un véritable programme d’expérience client, dont voici les enseignements dans ce premier épisode d’une série d’articles dédiés au futur des agences.
Qu’est-ce qui ne fonctionne pas aujourd’hui dans la relation agence – annonceur ? Et en particulier pour une agence digitale ?
La relation agence – annonceur n’est pas si mauvaise que cela. Des initiatives de l’AACC ou encore les cabinets de conseil en choix d’agence tendent à améliorer les choses.
Cependant ma conviction est que le mode de relation entre l’annonceur et son agence digitale, qui est traditionnellement basé sur les projets, n’est plus adapté à l’heure de la transition numérique des entreprises. Nous avons besoin d’une relation plus pérenne, plus stable et plus transparente avec les annonceurs.
Aujourd’hui, si je force le trait, voilà comment nous pourrions résumer une relation « classique ». Après la phase de séduction de la compétition s’en suit une phase d’euphorie où client et agence débutent leur collaboration. Puis viennent les premières frictions dans la relation client. Elles sont inhérentes à tout projet, qui plus est dans notre métier où, en complément du conseil et de la création, les pure-players digitaux tels que X-PRIME, intègrent aussi la production technique (front ou back-end). Difficultés techniques, délai de production ou encore périmètre mouvant, l’exécution technique génèrent forcément des frictions dans l’expérience. Frictions d’autant plus importantes que les interlocuteurs clients manquent souvent d’expertise technique pour les comprendre.
Deuxièmement, historiquement (et à notre grand regret), la rémunération des agences digitales s’est construite autour de cette même production. Un projet est estimé sur la base de temps jour / hommes à passer sur différentes tâches. Ce business model, nous oblige alors à nous focaliser sur notre production et non sur l’accompagnement client qui est systématiquement sous-valorisé. La faute est ici partagée. De notre côté, parce qu’il ne tient qu’à nous de proposer systématiquement des honoraires conseils aux clients et du côté des annonceurs qui refusent encore trop souvent cette ligne, l’estimant souvent non justifiée.
Résultat, nous n’avons pas de temps dédié à l’écoute et à l’accompagnement client. Des temps pourtant précieux, gages d’un accompagnement efficace dans la transformation digitale des entreprises.
Quel a été le point de départ de votre réflexion pour faire évoluer l’expérience client au sein de X-PRIME ?
Nous évoluons vers une économie dominée par l’expérience client et non plus par la possession. L’important n’est plus de consommer, mais surtout de vivre une expérience qui se doit d’être positive d’un bout à l’autre du cycle de consommation (avant, pendant, après).
Notre réflexion est simple. Un client annonceur est lui aussi un consommateur. Pourquoi ne devrions-nous pas adopter la même démarche ? Une démarche saine, qui plus est source d’un meilleur business pour l’agence.
Notre ambition est donc de proposer la meilleure expérience client du marché. Une expérience source de valeur ajoutée pour nos clients annonceurs et de différenciation vis-à-vis de nos concurrents.
Qu’avez-vous mis en place ?
Nous savons que le 0% défaut est une promesse intenable… même si celle-ci est faite par d’autres lors des compétitions. Notre promesse réelle et tangible est donc de tendre vers le 100% de satisfaction client et de tout mettre en oeuvre pour cela.
Tout a commencé par le suivi du niveau de satisfaction. Ainsi, depuis 2012, nous faisons régulièrement appel à l’étude Limelight (BVA) qui interroge anonymement nos clients à propos de leur perception et expérience de l’agence. L’an dernier nous avons eu un taux de 96% de clients satisfaits.
Nous travaillons à transformer les 4% d’insatisfaits restants. Pour cela nous avons conçu un véritable programme d’expérience client à l’agence.
Des entretiens qualitatifs sont régulièrement organisés auprès des clients afin de récolter leurs retours et autres idées d’améliorations. En complément, et afin de suivre en continu cette satisfaction, nous avons récemment mis en place (beta test en cours) une évaluation automatisée. Inspirée des services tel que Uber, à chaque fin de projet, une évaluation est demandée à l’interlocuteur projet. 5 critères, pour 5 étoiles. En moins de 1 minute le feedback est collecté. Les réponses sont lues et véritablement prises en compte. Le suivi de cette satisfaction est d’ailleurs à l’ordre du jour de chaque comité de direction.
L’expérience client va plus loin. Nous évoluons dans un secteur « anxiogène » pour les annonceurs, qui ont peur de se faire « uberiser », d’arriver trop tard sur un média social, ou tout simplement de passer à côté d’un usage. L’expérience client doit fixer ce problème en renforçant la proximité de l’agence avec ses clients.
Nous avons donc créé des points de contacts clients « hors projets ». L’idée est d’apporter de la valeur ajoutée conseil en continu et en pro-actif. Nous produisons ainsi de nombreux contenus que nous distribuons directement à nos clients (curation & planning stratégique digital). En complément nous organisons des Smart Breakfasts. Il s’agit de petits déjeuners thématiques dans lesquels nous apportons des réponses utiles et pragmatiques sur des préoccupations clients. Le prochain aura par exemple lieu fin Mai et traitera des « Les Bots, des agents conversationnels pour les marques ». Nous y faisons intervenir des partenaires technologiques tels que Facebook, Twitter ou encore Acquia. Finalement, nous faisons se rencontrer nos clients, nos partenaires mais aussi prospects lors de X-PRIME Dinner qui ont lieu deux fois par an. Nous voulons favoriser les rencontres, favoriser le succès de nos clients et fédérer cet écosystème autour de l’agence.
Quels en sont les résultats ?
Les résultats ne sont pas quantifiables de manière précise. Difficile en effet d’attribuer ce qui relève ou non de l’expérience client.
Ce dont nous sommes sûrs c’est qu’à très court terme la mise en oeuvre de ce programme a permis de faire évoluer la culture des collaborateurs et de les orienter davantage sur le client. Ce programme a assaini les relations avec l’ensemble de nos clients. Notre posture a évolué, ils se sentent plus à l’aise, plus en confiance avec nous. C’est beaucoup plus simple pour eux de nous parler et inversement.
L’écoute de nos clients, a fait évoluer notre organisation et certains de nos process de production. La décision de créer un studio média X-PRIME par exemple a largement été impactée par des retours des clients annonceurs.
Finalement, je suis convaincu que cette démarche nous distingue aussi en phase de sélection d’agence. Nous la valorisons dans le cadre de la présentation agence et le discours est portée par l’ensemble de nos interlocuteurs clients.
Peut-on réellement industrialiser ou processer des relations humaines autour d’une prestation intellectuelle ?
L’idée est plus de rendre « scalable » l’expérience client. C’est à dire de bâtir un programme qui puisse fonctionner aussi bien pour 2 clients que pour 20 tout en maintenant les coûts et sa pertinence pour nos clients. Pour autant, le coeur de l’expérience client reste les talents de l’agence. Qu’importe votre programme, il vous faut avant tout recruter les bons collaborateurs. C’est une problématique que toutes les agences ont et qui est difficilement industrialisable. Cependant, la compétence des collaborateurs n’est pas un sujet, c’est une obligation. Lorsque vous êtes un pure-player comme nous, l’expertise digitale est une évidence non différenciante tandis que l’expérience client l’est.
Comment voyez-vous évoluer la relation agence-annonceur dans les années à venir, que ce soit pour X-PRIME ou pour les autres agences du marché ?
Nous l’envisageons moins verticale. Plus horizontale entre clients, c’est-à-dire que nous voudrions impliquer par exemple des clients de l’agence à des workshops d’autres clients et ainsi favoriser le partage entre annonceurs. Plus horizontale aussi dans la coordination d’autres agences ou experts freelance. L’agence doit être un hub, un carrefour d’expertises et notre rôle est de faire en sorte que tout le monde collabore dans l’intérêt de l’annonceur.
Ensuite comme pour l’étude de la satisfaction, nous voudrions arriver à fixer des indicateurs de la valeur apportée par l’agence. Un indicateur qui serait utile dans la valorisation de notre expertise mais aussi serait très rassurant pour les annonceurs.