« Certains pouvaient douter de la pertinence du télétravail en agence, ils se sont trompés »

Par Xuoan D. le 11/05/2020

Temps de lecture : 7 min

Dernière interview "Le confiné libéré" avec Fabrice Plazolles, Havas Sports.

La pandémie de Covid-19 et « Le Grand Confinement » imposent à chacun de rester chez soi, vidant au passage les entreprises du secteur de la communication. Si leur activité a été fortement bouleversée, les agences n’ont pas pour autant cessé d’œuvrer, organisant leur continuité grâce au télétravail et ses divers outils (Zoom, Teams, Hangouts et Slack pour ne citer qu’eux).

Si la question n’est désormais plus de savoir si une agence peut travailler à distance (notre première émission en direct, Les enjeux – la Réclame / live Covid-19, nous a fourni la réponse), nous avons souhaité donner la parole aux travailleurs confinés, qu’ils viennent d’agences, de médias ou d’annonceurs.

Pour cette nouvelle interview “Le confiné libéré”, nous tendons le micro à Fabrice Plazolles, head of creativity chez Havas Sports & Entertainment.
 

Comment travaillez-vous depuis le confinement ? Avez-vous une journée type ?

Fabrice Plazolles : Si je devais le résumer, je dors davantage car j’ai enfin réussi à délocaliser Havas dans l’Est parisien, je passe encore plus de temps en réunion sauf que ça s’appelle des Teams et je mange mieux qu’à la cantine. Je me donne l’impression de traverser l’agence en alternant la chambre et le salon pour faire mes plan’s board.

Sinon, plus sérieusement, on continue à faire avancer les sujets, entre briefs, PC, PB comme si de rien n’était (ou presque). Il y a beaucoup de sujets qui sont mis en stand-by mais il y a également un grand nombre d’opportunités qui naissent de ce contexte, notamment dans le gaming. Il y a aussi un vrai travail de fond avec toute l’agence pour préparer la reprise et penser déjà aux lendemains meilleurs. Sans oublier de prendre également soin de ceux qui vivent ce confinement un peu plus difficilement. L’agence et le groupe Havas dans son ensemble ont été extrêmement vigilants à ce que chacun vive cette période compliquée du mieux possible. Bref, on ne s’ennuie pas !
 

Ce qui vous manque le plus ?

F.P. : Faire le tour de l’agence le matin avec un café. Ce moment où la journée démarre doucement, où tu commences à te balader et à échanger de manière impromptue avec les gens. C’est à ce moment-là que naissent certains briefs, certaines idées, etc. Si je fais le tour de chez moi, c’est tout de suite moins générateur d’idées !
 

Ce que vous avez découvert pendant cette période complexe et incertaine ?

F.P. : Que ce qui fait une agence c’est avant tout ceux qui la composent, et non les locaux. Certains pouvaient encore douter de la pertinence du télétravail en agence et il faut bien qu’ils admettent qu’ils se sont trompés. Alors oui, il faut des moments de vie commune car ils servent à créer et à générer de l’énergie tous ensemble, mais le télétravail et la pub, c’est compatible. Nous avons réussi à switcher très rapidement, très efficacement, sans que cela se ressente sur la qualité de nos livrables, et sur la qualité de nos réponses aux briefs. Jean-François Sacco en parle dans une tribune, mais la richesse d’une agence, et j’irais même jusqu’à dire son ADN, ce sont ses hommes et ses femmes.

Quelle musique a accompagné votre confinement ?

F.P. : Étrangement, j’en écoute beaucoup moins depuis que je ne prends plus le métro. Comme quoi, la consommation de musique est beaucoup liée aux transports aussi. Mais je prends toujours du temps pour écouter les playlists de mes potes de Hors Sol, notamment le matin avec un café plutôt que de regarder les chaînes infos.

J’ai également écouté en boucle le nouvel album de Hey Hey My My signé chez Vietnam, le label de Franck Annese.

La lecture souvent repoussée que vous avez enfin entreprise ?

F.P. : Cien años de soledad de Gabriel García Márquez, en VO. Le livre qui a marqué ma première année de fac mais que je n’avais pas relu depuis. Le confinement ayant débuté le lendemain de mon retour de 3 semaines de vacances en Colombie, c’était le moment idéal pour faire durer le voyage et rester un peu en vacances.
 

Le défi ou l’activité créative que vous avez démarré pendant ce confinement ou souhaitez débuter ?

F.P. : J’ai créé un compte sur Duolingo pour apprendre l’italien. Pour l’instant, je sais dire « je bois de l’eau » et « Le jeune homme mange une pomme ». Pas forcément très utile mais je ne désespère pas de progresser vite.
 

Votre habitude honteuse qui ne survivra pas au confinement ?

F.P. : Faire du TéléTravail au sens propre du terme, c’est-à-dire regarder la télé en travaillant, et principalement des émissions nécessitant peu d’investissement intellectuel. Je n’irai pas jusqu’à m’abaisser à citer des émissions précises ! Mais il faut se rendre à l’évidence, je ne serai jamais à l’heure pour les Reines du Shopping une fois qu’il faudra revenir à l’agence.
 

Ce que vous aimeriez conserver pour l’après ?

F.P. : Le temps qui semble s’allonger. Depuis le début du confinement, j’ai l’impression de pouvoir profiter plus des choses simples comme lire un livre, cuisiner, découvrir des séries que je n’avais pas pris le temps de regarder. Ne rien faire aussi. C’est sûrement lié au fait que l’on travaille de la maison mais aussi parce que les activités sociales sont au point mort. Et si on gardait quelques jours par semaine pour s’ennuyer un peu ? Ou pour démarrer cette série sur Netflix ?
 

Votre conseil pour s’adapter au mieux au confinement et au télétravail ?

F.P. : Ne pas suivre les règles pour un télétravail efficace et faire comme on en a envie. Je n’ai pas de coin bureau, je ne me lève pas aux aurores, je ne m’habille pas forcément comme si j’allais à l’agence, je ne cloisonne pas ma vie entre travail et salon pourtant je me sens bien et je suis efficace. Faites comme bon vous semble !
 

Le confinement vous a-t-il rendu plus ponctuel en réunion ?

F.P. : Oui ! C’est fou comme il est plus facile de quitter un Teams qu’une salle de réunion. Je me retrouve même parfois à être en avance dans certaines réunions. Gênant d’ailleurs ce moment de solitude. On l’a tous vécu depuis quelques semaines !

Une initiative que vous aimeriez évoquer ?

F.P. : CANAL+ qui a décidé de rendre ses chaînes gratuites au tout début du confinement. Depuis, beaucoup de marques ont proposé des services gratuits ou des solutions pour rendre le confinement plus facile à vivre. Mais la réactivité de « Canal », la manière de l’annoncer ont, je trouve, été un modèle du genre. Dans un autre registre, l’émission de Cyril Lignac sur M6 qui fait cuisiner les gens en live tous les soirs est intéressante aussi. La capacité à produire ce concept, à comprendre très vite que les gens allaient passer leurs soirées en cuisine et à en faire un dispositif qui mixe influence media et contenu est remarquable.
 

A la sortie du confinement, vous pariez pour une révolution écologique une crise bien triste ou un retour au train-train quotidien ?

F.P. : J’aimerais croire à une révolution écologique, et économique. On voit dans de nombreuses études que beaucoup de Français veulent que cela change mais j’ai malheureusement peur qu’après quelques semaines tout redevienne comme avant et que cette crise ne soit plus qu’un souvenir douloureux, vivace mais qui change peu de choses à notre manière de vivre. Au lendemain des attentats de 2015 nous avons tous cru et espéré une société plus solidaire, plus tolérante, plus fraternelle et nous avons vu ce que cela a donné. Tout cela me fait un peu penser aux bonnes résolutions que l’on prend le 1er janvier. Comme on dit, chat échaudé craint l’eau froide. Mais j’espère me tromper, et cela va être également à nous tous, agences, marques, de faire en sorte que je me trompe.
 

Comment voyez-vous votre métier et son secteur évoluer après cette crise ?

F.P. : Justement, à mes yeux, les agences et les marques auront leur rôle à jouer pour faire en sorte que cela change. Les agences en faisant comme à leur habitude, c’est-à-dire en étant à l’avant-garde de l’évolution de la société, en l’aidant à se transformer, en proposant des idées et des activations ayant du sens. Chez Havas, on dit Meaningful et j’aime beaucoup ce mot car oui, on va avoir encore plus besoin de donner du sens à ce que l’on fait. Et puis les marques ou les ayant droits en acceptant de risquer, d’innover, d’oser après cette crise sans précédent. Ceux qui oseront changer leur vision seront, je pense, ceux qui s’en sortiront le mieux. Et rien de mieux qu’une nouvelle ère pour oser.

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