Décryptons le succès de la campagne #285excuses de La Boulangère.
La juste répartition des tâches ménagères au sein des foyers est devenue un sujet de société à part entière. La marque La Boulangère s’en est emparé au printemps 2017 pour créer la discussion avec une campagne nommée 285 excuses. Le timing s’est avéré très favorable, puisqu’au même moment, la dessinatrice de BD Emma a grandement fait parler d’elle en popularisant le concept de charge mentale. Alors que la deuxième campagne issue de la collaboration entre la Boulangère et Glory Paris est diffusée en TV et sur Internet, revenons avec Hugues Pinguet et Arnaud Le Bacquer sur une campagne déterminante, aussi bien pour la marque que pour l’agence.
Le brief
La Boulangère est une marque de pains, de brioches et de viennoiseries qui a aujourd’hui une position de challenger « face à Harris, Pasquier, Jacquet, qui investissent beaucoup en communication depuis des années » comme l’explique Arnaud Le Bacquer.
Lors du brief de l’agence Glory Paris par l’annonceur, les enjeux suivants sont apparus : « La marque est assez ancienne, originaire de Vendée. Elle avait beaucoup de mal à émerger depuis plusieurs années. L’objectif premier était donc de regagner en notoriété, car la notoriété fait vendre. Il s’agissait également de valoriser les engagements de la marque ».
Si les produits La Boulangère sont consommés par tout le monde au sein d’un foyer, ce sont historiquement les femmes qui les achètent. La campagne devait donc s’adresser à elles. Mais Glory Paris a eu l’intelligence d’élargir cette cible dans sa campagne, nous y reviendrons.
La campagne
Pour répondre et remporter ce brief, il fallait donc une campagne authentique et qui résonne avec les enjeux actuels de la cible de la marque. Mais comment être certain de viser juste en aidant La Boulangère à s’engager auprès des femmes, alors que toute prise de parole liée à l’égalité hommes / femmes suscite des débats enflammés en ligne ? « Il est du rôle d’une agence comme la nôtre de « renifler » les tendances et de ce qui se passe dans la société » comme l’avoue Arnaud Le Bacquer, d’autant plus que « cette campagne a été conçue par des hommes ».
Or l’équipe de Glory Paris a été marquée par le discours d’Emma Watson à l’ONU autour de l’égalité hommes / femmes : HeForShe. C’est sur cette inspiration initiale que l’agence a développé pendant 6 mois la campagne des #285excuses pour La Boulangère.
Afin de conforter son intuition, l’agence a fait appel à OpinionWay et à Christine Castelain Meunier, sociologue au CNRS pour « étudier les relations intra-foyer ». Les résultats sont implacables, avec une forte proportion des tâches menagères et éducatives menées par les femmes, et une perception des hommes biaisée à ce sujet.
Par un heureux concours de circonstances, courant mai, la BD de la dessinatrice de BD Emma a grandement fait parler d’elle en popularisant le concept de charge mentale. Le contexte médiatique était alors propice au lancement de la campagne de La Boulangère, à son rayonnement, et surtout à son potentiel à générer des discussions.
L’agence a ainsi imaginé la campage #285excuses où des hommes, face caméra, viennent reconnaître et s’excuser auprès de leurs femmes de n’en pas faire assez à la maison. Les produits de La Boulangère venant faciliter le quotidien de chacun en étant prêts à l’emploi (ainsi que sains ou gourmands selon les gammes), les hommes n’auraient plus d’excuses pour ne pas mettre la main à la pâte !
La campagne a été construite en deux temps comme l’explique Arnaud Le Bacquer : « Nous avons d’abord travaillé avec les rugbymen de l’Équipe de France. Ce sont à la fois des symboles de virilité et d’intelligence. Les voir faire des excuses à leur compagne fut la 1e étape. »
L’agence a ensuite organisé un casting sur Facebook et donné rendez-vous aux participants dans les rues de Paris. Des passants, voyant le concept se sont également portés spontanément volontaires pour filmer leur propre message d’excuse à leur compagne. C’est au total plus de 300 films qui ont été tournés, pour 285 films diffusés (pour le clin d’œil, 85 étant le code postal de la Vendée si chère à la marque).
Ces 285 films ont ensuite été diffusés en TV, ce qui a représenté un challenge humain et technique. Arnaud Le Bacquer revient sur cet épisode : « La diffusion s’est fait sur 4 mois. Au début, aucune régie ne voulait diffuser les 285 films. » D’autant que chaque participant s’est vu envoyer l’heure de passage TV de son spot pour pouvoir montrer en direct ses excuses à sa campagne, ce qui demandait aux régies et aux chaînes un suivi peu courant. Cependant, ces partenaires média ne regrettent pas l’expérience, « la campagne étant désormais un cas d’école pour elle » selon Arnaud Le Bacquer qui voit dans celle-ci « un potentiel renouvellement de la façon d’annoncer sur un média aussi classique que la TV ».
La campagne a généré un fort earned media (cf la partie résultats), ce qui a incité des médias comme Auféminin et Femme Actuelle à produire des contenus additionnels en partenariat avec la marque.
Le case study
L’étude d’OpinionWay
Les résultats
– La marque est passée de 9% à 21% de notoriété spontanée. Et de 54 à 90% en notoriété totale (source : étude IPSOS pour La Boulangère). « Soit un niveau équivalent à ceux de la concurrence » selon Hugues Pinguet.
– La notoriété globale en un an est passée de 54% à 92% pour atteindre les niveaux de la concurrence
– Les ventes ont augmenté de 12% sur les 3 mois de campagne. Et de 4% sur toute l’année.
– 93 retombées média dont 8 passages TV
– 522 millions de contacts cumulés
– 90% de la cible a vu un spot 285 excuses au moins une fois
– 719 000 de reach total influenceurs
– 2,270 millions de vues vidéo
– 13 000 interactions sur les réseaux sociaux : la campagne a créé un véritable débat autour de la charge mentale et de la répartition des tâches au foyer.
Les enseignements
Lorsqu’on lui demande de sortir les éléments qui les ont les plus marqué pendant cette campagne, Hugues Pinguet et Arnaud Le Bacquer reviennent avant tout sur l’originalité de la campagne. Ils savaient qu’ils provoqueraient de la discussion et obtiendraient du earned média avec cette campagne, mais ne s’attendaient tout de même pas à doubler les résultats par rapport à la demande du client.
Hugues Pinguet revient également sur l’importance d’avoir fait connaître la marque aux médias féminins alors qu’Arnaud Le Bacquer souligne la conviction de l’agence que l’annonceur a respecté. Enfin, le binôme insiste sur l’importance de « parler vrai » au public et d’arrêter de lui proposer des « images d’Épinal » représentant des produits, des personnes et des familles parfaites.
Les clés du succès
– L’engagement d’une marque sur un sujet de société
« Aujourd’hui, une campagne qui ne génère pas de discussion est un acte manqué », déclare Arnaud Le Bacquer. Cette déclaration souligne l’importance pour une marque de se positionner sur les sujets sociétaux. Elles ne peuvent plus se contenter de faire de la promotion produit.
Cet engagement s’est avéré d’autant plus efficace qu’il était surprenant : « On ne s’attend pas à ce qu’une marque de pains s’engage sur ce sujet. »
– L’engagement des consommateurs
Ce point découle directement du point précédent. Hugues Pinguet explique : « Les consommateurs attendent du sens de la part. C’est dans l’air du temps. » C’est dans cet esprit que l’agence a choisi de ne même pas faire apparaître le packshot en fin de spot pour favoriser la dimension RSE de la campagne.
– Le courage de l’annonceur
Hugues Pinguet salue l’audace des responsables de La Boulangère qui ont su investir leur budget TV dans cette campagne sans pré-test : « pendant des années, nous avons travaillé pour des grands groupes avec un modèle procterien. On passait à la moulinette des pré-tests. Je pense que si on avait pré-testé cette campagne, ça ne serait pas forcément passé. » Or au final, la campagne a été un succès inattendu, prouvant « que le modèle proctérien est challengeable ».