Une Fracture française de plus ?
Dans un climat socio-politique tendu, l’enquête annuelle « Fractures françaises » d’Ipsos et Sopra Steria – pour Le Monde, le Cevipof, la Fondation Jean-Jaurès et l’Institut Montaigne – dévoile une France en proie à la colère et au scepticisme. Réalisée du 15 au 18 septembre 2023, l’étude montre que près de la moitié des Français (45 %, +9 points en un an) se sentent en phase avec une France contestataire, tandis que l’idée d’un déclin national séduit une écrasante majorité (82 %, +7 points). Seuls 4 % pensent vivre dans une France satisfaite et apaisée.
Les questions adressées à l’échantillon représentatif de 1500 Français.e.s sont liées pour la plupart à la politique. Les sondeurs interrogent notamment sur la capacité du RN à gouverner (44 % le considèrent apte, enregistrant +5 points en un an) ou sur les dangers de tel ou tel parti pour la démocratie (LFI est perçu comme plus dangereux que le RN, à 57 % vs 52 %). Mais les 15 sections de l’enquête abordent aussi des thèmes comme le rapport des Français à la police, la justice sociale et l’économie, ou encore la protection de l’environnement. Et c’est justement cette partie qui nous a le plus surpris.
Comme l’a identifié le média Vert, seuls 57 % des Français pensent que le changement climatique est : 1. une réalité ; 2. d’origine humaine :
Si l’on totalise les réponses niant cette origine anthropique ou l’urgence climatique tout court, on dénombre 36 % de Français qualifiables de climatosceptiques. C’est-à-dire autant de Français qui font l’autruche face aux dérèglements du climat particulièrement sévères observés dans le monde cet été (et l’année précédente, voire, sur la décennie). Ou qui ont une approche du sujet allant à contrecourant du consensus scientifique mondial dont le GIEC fait la synthèse dans ses rapports.
Mais le plus étonnant est que ces 57 % de « pour » et ces 36 % de « contre » ont évolué de 4 points depuis 2022. Les climatosceptiques ont réussi à faire croître leur groupe de 4 points, au détriment des climatoconscients. L’étude ne nous donnant pas de piste pour expliquer cette migration, si ce n’est un détail par sympathisants politiques :
Comment limiter le changement climatique ? Les Français ne semblent pas croire au technosolutionnisme (15 %), mais sont d’accord pour modifier leurs modes de vie (29 %) et favoriser de nouveaux modes de production pour l’agriculture, l’industrie et les transports (36 %). Avec de forts écarts selon les sympathies politiques. À gauche ou côté RN, on sollicite la transformation des entreprises pour lutter contre le climat plus que celles des habitudes des particuliers. Alors que chez les votants LREM, cela repose davantage sur la responsabilité individuelle de chacun.
Enfin, quant à la question de savoir si les Français doivent être contraints à faire des efforts en termes de mode de vie ou de finances, les résultats sont contradictoires. Et les avis peuvent diverger de 59 points pour une même question selon les affinités politiques.
Rendez-vous en 2024 pour une nouvelle enquête, qui sait, dans un climat un peu plus apaisé… et tempéré ?