Champions du monde, à notre façon.
Ce jeudi 19 septembre, France TV Publicité invitait dans ses locaux Ipsos pour la présentation des Global Trends 2024. Alexandre Guerin, directeur général d’Ipsos en France, était l’hôte de cet événement qui célèbrait les 10 ans de l’enquête Global Trends avec un état des lieux des grandes tendances mondiales avec un focus particulier sur la France. Parmi les 9 tendances clés identifiées, plusieurs dynamiques résonnent particulièrement en 2024, en pleine période de crises multiples et de bouleversements socio-économiques.
Pour ce faire, 50 237 personnes dans 50 pays ont été interrogées : l’Afrique du Sud, l’Allemagne, l’Arabie Saoudite, l’Argentine, l’Australie, la Belgique, le Brésil, la Bulgarie, le Canada, le Chili, la Chine, la Colombie, la Corée du Sud, la Croatie, le Danemark, l’Égypte, les Émirats Arabes Unis, l’Espagne, les États-Unis, la France, la Grande-Bretagne, Hong Kong SAR, l’Inde, l’Indonésie, l’Irlande, Israël, l’Italie, le Japon, le Kenya, la Malaisie, le Maroc, le Mexique, le Nigeria, la Nouvelle-Zélande, le Pakistan, les Pays-Bas, le Pérou, les Philippines, la Pologne, le Portugal, la Région de Taïwan, la République Tchèque, la Roumanie, Singapour, la Suède, la Suisse, la Thaïlande, la Turquie, le Vietnam et enfin, la Zambie.
- 1. Fractures de la mondialisation
La mondialisation semble montrer ses limites, avec une fragmentation accrue des sociétés. 66 % des Français estiment que la mondialisation n’est plus à leur avantage, ce qui représente un recul significatif.
- 2. Convergence climatique
L’urgence environnementale est largement reconnue. 79 % des Français considèrent qu’il est essentiel de changer nos habitudes pour éviter une catastrophe. Pourtant, beaucoup se sentent déjà engagés au maximum dans cette lutte, malgré la peur qu’il soit trop tard.
- 3. et anxiété
L’essor rapide des technologies, en particulier de l’intelligence artificielle, suscite des craintes croissantes. En 2024, 62 % des Français craignent que la technologie ne détruise plus d’emplois qu’elle n’en crée.
- 4. Santé mentale et bien-être
Les Français priorisent de plus en plus le bien-être mental. 62 % veulent ralentir le rythme de leur vie, un chiffre en hausse de 16 points en dix ans, témoignant d’une quête de sérénité face à la pression moderne.
- 5. Le refuge dans le passé
Dans un monde perçu comme de plus en plus incertain, 64% des Français aspirent à retrouver une époque révolue. Ce repli nostalgique marque une tentative de reprise de contrôle dans un environnement jugé hostile.
- 6. Nouveau nihilisme
Le pessimisme quant à l’avenir pousse à vivre dans l’instant présent. 78% des Français affirment « vivre pour aujourd’hui », en rejetant l’idée de sacrifier le présent pour un futur incertain. Une tendance forte qui influence aussi la publicité, avec un rejet des normes et une ode à la liberté.
- 7. Confiance en crise
La confiance envers les institutions s’érode, alimentant un climat de défiance généralisée. Seuls 28 % des Français font confiance aux entreprises pour dire la vérité, un chiffre bas par rapport au reste du monde (43 %) mais qui gagne 8 points en 5 ans.
- 8. Individualisme croissant
Le sentiment d’isolement augmente, notamment face aux crises socio-économiques. Les Français se replient de plus en plus sur leur cercle proche (59 %) et se montrent pessimistes pour leur pays (21 %).
- 9. Paris 2024 et l’espoir de recréer du lien
Malgré ces divisions, des événements comme les JO de Paris 2024 offrent des opportunités de réaffirmer un sentiment de fierté nationale et de resserrer les liens sociaux, 55 % des Français se disent « très fiers » de leur pays.
Ces neuf tendances peuvent aussi être regroupées en 5 thématiques : le réflexe isolationniste, la tentation du nouveau nihilisme, un plafond de “vert” à crever, une tech à dompter et enfin, des liens à renouer.
Le réflexe isolationniste
Le contexte socio-économique est perçu comme tendu et de moins en moins protecteur. Dans le monde, les 3 grandes préoccupations de 2024 sont l’inflation, la pauvreté et des inégalités sociales et les crimes et violences ; en France, ce sont les mêmes, mais ces deux dernières sont interverties. En revanche, les niveaux d’inquiétude sont particulièrement élevés en France, avec 15 % de plus de personnes pensant que notre pays prend la mauvaise direction par rapport au reste du monde et 11 % de plus que le reste du monde pensant que nous prenons la mauvaise trajectoire en termes d’économie.
Résultat, nous nous désolidarisons du destin commun. L’optimisme des français pour le monde est de 13 %, soit 18 % de moins que la population mondiale. Quant à l’avenir du pays, les français sont optismistes à hauteur de 21 %, 23 % de moins que pour le reste du monde. Pourtant, quant il est question de leur cercle proche, les français sont optimistes pour leur ville ou village à hauteur de 47 %, seulement 7 % de moins que le reste du monde, tout en étant optimistes pour eux et leur famille à 59 %, soit 8 % de moins que le reste du monde.
Une perte d’optimisme qui nous rend aussi plus nostalgiques : dans le monde, ils étaient 47 % en 2013 à souhaiter que leur pays redevienne ce qu’il était autre fois, contre 56 % en 2024 ; en Europe, ces chiffres passent de 46 % à 56 % ; et en france, ils grimpent de 56 % à 64 %.
Le monde, et la France avec lui, place de plus en plus d’importance sur l’épanouissement, contrairement à la réussite. dans le monde, ils étaient 38 % en 2013 à considérer que l’épanouissement dans la vie consiste à atteindre une position de premier plan dans sa carrière, pour 50 % en 2024 ; en Europe, ils étaient 31 % à le penser en 2013 contre 42 % en 2024 ; et en France, ce nombre passe de 30 % à 37 % en 9 ans.
La tentation d’un nouveau nihilisme
Sur fond d’injustice, les populations du monde sont de plus en plus dans la contestation et la colère. En France, on a peur d’un abandon social, profondément teinté par le contexte politique de ces dernières années.
Au sein des classes moyennes, les contestations augmentent et 46 % pensent qu’on “n’ira pas de l’avant sans une révolution au préalable”, contre 41 % pour l’UE et 45 % pour le monde. Globalement, on perd confiance en l’avenir et on se replie sur l’instant présent, l’hédonisme grandit. Reste à savoir quelle révolution est ici souhaitée, et si chacun est prêt à en subir les conséquences sur son quotidien.
L’hédonisme est grandissant. Beaucoup trouvent du vrai dans la phrase « L’important est de profiter de la vie aujourd’hui, demain se fera tout seul », à hauteur de 61 % dans le monde en 2024 contre 50 % en 2013, 59 % en Europe contre 50 % en 2013 et 68 % en France en 2024 contre 58 % en 2013.
De manière globale, on se recentre donc sur le bonheur immédiat, et ce, particulièrement en France. 78 % des Français pensent ainsi, pour 61 % des habitants de l’Union européenne et 64 % de la population mondiale. Dans la pub, cela se traduit par une ode au plaisir du temps présent et de la transgression des normes et des codes.
Cette manière de penser a aussi des côtés négatifs : on rejette les règles du monde du travail, et on résiste aux efforts demandés en termes d’environnement.
Un plafond de “vert” à crever
Pourtant, agir devient de plus en plus urgent en matière d’environnement, et la population en a conscience : la pensée “Nous nous dirigeons vers une catastrophe environnementale si nous ne changeons pas rapidement nos habitudes” a augmenté de près de 5 % depuis 2013 partout dans le monde : de 72 % à 77 % dans le monde, de 70 à 75 % en Europe et de 75 à 79 % en France.
Certains pensent qu’il est déjà trop tard, à hauteur de 34 %, 30 % et 33 % dans le monde, l’UE et la France. On remarque une différence entre les genres, 3 8% des hommes contre 28 % des femmes se montrant découragés. En revanche, beaucoup ne pensent pas pouvoir faire plus, à hauteur de 72 %, 69 % et 73 % pour le monde, l’UE et la France.
On remarque une différence d’investissement en matière d’écologie entre le “nouveau” et l’”ancien” monde, ce dernier ayant quelques difficultés à baisser sa consommation et à changer ses habitudes.
De manière globale, la population pense que les entreprises et le gouvernement devraient en faire plus. En termes de publicité, les marques rendent la durabilité plus désirable.
Un tech à dompter
Les inquiétudes sont de plus en plus fortes, augmentant significativement de 2013 à 2024. Nul doute que la progression de l’IA n’y est pas pour rien.
Dans le monde, ils sont 57 % à penser que l’IA a un impact positif sur notre monde, contre 41 % pour l’UE et 36 % en France. Quant à ceux qui pensent que les différentes avancées technologiques telles que l’IA créeront plus d’emplois qu’elles n’en détruiront, ils sont 48 % dans le monde, 35 % dans l’UE et 30 % en France.
Pour certains, la tech crée le stress de l’hyper choix. Dans le monde, ils sont 61 % à être submergés par le fait d’avoir trop de choix dans la vie, contre 54 % en Europe et 47 % en France. Par tranche d’âge, les 16-24 ans français ressentent ce stress à 60 %, pour 63 % pour les 25-34 ans. Les 35-44 ans et les 45-54 ans, eux, le ressentent à 50 % et 49 %, tandis que ce nombre baisse à 31 % pour les 55-74 ans.
… et avec lui naît aussi l’hyper-stimulation provoquée par les réseaux sociaux. Ceux qui pensent que les médias sociaux ont un impact positif sur la vie des gens sont 54 % dans le monde, 37 % dans l’UE et seulement 30 % en France. Pour autant, ils sont très peu à imaginer une vie sans Internet.
Au contraire, 73 %, 70 % et 68 % des habitants du monde, de l’UE et de la France ne se voient pas revenir à une vie sans Internet. Sans grande surprise, les 45-75 ans, qui ont vécu la vie “non connectée”, sont en dessous de cette moyenne (65 % pour les 45-54 et 61 % pour les 55-74), tandis que les 25-44 sont nettement au-dessus avec 76 %. En revanche, chose surprenante, les 16-24 ans seraient seulement 68% à ne pas pouvoir imaginer la vie sans internet.
L’autorégulation, elle, semble toucher un peu moins de la moitié de la population globalement. Dans le monde, ils sont 52 % à essayer de limiter l’utilisation de leur smartphone, pour 47 % en Europe et 44 % en France. Les femmes sont plus touchées par cette prise de conscience, étant 47 % à limiter leur utilisation en France, contre 41 % pour les hommes. Par tranche d’âge, les 16-24 ans le font à 44 %, les 25-34 ans à 52 %, les 35-44 ans à 39 %, les 45-54 ans à 42 % et les 55-74 ans, à 44 %.
Le technosolutionnisme est quant à lui remis en question. 71 % de la population mondiale considère que « Nous avons besoin des technologies modernes, car elles seules peuvent nous aider à résoudre les problèmes futurs », contre 62 % dans l’UE et 53 % en France.
En parallèle, les anciens appareil font leur retour avec le Nokia 3310, qui ne coche que les cases les plus basiques d’un téléphone portable.
Des liens à renouer
Le lien social est fragilisé et la société, en conséquence, divisée. La phrase « Dans mon pays, il y a de plus en plus de conflits enntre les personnes qui ne partagent pas les mêmes valeurs » met d’accord 77 % de la population mondiale, un nombre qui reste identique à 2019 ; en Europe, ce nombre augmente de 77 % à 78 % entre 2019 et 2024, alors qu’en France, celui-ci baisse de 84 % en 2019 à 80 % en 2024.
Depuis 2019, la confiance qu’accorde la population aux leaders d’entreprises pour qu’ils disent la vérité a augmenté, passant de 33 % à 41 % dans le monde, 30 % à 35 % dans l’UE et de 20 % à 28 % en France, soit une différence de 13 points avec le reste du monde. Le scepticisme français frappe encore. Pour autant, plus d’un français sur deux est fier de son pays, à 55 % en 2024 contre 50 % en 2019. C’est plus que les habitants de l’UE, dont la fierté a baissé de 55 % à 53 % entre 2019 et 2024, mais moins que ceux du monde de manière générale, qui eux sont passés de 61 % à 60 %.
Vous n’avez certainement pas oublié les JO, qui ont quitté le sol de Paris il n’y a si longtemps que cela. Cet évènement, majeur à l’échelle du monde et encore plus de la France, révèle ce besoin de recréer du lien. Avant son début la plupart des français se montraient inquièts et cyniques, sûrs d’être témoins d’un échec ; pourtant, après sa fin, beaucoup se disent fiers d’être français, 65% ont eu une image positive de cette édition parisienne et enfin, l’ambiance de fête et d’entraide, unique pour Paris, va manquer à plus d’un.
En France, on craint la mondialisation : en 2024, ils ne sont que 34 % à la croire bonne pour eux, contre 40 % en 2022. Dans l’Union européenne, ils sont plus nombreux à la trouver positive, à hauteur de 48 % en 2024 contre 46 % en 2022. Dans le monde, on voit la même dynamique qu’en France : l’idée selon laquelle la mondialisation est bonne à perdu en popularité, passant de 62 % en 2022 à 60 % en 2024.
Le service client, de plus en plus automatisé, est perçu comme une évolution négative car cette automatisation le rendrait impersonnel. C’est ce que pense 75 % de la population mondiale, soit 2 % de plus qu’en 2029, ainsi que 76 %de la population européenne, contre 69 % en 2019. En France, la tendance est inversée, passant de 78 % à 76 % de 2019 à 2024.
Enfin, la responsabilité des entreprises est de nouveau remise en question : beaucoup considèrent que celles-ci ont le devoir de contribuer à la société, et pas seulement de faire des profits. Dans le monde, ils sont 81 % à le penser en 2019, contre 82 % en 2024 ; 80 % en 2019 comme en 2024 dans l’Union européenne ; et 81% en 2019 contre 79 % en 2024 en France.
Agences et annonceurs, voici donc les tendances auxquelles vous devrez faire face cette année, ainsi que les clés pour les mettre à votre service plutôt que les subir. Les grands enjeux sont ceux du bien-être, du bonheur immédiat, du “grand récit” (qui constitue à rendre l’avenir désirable et avoir à nouveau confiance en celui-ci) et enfin, l’universalité, la refonte du lien social.
À vous de jouer !