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Cannes Lions 2025 : les premières “safe zones” pour un festival plus sûr… mais à quel prix ?

Cannes Lions 2025 : les premières “safe zones” pour un festival plus sûr… mais à quel prix ?

// Un accueil mitigé dans l’industrie.

Par Iris M. - le 6 juin 2025

Cette année, le Festival Cannes Lions inaugure une nouveauté : des “safe zones”, des espaces sûrs pensés pour permettre aux festivaliers de souffler, de se recentrer ou de parler à un professionnel en cas de malaise psychologique, émotionnel ou physique. L’initiative, portée par l’agence Equally, a pour ambition de rendre l’événement plus inclusif et bienveillant – en particulier après les nombreuses alertes et les témoignages de festivalières sur le harcèlement que certaines ont subi l’année dernière. 

Ces zones seront accessibles à tous, balisées, encadrées, et pensées comme des bulles de calme dans un environnement où la pression, le bruit et les rapports de pouvoir peuvent parfois devenir oppressants. Un signal important envoyé par l’organisation du festival, et salué comme un premier pas. Selon AdWeek, ces espaces seront occupés par des professionnels qualifiés jusqu’à 22 heures par jour, entre 8h30 et 6h30, pendant toute la durée du festival. Les zones sécurisées dédiées seront installées au sein de la salle principale du Palais des Festivals, ainsi qu’à la Terrasse Pantiero — à proximité de l’espace d’inscription — et au parc de la Roseraie.

Mais cette annonce, aussi bien intentionnée soit-elle, ne fait pas l’unanimité. Sur LinkedIn, Amy Charlotte Kean – autrice, stratège et fondatrice de l’agence Good Shout – a réagi avec force. Elle y dénonce une hypocrisie structurelle : selon elle, tant que les comportements problématiques ne sont pas sanctionnés à la racine, les “safe zones” ne sont qu’un pansement sur une plaie béante.

Elle se souvient d’un cadre du secteur lui envoyant une photo non sollicitée de ses parties intimes. « J’en ai parlé, raconte-t-elle. Des gens ont ri, puis ont continué à lui faire des selfies aux soirées. » D’autres anecdotes suivent : des partenariats refusés à cause de son refus de côtoyer des hommes connus pour leur comportement déplacé, des figures de l’industrie toujours invitées sur scène malgré des enquêtes accablantes. Le constat est sans appel : « L’industrie de la pub n’aura jamais son moment #MeToo. Les hommes prédateurs y sont célébrés, protégés, et vite pardonnés. »

Pour Amy Kean, demander aux victimes potentielles de se replier dans des “safe zones” revient à déplacer la responsabilité. « Ceux qui agressent continueront à le faire dans les bars du festival. Et tout le monde considérera que celles et ceux qui ne sont pas dans ces zones sont “partants”. »

Elle propose d’autres pistes, plus radicales : former les hommes à intervenir, exiger des références de femmes avant de valider une accréditation, voire équiper chaque festivalier d’une caméra pour documenter son comportement. Des idées volontairement provocatrices, mais qui posent une question de fond : pourquoi ne pas s’attaquer directement aux agresseurs, plutôt que d’adapter l’environnement autour d’eux ?

Les “safe zones” représentent un progrès symbolique. Mais pour qu’un véritable changement s’opère, encore faut-il que l’industrie assume de regarder en face ses propres dysfonctionnements. Créer des espaces d’écoute est utile. Écouter vraiment, punir les comportements toxiques, et protéger les victimes sans les isoler le serait encore davantage.