L’interview d’Arthur Bosquette et Mathieu Crucq, Brainsonic.
Article sponsorisé par Brainsonic
Internet pollue. Cela a pu en surprendre plus d’un, mais après des années de solutionnisme et autres utopies technologiques, les professionnels du numérique ont regardé la vérité en face : oui, les activités digitales émettent du CO2, et cela est préoccupant car ce secteur connaît une croissance galopante d’année en année. Reste à savoir si c’est l’avion ou le smartphone qui pollue le plus aujourd’hui.
Comment les marques et agences peuvent-elles réagir ? En abandonnant le digital et en revenant au print ? Que nenni, l’éco-conception digitale permet aujourd’hui d’allier numérique et sobriété, comme nous le détaillent avec passion Arthur Bosquette, directeur du studio digital, et Mathieu Crucq, directeur général, de l’agence Brainsonic.
Qu’est-ce que l’éco-conception digitale ?
Arthur Bosquette : L’éco-conception digitale c’est (re)penser les dispositifs numériques pour limiter leur impact énergétique. Cela passe évidemment par l’optimisation de la technique mais aussi, voire surtout, par l’optimisation, ou même la disruption, des parcours utilisateurs.
Concrètement, c’est proposer une expérience plus sobre pour les utilisateurs grâce à un rapport plus sobre à l’interface et aux données. Cela nous incite à réaliser ce dont l’utilisateur a réellement besoin. Techniquement, cela nous force à produire un code optimisé, à limiter la complexité des pages, à limiter l’usage de technologies non-essentielles, et à se concentrer sur des architectures qui sont efficaces d’un point de vue énergétique.
Le but avec tous ces efforts est également de limiter le renouvellement des appareils. L’objectif est de prolonger au maximum la vie de tous les ordinateurs et téléphones utilisés en proposant un code qui ne nécessite pas un usage processeur / carte graphique / mémoire vive important. Plus on fait des sites éco-conçus, plus on fait des apps éco-conçues, plus on prolonge la durée de vie du matériel, et plus on œuvre pour la planète.
Pour les bonnes nouvelles, l’éco-conception a de vrais atouts :
? Pour limiter notre impact carbone, toutes les économies sont bonnes à prendre
? Meilleure accessibilité + meilleures performances = un SEO qui vous remercie
Est-il toujours d’actualité que les sites rapides se référencent mieux dans Google et consorts ?
A.B. : Cet impact de la performance sur la qualité du référencement d’un site n’a jamais été autant d’actualité. Et cela ne fait que se renforcer. L’éco-conception va, et c’est très bonne nouvelle, totalement dans ce sens !
Mathieu Crucq : la page éco-conçue la plus connue au monde est la page d’accueil de Google où l’on n’a rien (ou presque) à part le logo et la barre de recherche. Cette éco-conception a particulièrement bien résisté dans le temps.
La quantité de CO2 émise par les sites web mérite-t-elle une telle attention ?
A.B. : L’optimisation des démarches doit être globale, générale.
Il est évident qu’entre Netflix (dont l’impact énergétique est énorme) et un site vitrine d’une PME, l’impact n’est pas le même. Cela s’explique notamment par la différence de volumétrie et la typologie de contenu.
Pour autant, comme le tri individuel des déchets, c’est le cumul de chaque action qui permet in-fine d’avoir de l’impact.
Penser un site « éco-concu » permet, en parallèle, d’impacter l’ergonomie, l’efficience des parcours utilisateurs et donc… le business. Il n’y a donc que des bonnes raisons de réaliser son site en ayant en tête l’éco-conception.
Et si demain, tous les sites du monde sont éco-conçus, l’impact sera très fort.
Mathieu Crucq : L’éco-conception fait partie de la réflexion que les entreprises doivent mener pour une réduction globale de leur empreinte carbone. Selon les cas, ce n’est pas forcément le levier le plus fort, mais cela reste un élément contributif particulièrement pédagogique pour les clients.
Les directions marketing et communication se préoccupent-elles aujourd’hui de ce sujet ? L’éco-conception web fait-elle partie des briefs ? N’est-ce pas difficile de sensibiliser en combinant deux sujets aussi peu palpables : la pollution et le digital ?
A.B. : Cela fait 2 ans que nous proposons systématiquement l’éco-conception digitale lors d’appels d’offres. Le nombre de clients non intéressés est extrêmement faible. Tous sont globalement intéressés. Quand ce n’est pas le cas, c’est que le service proposé ne peut être éco-conçu. On remarque une accélération depuis six mois et des briefs qui imposent l’éco-conception et l’accessibilité.
M.C. : C’est clairement en progression. Cela dépend du degré de maturité de l’entreprise. Si on prend l’exemple d’OCTO Technology, on ne peut travailler avec eux qu’en étant formé à l’éco-conception digitale. Ils sont B Corp, et à ce titre, ils se doivent d’être exemplaires.
On observe que cette progression est souvent pilotée par les services achats. Les grandes structures demandent de plus en plus à leurs services achats de faire en sorte que leurs prestataires soient “RSE compatibles”. Cela leur permettra ensuite de mentionner l’éco-conception digitale dans leurs rapports RSE et d’être bien notées par les différents labels.
Y a-t-il un cadre réglementaire qui inciterait aujourd’hui les marques à investir davantage dans l’éco-conception ?
M.C. : Il n’y pas de cadre réglementaire. Le collectif GreenIT et Frédéric Bordage travaillent beaucoup pour qu’il y ait un cadre réglementaire formalisé. En attendant, il y a plutôt un cadre moral. Le réchauffement climatique ne nous laisse plus le choix : nous devons essayer d’explorer chaque piste pour essayer de limiter ce dernier. Et l’éco-conception est une piste très crédible, tant notre quotidien est désormais rythmé par les nouvelles technologies.
Pour les développeurs, éco-concevoir ne revient-il pas tout simplement à bien faire son travail ?
A.B. : Le déploiement de la fibre étant très récent, un site web peu optimisé engendrait un délai de chargement bien trop long. Aujourd’hui, la notion de rapidité est très subjective car tout le monde ou presque est en fibre, en 4G voire 5G. Avec l’éco-conception, on va plutôt s’intéresser aux flux de données.
Il y a ensuite l’accessibilité : est-ce que toutes les personnes arrivent à accéder à mon service correctement ? Enfin, il y a l’optimisation du parcours utilisateur. Sur une landing page avec plein de flux d’informations, sur les côtés, en bas… ce sont des informations qui vont alourdir le parcours, alors qu’elles sont vues le plus souvent par à peine plus de 1% des utilisateurs. Avec l’éco-conception, on va se poser la question de l’utilité de ces informations. Si c’est utile, je vais les mettre ailleurs. Si on n’en a pas besoin, je vais les supprimer. C’est ce que j’appelle l’effet Slim Fast.
Il est important d’avoir en tête que l’éco-conception démarre depuis la conception fonctionnelle. Ce n’est pas que de l’optimisation du code.
Quelle est votre offre d’éco-conception aujourd’hui au sein de Brainsonic ?
A.B. : Quand on répond à un appel d’offres, nous proposons des dispositifs éco-conçus, de base. L’ensemble de nos productions web – sauf avis contraire du client – sont éco-conçues. Il y a 10 ans, nous proposions spontanément le responsive à nos clients. Aujourd’hui, c’est l’éco-conception.
M.C. : Nous promouvons l’éco-conception en expliquant les bénéfices. C’est systématisé sur l’ensemble de nos dossiers. Ensuite, nous allons choisir le bon niveau de travail en éco-conception par rapport au client. Pour OCTO Technology, c’était l’éco-conception la plus extrême possible, car c’est ce qu’ils recherchaient. Pour d’autres entreprises, ce sera le premier niveau d’optimisation. C’est déjà un premier niveau de sensibilisation. La pédagogie permettra au client de s’approprier ce sujet, de le partager en interne, et d’évoluer vers plus d’éco-conception à terme.
A.B. : Il est possible de venir nous voir pour un simple audit énergétique d’un site, et d’avoir ensuite une mission de conseil pour connaître les façons de limiter l’impact de ce dernier.
Quel est votre conseil numéro 1 pour une marque qui souhaiterait se mettre à l’éco-conception digitale ?
A.B. : L’éco-conception, c’est d’abord faire un travail sur soi pour se débarrasser des infos superflues.
C’est pour cela notamment que la première étape de l’éco-conception est l’amélioration de l’expérience utilisateur, car elle force à se concentrer UNIQUEMENT sur les choses et informations essentielles à valoriser.
Cet effort de rationalisation ne veut pas dire que les sites deviennent vides, voire blancs et moches, mais qu’ils mettent de côté ce qui n’est pas utile, ce qui est lourd à charger, ce qui n’apporte que très peu à l’utilisateur.
En substance, on pourrait résumer la chose par un travail d’optimisation :
1️⃣ Réduire les requêtes et appels serveurs
2️⃣ Diminuer le poids (des médias principalement)
… Et aussi un rapport à l’utilisateur plus sobre
3️⃣ Limiter les fonctionnalités
4️⃣ Éviter de contraindre la navigation (ex. tunnel sans menu)
5️⃣ Proposer plutôt que d’inciter
La tendance no-code va-t-elle ou non renforcer l’éco-conception ?
A.B. : Pour l’instant, no-code et éco-conception ne sont pas vraiment amis. Pour faire simple, une partie importante de l’éco-conception vise à optimiser le code d’un site pour qu’il soit le plus “léger” possible.
Grâce au no-code, on peut développer un site sans compétence (ou presque) technique mais le code est généré par l’outil, avec donc un faible contrôle dessus. Et c’est malheureusement là que le bât blesse pour l’instant, mais étant donné les enjeux actuels, je n’ai aucun doute que les acteurs majeurs du no-code travailleront à optimiser les codes générés.
Reste que l’éco-conception permet de se débarrasser du superflu. Donc un site sans “gras” numérique pensé en no-code est déjà un grand pas dans la bonne direction.
Comment voyez-vous le sujet de l’éco-conception web évoluer dans les années à venir ?
M.C. : Au même titre que d’autres injonctions RSE, nous pensons que l’éco-conception va devenir essentielle. Nous travaillons avec de grands annonceurs, et la collaboration passe par la “moulinette” des achats, pour qui la dimension RSE est de plus en plus prégnante. Avec l’évolution de la réglementation, des normes et des labels, nous sommes convaincus que l’éco-conception sera de plus en plus sollicitée à l’avenir.
C’est pourquoi nous formons nos équipes en permanence sur le sujet, et que chacun comprenne bien que cela va au-delà de la simple checklist technique. Le cycle de vie des dispositifs et du matériel est à prendre en compte, et la réflexion doit porter dès la conception des services, en amont de tout code produit.
Le 2e sujet est le no-code. Celui-ci est une réponse à la pénurie de développeurs et facilite la création de dispositifs web. Si le code produit aujourd’hui n’est pas optimisé, je suis convaincu qu’il y aura une convergence entre le no-code et l’éco-conception dans les prochaines années.
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