Faire bouger le sport, faire bouger la marque.
C’est l’une des marques préférées des Français, un amour qui semble perdurer sans faiblir, quelles que soient les évolutions de la société. Tous les sportifs s’y retrouvent, ceux du dimanche et les plus aguerris, les monosport et les touche-à-tout. Aussi bien attirés par les prix compétitifs que l’innovation produit. Des produits en phase avec leur époque, devenus iconiques.
Decathlon n’en fait pas moins du sur place, puisqu’elle a dévoilé un plan stratégique sur 5 ans mêlant austérité / sobriété — le portefeuille de marques « passion » passe de 49 à 12 – et rationalisation (coût, location vs vente, franchise). L’enseigne s’est relancée dans l’économie circulaire, 37 ans après le lancement de Trocathlon, et a récemment transformé sa non moins iconique signature de marque “À fond la forme” pour “Faire bouger le sport” avec son agence BETC Paris.
Qu’est-ce qui fait encore courir Decathlon ? À quels challenges la marque est confrontée ? Quel message porte le changement de signature de la marque ? Quid du virage circulaire de Decathlon ?
Sonya Mahcine, directrice communication externe, Julie Delignon, responsable développement durable & économie circulaire et Kerensa Neale, directrice artistique de Decathlon nous répondent dans ce nouveau Parole d’annonceur.
Depuis plusieurs années, Decathlon est l’une des marques préférées des Français (cette année, elle a été détrônée par Action). Quels sont les défis de la marque en termes de communication ?
Sonya Mahcine : La difficulté d’être une marque aussi connue et aimée que Decathlon est de parvenir à surprendre les gens, à leur révéler des aspects un peu plus cachés de la marque qui ne correspondent pas forcément à l’idée qu’ils s’en font. Et de le faire d’une manière qui soit acceptable et crédible. Ce qui l’illustre le plus : la marque s’est toujours donnée pour mission de rendre le sport accessible au plus grand nombre, et fait en sorte que tous les Français puissent connaitre les plaisirs et les bienfaits du sport.
Dans l’esprit de beaucoup de gens, l’accessibilité se résume aux prix bas, sans voir toute l’innovation que Decathlon met derrière ce concept et ces prix. L’expertise sportive nous permettant de proposer des produits de qualité, parfois à des hauts niveaux de compétition sportive. De plus en plus de partenariats vont d’ailleurs dans ce sens (de Fabrice Santoro en 2003 à Gaël Monfils en 2022).
Cette dimension d’innovation, d’expertise, sont des thèmes clés que nous cherchons à révéler dans nos plans de communication. Comme mettre en avant des produits qui viennent révolutionner le marché, récemment le vélo cargo (lancé en 2021 et dans le top 10 des ventes de la marque, NDLR), ou encore la tente de toit. Des produits un peu plus iconiques, qui donnent à voir cette innovation.
Autre aspect dans cette démarche d’accessibilité : rendre accessible des modes de consommation alternatifs, avec tout ce que l’on fait sur la seconde vie. Ce sujet prend de plus en plus de place dans nos communications, notamment avec la mise en vente des articles portés par Gaël Monfils. Rendre accessible la seconde main, c’est la rendre désirable, c’est l’un des premiers freins puisque les gens peuvent l’associer à de la moins bonne qualité. S’appuyer sur un champion, c’est une façon de donner à voir la valeur de la seconde vie, à un prix encore plus accessible que le neuf, en plus de s’inscrire dans une démarche plus durable. Ce genre d’initiative nous permet de tenir un discours différent. Sur le sujet de la seconde vie, il y a un pur enjeu de notoriété : faire savoir, encore trop peu de gens savent qu’on peut accéder à des produits de seconde main chez Decathlon. Nos résultats nous ont montré que cette initiative nous a, certes servie à vendre ces produits (les fonds étaient reversés à une association), mais a aussi généré du trafic en ligne sur la section dédiée de notre site. Il y a eu un effet halo.
Depuis 2020, Decathlon s’est engagé dans l’économie circulaire, via la location de ses produits notamment. Pourquoi avoir entamé cette transformation ? Quels objectifs vous êtes vous fixés pour réduire votre empreinte environnementale et quels sont les premiers résultats aujourd’hui ?
Julie Delignon : La seconde main fait partie de l’ADN de Decathlon via la création, dès 1986, du Trocathlon (vente directe entre consommateurs sur les parkings de nos magasins, NDLR). En 2018, l’enseigne a accéléré sur cette thématique en mettant en place le service “Reprise » et donc ensuite la revente de produits de seconde vie garantis. Il s’agit du rachat d’un matériel ancien en bon état sous forme de bons d’achat à utiliser lors du passage en caisse, dans n’importe quel magasin Decathlon de France, ou par virement bancaire (depuis 2021) pour tous les articles de tous les rayons et pour les achats web. Nous rachetons des produits dans quasiment tous nos magasins français auprès de particuliers ou de professionnels. Ces produits sont ensuite revalorisés et bénéficient d’une garantie de 2 ans.
L’économie circulaire chez Decathlon, qui regroupe aujourd’hui, la seconde vie, la réparation et la location, se renforce d’année en année et devient plus conséquente : 90% des magasins proposent une offre de seconde vie. Et, depuis 2022, une offre de reprise (rachat immédiat) est disponible via le web pour faciliter l’usage par les clients (plus besoin de se déplacer). Une boutique dédiée aux produits reconditionnés est également disponible sur Decathlon.fr avec plus de 1 200 articles.
Comment est structurée l’offre de seconde main chez Decathlon ? Où en êtes-vous Réparation, location, upcycling ?
J.D. : Tous les produits sont concernés par la seconde vie. Le produit emblématique de la seconde vie sportive est le vélo, particulièrement depuis la crise sanitaire. De manière générale, la mobilité douce est en forte croissance. Les produits fitness et sports outdoor complètent le podium.
L’offre seconde vie est plébiscitée par nos clients, et connaît un bond en 2022 de 70% avec 300 000 produits vendus. Mais, plus largement que la seconde vie, nous nous positionnons sur plusieurs segments : la location et la réparation. Par exemple, sur la réparation, un de nos axes forts, nous avons, en 2022, réparé 1 280 000 produits dans les 308 ateliers de réparation en France. L’ensemble de l’économie circulaire (location, seconde vie, réparation) représente 3,2% du CA de Decathlon France, soit une croissance de 30% par rapport à 2021.
Quelques chiffres clés :
– Seconde vie : 300 000 produits vendus en 2022, soit 70% de + qu’en 2021 ;
– Location : 21 600 abonnements réalisés (vélo enfant, vélo de ville, musculation, golf, etc.) en 2022, 4% des vélos enfants étaient loués ;
– Réparation : 308 ateliers et 1 280 000 produits réparés en 2022.
Pour Decathlon, l’économie de la fonctionnalité, la réparation, les ventes de produits reconditionnés, la location sont des façons de prolonger le développement économique de l’entreprise sur un modèle d’affaires compatible avec le monde de demain.
Ces derniers mois, le monde de prêt-à-porter français est en crise – Camaïeu, San Marina, Kookaï, Go Sport, et tout récemment Jennyfer. Les causes sont multiples (e-commerce, pandémie, gilets jaunes, inflation, saturation du marché). Comment vous assurez-vous de rester attractifs ?
S.M. : Decathlon, en termes d’organisation, a toujours fait preuve de beaucoup d’agilité/de vitalité. C’est l’une de nos 4 grandes valeurs corporate. Nous ne sommes pas du genre à nous asseoir sur nos lauriers et voir le train passer, nous cherchons toujours à faire mieux. Même dans notre démarche d’innovation en allant chercher de nouvelles solutions, comprendre les usages et anticiper le “coup d’après”.
L’exemple iconique, c’est la tente 2 secondes. Elle est venue de ce constat dans l’observation des usages des consommateurs que ce qui bloquait les gens à faire de la randonnée, c’est le casse-tête du montage de tente. La tente a été lancée il y a une quinzaine d’années, c’est l’un de nos plus grands succès. Ensuite, une fois le problème du montage résolu, avez-vous déjà tenté de la replier dans son étui ? Nous avons donc lancé l’innovation Easy qui solutionne le repliage.
On n’a jamais fini d’innover, d’apporter de nouvelles solutions, d’évoluer avec le marché, les gens et leurs besoins. Être dans cette démarche d’écoute, c’est parfois se remettre en question, changer de tactique ou de stratégie de communication / éditoriale. Nous sommes friands de métaphores sportives : le match n’est jamais totalement gagné. On accepte l’inconfort et l’incertitude, mais cela nous évite de courir droit dans le mur. Nos pratiques vont vers plus en plus de finesse, de nuance dans l’élaboration de nos dispositifs, l’analyse et la compréhension de nos différentes cibles, pour parler à différentes audiences, etc.
Cet été, nous serons ainsi pour la première fois partenaire de trois festivals de musique – le Cabaret Vert, Les Vieilles Charrues, Les Ardentes — avec l’organisation d’animations sportives, la personnalisation de tentes (pour retrouver la sienne dans ce “showrooms de tentes 2 secondes »), etc. Être festivalier, c’est aussi du sport et c’est reconnaître que nos produits ont toujours été incontournables. On va sur des terrains où l’on ne nous attend pas, c’est la clé du succès et de la longévité.
En avril dernier, Decathlon a dévoilé une nouvelle campagne et signature de marque “Faire bouger le sport”. Quelle est la genèse de cette campagne et ses objectifs ?
S.M. : La nouvelle signature a été introduite l’année dernière, pour exprimer sa mission et le rôle que la marque veut jouer dans la vie des gens : repousser sans cesse les barrières qui nous empêchent de faire place au sport dans nos vies. “Faire bouger le sport”, c’est faire bouger les lignes et amener le sport plus loin. Cette année, la campagne porte ce message en apportant des preuves spécifiques sur deux axes stratégiques — l’accessibilité prix et l’innovation produit — dans lesquels les gens se reconnaissent avec de vrais insights.
L’accessibilité prix, nous l’avons traité, non par le prisme des bonnes affaires, mais par la possibilité de trouver le sport qui nous correspond vraiment : les produits à bas prix permettent de tester de nombreux sports. Pour l’innovation produit, il s’agissait de montrer que, contrairement à d’autres marques de sport, l’innovation n’est pas réservée aux produits d’élite/premium : l’innovation s’applique à tous les niveaux de pratique, et ce, dès l’entrée de gamme. Justement pour les rendre accessibles, notamment en mettant en avant deux marchés stratégiques pour nous, le cycle et le running. Ce que Decathlon conçoit comme du sport, ce sont tous les niveaux de pratique.
Coté objectifs, il s’agissait d’améliorer l’image de marque sur la valeur prix et innovation. Nous mesurons la considération, pour soutenir la place occupée par Decathlon dans l’esprit des Français en ce qui concerne leurs achats sportifs.
Nous avons obtenu de très bons posts tests sur cette nouvelle signature de marque l’année dernière, sur ce qu’elle évoque. Son côté engageant, différenciant, attribuable. Nous progressons sur la considération, notamment auprès des cibles « Jeunes ».
Que doit incarner ce passage entre “À fond la forme”, l’ancienne signature de Decathlon à “Faire bouger le sport” ?
S.M. : Tout simplement que le sport évolue, sa définition et la place qu’il prend dans nos vies. “Faire bouger le sport”, c’est prendre en compte cette évolution, il n’y a pas qu’une seule manière d’aimer se bouger, on n’est pas forcément toujours à fond (rires), on peut aimer l’aventure en voulant rester confortable, se challenger sans gravir les plus hauts sommets.
C’est une signature qui vit plus avec son époque, où chacun est libre de construire sa propre relation au sport.
En fin d’année dernière, le rappeur Central Cee posait en veste Quechua et bonnet Kalenji pour les British Fashion Awards. Les gammes techniques de Decathlon — Quechua, Kipsta, Kalenji, etc. — dans leur ensemble, semblent trouver un certain écho auprès des rappeurs français (depuis un certain temps déjà) et maintenant étrangers. Comment expliquez-vous cela ?
Kerensa Neale : DECATHLON est une marque de sport avec un héritage de plus de 45 ans. À ce titre, nous concevons des produits pour tous les sportifs. Certaines de nos gammes émanent de la culture sportswear et s’inspirent des tendances du moment, mais notre marque ne se positionne pas comme une marque de mode. Nous sommes ravis de voir que nos produits répondent à des usages au-delà de celui du sport, et peuvent participer à la tendance mondiale de l’athleisure.
La question traditionnelle de Parole d’annonceur : quel est le secret d’une relation annonceur-agence réussie ?
S.M. : Ce qui a vraiment fait la différence dans nos relations avec les agences, c’est la confiance. Une confiance qui s’appuie sur du respect mutuel et la reconnaissance des expertises de chacun, et donc la complémentarité que l’on s’apporte. En tant qu’annonceur, il faut être très clair de ce que l’on cherche auprès d’une agence. Et inversement, en tant qu’agence, il est nécessaire de savoir vraiment entendre et comprendre son annonceur. Ne pas servir des recettes toutes faites, mais s’adapter à sa réalité.
Decathlon, comme beaucoup de marques, a une culture, des modes de fonctionnement, une identité forte qu’il faut savoir s’approprier, mais c’est le meilleur moyen de nous amener loin. Si l’on s’écoute, que l’on se comprend et se respecte, l’agence peut nous faire prendre des chemins sur lesquels nous n’aurions jamais pensé nous aventurer. C’est ce qui rend la relation fructueuse.