Comment Intermarché s’est joué des bonnes pratiques du moment

Par Xuoan D. le 18/05/2017

Temps de lecture : 6 min

Retour sur la campagne française la plus marquante du 1er trimestre.

« Vous devez convaincre en 3 secondes ». Voilà un diktat en vogue sur les médias sociaux, dont Intermarché et son agence Romance ont pris le contrepied avec un film de 3 minutes ! Et le pari s’avère gagnant : la campagne a remporté l’adhésion du public – 15 millions de vues et 96% de conversations positives – tout en surprenant la profession qui a questionné son attribution réelle.

Pour tenter de décrypter ce succès, nous avons interviewé Christophe Lichtenstein, président et co-fondateur de Romance.

Le brief

[tag]Intermarché[/tag] a remis en jeu sa communication lors de l’été dernier, avec une compétition remportée au final par l’agence Romance en octobre. Le souhait d’Intermarché était de sortir de la guerre des prix qui a fait rage chez les distributeurs depuis quelques années. Et ainsi mieux développer le caractère émotionnel de sa marque.

Comme l’explique Christophe Lichtenstein, « les modes de consommation ont sensiblement évolué, avec notamment une pression de plus en plus forte sur la qualité des produits. » Lors de la compétition, fort de son positionnement « Producteurs et Commerçants », Intermarché a souhaité redéfinir son combat : « le mieux manger à la portée de tous » grâce à la profondeur de son offre.

La campagne

Le discours du mieux manger tend aujourd’hui à se banaliser chez les distributeurs. Carrefour a d’ailleurs dévoilé une campagne autour de la qualité, 2 jours après Intermarché. Il était donc clé pour l’enseigne aux mousquetaires d’émerger « en marquant une rupture sur la forme » selon Christophe Lichtenstein.

L’agence s’est alors mise en tête de « raconter une histoire, bien plus qu’une publicité. Une histoire qui peut se consommer à la TV, en digital, au cinéma », tel un contenu de divertissement.

Si c’est la durée exceptionnelle du spot – 3 minutes – a été très remarquée par le public et la profession, l’agence « n’a pas travaillé en pensant au format » selon Christophe Lichtenstein. « Le pari était plutôt celui de la stratégie : il n’y a pas d’histoire forte qui ne soit pas au service d’un message fort. » Intermarché a un maillage important sur le territoire – « un magasin tous les 17 km » – ce qui a mis l’agence sur la piste de la proximité. Et plus précisément celle de la « proximité émotionnelle ». Ce qui est un puissant vecteur de communication. De quoi permettre de « revendiquer qu’Intermarché est devenue l’enseigne qui a le mieux compris comment les gens consomment aujourd’hui » selon le co-fondateur et président de Romance.

Partant de cette stratégie, le format de 3 minutes n’a été choisi que pour servir au mieux l’histoire et son émotion. Nous pouvons en dire autant du choix musical, de la thématique et du casting.

Fait intéressant, le mediaplanning a été soigné, avec « une première diffusion sur TF1, pendant The Voice. Un programme TV particulièrement commenté sur le 2nd écran, générant de nombreuses conversations. « Ce qui a servi de rampe de lancement à l’amplification des conversations sur les plateformes sociales autour du film et de l’enseigne » selon Christophe Lichtenstein.

 
Un écho social qui a été soutenu par « l’ouverture de la première Giphy brand channel en France » selon Victor Feillant, head of social media de l’agence. Des GIF issus de la campagne, mais aussi une forte activité sur Twitter qui doit à terme « devenir la plateforme conversationnelle autour des engagements RSE de la marque. » Avec notamment le relais d’un dashboard des principales actions d’Intermarché.

À la question de savoir si Intermarché a été difficile à convaincre d’investir dans cette campagne potentiellement risquée, le président de Romance nous prévient : « un projet d’une telle ampleur ne peut être qu’une co-construction. » Mais derrière ce 1er coup d’éclat, l’idée est surtout d’installer « un nouveau système de communication globale – du prospectus à la télévision en passant par la communication digital – qui permet à l’enseigne d’opérer sa transformation. »

 

Les résultats

15 millions de vues cumulées sur tous les médias
– 2,5 millions de vues en 24h, 6 millions en une semaine
50% de vues organiques
Taux d’engagement des vidéos à 15% contre 3% pour les campagnes habituelles
96% des conversations positives autour du film ont été
78% des personnes touchées estiment que le film a amélioré l’image qu’elles avaient de l’enseigne
80% des clients Intermarché sont prêts à recommander l’enseigne à leurs proches après avoir vu le film.
Une musique en tête des ventes iTunes. 14e en écoute sur Spotify.

 

Les clés de succès

 
– Un langage universel
Portée par sa synchronisation musicale, l’histoire racontée par Intermarché nous fait quasiment l’économie de la parole. De quoi s’exporter, à la plus grande surprise de l’agence et de son client comme le raconte Christophe Lichtenstein : « le film a été plébiscité par El Pais en Espagne, Mashable aux Etats-Unis ou encore par une journaliste du New York Times qui souhaite diffuser le film dans toutes les écoles américaines afin d’inciter les plus jeunes à mieux manger. »

– Le retour du grand storytelling publicitaire
Diffusés à 2 mois d’écart, les films Intermarché et Monoprix interpellent par leurs durées : 3 et 4 minutes en TV ! Écartons immédiatement l’idée d’une « pompe » possible entre les deux annonceur compte tenu des délais. Toute personne ayant été impliquée dans un projet de cette envergure sait que les cycles de décision et de production nécessitent plus de 2 mois. Monoprix a d’ailleurs travaillé pendant 1 an et demi sur sur sa campagne anniversaire.

Il reste donc les inspirations involontairement partagées. Christophe Lichtenstein remonte à la source potentielle de cette tendance : « les campagnes John Lewis – dont l’exécution est brillante – ont sans doute inspiré beaucoup de monde. Ce qui est certain est que le marché de la grande distribution – après des années de guerres promotionnelles – a décidé d’embrasser le combat pour la qualité et de créer de la valeur au-delà du prix. Cela explique aussi la transformation du paysage publicitaire sur le secteur. Mais les enseignes qui réussiront seront celles d’une part capables de raconter une histoire qui a du sens pour les gens. Et de le faire dans la durée. »

– Se jouer des règles
Cette campagne est également une revanche sur les recommandations du moment. Citons par exemple le « 3 secondes pour convaincre » de Facebook, ou les 5 secondes des pre-roll YouTube. Comment créer de l’émotion en si peu de temps ? Si le pari reste envisageable, Romance a préféré de ne pas tenir compte de la suroptimisation et de l’approche quasi mathématique des contenus imposées par notre époque.

L’agence est au contraire revenue aux fondamentaux. Christophe Lichtenstein en témoigne, quasiment désarmé par tant de bons sens : « Nous avons eu la chance de pouvoir compter sur une bonne stratégie, une bonne histoire et une bonne exécution ».

Reste la question de l’attribution. En favorisant le storytelling de ce quasi court métrage, la marque est très en retrait, peu présente à l’écran. La question de l’attribution du spot a fait rage dans la profession. Se souvient-on ici d’Intermarché ou simplement du contenu ? Avec le recul de ce bilan de campagne, Christophe Lichtenstein est confiant : « le film a été attribué ». Il relève « qu’Intermarché a été le 2e mot clé associé par les spectateurs du film après l’amour ». En attestent également les excellents résultats mentionnés plus haut. Au final, « rien n’est plus fort que l’émotion. On se souvient toujours d’une grande histoire qui nous a touchés » selon le président de la bien nommée Romance.

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