Y.O.L.O. : comment la RATP a communiqué à bas bruit contre le train surfing

Par Élodie C. le 19/03/2020

Temps de lecture : 5 min

Sensibiliser sans donner des idées.

Comment mener une campagne de sensibilisation sur une pratique urbaine dangereuse, voire mortelle, en évitant de la faire découvrir à des personnes qui en ignoraient l’existence ? C’est tout le défi qui a été demandé à l’agence We Are Social par la RATP autour du train surfing, cette pratique venue d’Inde, très répandue en Russie, et qui commence à faire son apparition dans plusieurs pays d’Europe.

Comment toucher des communautés ultra ciblées peu enclines à absorber ce type de message ? Faut-il faire du « bruit » pour être entendu ? Maud Noël, Group Account Director chez We Are Social, revient pour nous sur les dessous d’une campagne de sensibilisation « à bas bruit » dans ce nouveau bilan de campagne.

Le contexte

Pour rappel, le train surfing est une pratique urbaine consistant à monter sur un train en marche. « C’est une pratique tristement connue pour les morts qu’elle entraîne, rappelle Maud Noël. En France, au Royaume-Uni, en Allemagne ou encore en Russie, cette pratique dangereuse attire une petite communauté de jeunes motivés par l’adrénaline, le goût du risque et le sentiment de liberté que cela leur procure. S’ils sont peu nombreux à s’y essayer, ceux qui le font ont l’habitude de se filmer et de partager leurs vidéos sur les réseaux sociaux, donnant ainsi plus de visibilité à cette pratique*. »

Les sociétés d’exploitation de train tentent donc de sensibiliser les communautés concernées à travers des campagnes de sensibilisation. Entre 2015 et 2017, sur les trois accidents mortels survenus sur le réseau RATP — le dernier s’est produit le 24 octobre 2017 à la station Bir-Hakeim sur la ligne 6 —, tous impliquaient des étudiants ou adolescents. Si aucun accident mortel n’a été dénombré depuis « la ligne 6 reste la principale ligne concernée, compte tenu du fait qu’elle est en partie aérienne. Cet été, dans le cadre des travaux de rénovation du viaduc de Passy sur la ligne 6, les grilles aux abords de la station Passy ont été surélevées, notamment pour éviter les intrusions sur le toit de la station », précise encore Maud Noël.

Depuis deux ans maintenant, We Are Social travaille à endiguer cette activité auprès auprès de communautés amatrices de pratiques extrêmes (#freerun, #parkour…), avec la contrainte de communiquer « à bas bruit » pour ne pas donner envie à ceux qui ignoraient l’existence cette pratique.

« En 2018, la RATP a initié une première campagne de prévention contre ce phénomène : une campagne 100 % “dark social” qui a atteint son cœur de cible en s’appuyant sur un influenceur reconnu du milieu, explique la directrice des comptes de We Are Social qui a supervisé la campagne. L’objectif était alors de lutter contre la prolifération des vidéos sur le social et à responsabiliser les internautes : quand vous likez des vidéos de train surfing vous encouragez la mort de quelqu’un. »

Cette nouvelle opération marque l’acte II de la campagne de prévention de la RATP. En effet, un an après la première campagne, « la RATP souhaitait faire une piqûre de rappel » : son réseau « n’est PAS un terrain de jeu ». Il s’agissait alors d’insister sur la dangerosité de cette pratique et ses conséquences, tout sauf anodines : électrocution, chutes ou encore collisions.

La campagne

La campagne s’est déroulée en plusieurs étapes. Pour illustrer les dangers du train surfing et dissuader les free runners de monter sur le métro et de jouer avec leur vie, We Are Social a créé en partenariat avec la RATP, « Y.O.L.O » (« You Only Live Once »), un jeu mobile façon « expérience de train surfing immersive » où l’on a qu’une seule vie. Le principe ? « Dans ce jeu, le joueur fait du parkour dans une rue de Paris et doit éviter certains obstacles. Au bout d’une minute, le joueur est confronté à un choix : “Continuer dans la rue” ou “Surfer sur le métro”. »

Bon, évidemment ceux qui choisissent la première option sont félicités pour leur choix éclairé, tandis que ceux ayant choisi la deuxième option ont instantanément perdu leur vie. Trois types de mort possibles dans le jeu : électrocution, chute, impact. L’expérience se termine enfin avec la signature de la RATP et le message de sensibilisation accompagné du #StopTrainsurfing.

Précision utile de l’agence : « Impossible de rejouer au jeu par la suite : comme dans la vie réelle, le train surfing n’offre pas de seconde chance… »

Ensuite, pour diffuser ce jeu après de la communauté la plus pertinente, We Are Social a fait appel au micro-influenceur Maxence De Schrooder, directeur de la French Freerun Academy et membre du collectif French Freerun Family. En lançant le jeu avec ce freerunner professionnel, We Are Social souhaitait « capter l’attention des adeptes de free-run mais aussi celle des jeunes gamers européens, consommateurs de vidéos de train surfing, afin de mettre en lumière les réels dangers de cette pratique. »

Maxence a été nommé ambassadeur de la campagne et a même un personnage à son effigie dans le jeu.

Pour porter le message de la RATP, il a réalisé différentes stories Instagram renvoyant sa communauté vers le jeu Y.O.L.O. « Pendant deux jours, Maxence a également organisé une session de questions/réponses avec ses abonnés sur le jeu et la pratique du train surfing, tout en faisant passer un puissant message de sensibilisation », raconte Maud Noël.

L’agence affiche même son ambition de faire de ce jeu un réel outil de sensibilisation au sein des communautés de parkour.

Les résultats

L’expérience est toujours en cours, mais en quelques jours, les résultats sont encourageants pour la RATP et We Are Social :
– 26 écrans de stories publiés en 3 jours ;
– 54,5k impressions ;
– 37,4k vues/reach ;
– 1757 clics sur les swipe-up ;
– 123 partages de stories ;
– 1212 interactions (avec les modules Sondages et Emoji Sliders) ;
– 87 Questions/interactions posées avec le module Questions ;
– 63 réactions directes aux stories (Emoji ou Messages).

Les clés de succès

– Une approche ludique et immersive
Communiquer à travers un jeu rend le message de prévention plus percutant et plus facilement mémorisable.

– Une cohérence de A à Z
Le message de prévention est le même que dans le jeu : “Comme dans la vie, il n’y a pas de seconde chance, il est impossible de refaire une partie de notre jeu”, souligne Maud Noël.

– Un influenceur pertinent
Choisir un professionnel, sans doute admiré pour ses exploits sportifs, permet de diffuser le message de prévention à des communautés en affinité avec ses pratiques. Cet influenceur/ambassadeur permet de “s’infiltrer dans ces communautés cibles diffuses et faire que notre message soit entendu.


*La RATP porte systématiquement plainte lorsque des faits de train surfing sont avérés sur son réseau et rappelle que les contrevenants sont passibles d’une peine d’un an de prison et de 15 000 € d’amende.

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