Les enseignements publicitaires de la fausse pizza Google

Par Xuoan D. le 06/09/2018

Temps de lecture : 4 min

Quand la science, le marketing et la technologie se rencontrent.

Le digital permet une analyse en temps réel des résultats. Si bien que certaines campagnes ont recours à un « A/B testing » permanent pour affiner les messages en cours de route et obtenir le plus d’efficacité possible.

Afin de confronter cette approche à des résultats académiques sur les facteurs sensoriels, Ben Jones, creative director au sein des Unskippable Labs de Google, a souhaité mettre sur le grill certaines certitudes des annonceurs de l’agroalimentaire. Par exemple « qu’une personne ne peut pas mâcher un aliment tout en regardant la caméra » ou « qu’un individu doit forcément sourire » dans de telles publicités. Pour tenter de vérifier si ces certitudes sont toujours d’actualité, l’équipe de Ben Jones a créé une vraie campagne pour une fausse marque de pizzas : Doctor Fork. Laissant ainsi toute latitude pour tâtonner et varier les copies créatives de la campagne. À la clé, quelques résultats inattendus que nous vous dévoilons…

Le contexte

L’équipe des Unskippable Labs de Google s’est rendue à une conférence de Ryan Elder, un professeur de marketing de la Brigham Young University (Utah, États-Unis). De l’aveu de Ben Jones, « le travail de cet universitaire sur les facteurs sensoriels était fascinant ». Mais les résultats exposés « soulevaient de nombreuses questions » pour l’équipe de Google, qui avait hâte de confronter ces enseignements « into the wild », c’est-à-dire dans une campagne publicitaire en ligne.

En effet, selon Ben Jones, il y a un monde entre « le fait d’exposer des personnes à des publicités dans un laboratoire, de leur poser immédiatement des questions sur ce qu’ils ont vu » et la réalité vécue par des personnes « visionnant des publicités lors de leur consommation média, pour ne les interroger que 24-48 heures plus tard ».

Le projet

Pour ainsi faire le pont entre l’académique et le marketing, les Unskippable Labs ont mis en place une campagne autour d’une fausse marque de pizzas : Doctor Fork.

33 publicités ont été créées et diffusées sur YouTube :

– 18 « bumper ads » de six secondes qui ont permis de tester l’impact des facteurs sensoriels. Des vidéos de pizzas issues de banques d’images étaient déclinées avec ou sans bande-son, avec ou sans voix off, avec ou sans texte, et séquencées différemment à chaque fois (texte avec ou sans voix, texte sur la pizza ou sur un fond noir, etc.)

– 15 publicités de 15 secondes testant l’impact d’une présence humaine et de son comportement.

Nestlé a été invité comme partenaire à se joindre au projet, le groupe étant intéressé par la perspective d’en tirer des enseignements et ainsi améliorer l’efficacité de ses campagnes publicitaires.

Résultats

– 20 millions d’impressions

– Pour les bumper ads : « une mémorisation publicitaire importante » selon Ben Jones pour 100% des déclinaisons, et un gain en préférence de marque (!) pour 60% d’entre elles.

– Pour les 15 secondes : « 100% des déclinaisons ont engendré de la mémorisation publicitaire, et 43% de la préférence ». Le taux de complétion des vidéos était de 32,64%.

Toutes ces mesures ont été effectuées grâce à la plateforme Video Experiments de YouTube qui permet d’effectuer des tests en s’assurant que chaque individu n’est exposé qu’à un seul type de publicité.

Les enseignements

La 1re surprise pour Ben Jones fut tout simplement « que l’expérimentation fonctionne ! » C’est-à-dire que « les outils de test soient suffisamment précis pour détecter la différence d’impact de différentes copies créatives dans le cadre d’une diffusion massive et hors labo ».

– Le multisensoriel
Rassurons tout d’abord nombre d’agences et d’annonceurs : l’expérimentation Doctor Fork a obtenu de meilleurs résultats avec des créations qui cumulaient le son, le visuel et le texte. Le marché n’a donc pas fait fausse route tant de décennies.

– Séparez le texte de l’image
Plus étonnant : la séparation du texte (écrit ou voix off) de l’image présentant la pizza a ici généré davantage de mémorisation et de préférence que lorsque ces éléments étaient présentés en surimpression. De quoi remettre au goût du jour le carton titre ?

– Ne souriez pas, vous êtes filmés
L’habituelle séquence d’une personne croquant un bout de l’aliment en souriant ne s’est pas montrée plus efficace ici qu’une personne prenant le temps de réellement dévorer sa part de pizza par exemple. Les annonceurs vont donc enfin pouvoir varier et potentiellement se passer du « sourire Colgate » !

– Les facteurs sensoriels différents selon l’audience
Ben Jones a été surpris par le fait que les audiences ne réagissaient pas du tout de la même façon aux facteurs sensoriels. Par exemple « les femmes exposées à la campagne réagissaient davantage à des créations riches d’un point de vue sensoriel, et les jeunes étaient plus séduits par des vues à la première personne ».

– Les gros plans alimentaires
L’étude a confirmé l’efficacité du « foodporn » avec des plans très rapprochés favorisant ici la mémorisation et la préférence de marque.

– Dynamisez vos créations
Enfin, la granularité de ces résultats montre selon Ben Jones que les annonceurs peuvent s’autoriser bien plus de « variations créatives dans l’utilisation du langage visuel » que pour une campagne TV. Plus la version d’un message publicitaire sera sensoriellement adaptée à son audience, « plus le retour sur investissement sera présent ». De là à imaginer des campagnes en full DCO sur YouTube, il n’y a probablement qu’un pas…

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