Et les enjeux de brand safety avec...
Alors que YouTube fait face à une nouvelle polémique autour du brand safety sur sa plateforme avec le boycott de plusieurs annonceurs, dont Disney, McDonald’s ou encore Nestlé, ceux-ci vont bientôt pouvoir trouver refuge sur TikTok. Une perspective qui doit les ravir puisque l’application chinoise aux 700 millions d’utilisateurs à travers le monde est LA nouvelle plateforme tendance chez les jeunes (de 12 à 18 ans), cible chouchou des marques.
TikTok aurait ainsi assuré à des agences partenaires aux États-Unis, où l’app compte 40 millions d’utilisateurs, qu’elle travaillait sur une option publicitaire avec enchères, rapporte AdWeek. Selon les sources anonymes interrogées, la plateforme d’enchères pourrait débarquer dès cet été et proposer des méthodes de ciblage plus pointues, ainsi que de meilleurs outils de mesure.
Pour les plus de 25 ans qui n’auraient jamais entendu parler de TikTok, anciennement Musical.ly : c’est une application de création et partage de vidéo, façon synchronisation labiale, ou « lip syncing« . Du play-back pour résumer. La plateforme est même devenue l’application la plus téléchargée sur l’AppStore au premier trimestre 2018, avec 45,8 millions de téléchargements devant Facebook, Instagram, Snapchat ou encore YouTube. Excusez du peu. Elle compterait déjà 2,5 millions d’utilisateurs en France, principalement des jeunes filles, et se placerait en troisième position dans le coeur des adolescents derrière Snapchat et Instagram d’après le dernier baromètre #BornSocial de l’agence Heaven.
Jusqu’à présent, plateforme et annonceurs travaillent en direct : TikTok ne propose que des ordres d’insertion aux marques, c’est-à-dire un bon de réservation de l’espace publicitaire choisi (dates, format, emplacements, tarif, etc.), autour de quatre formats d’annonces : vidéo intégrée au fil d’actualité, interstitiel au démarrage de l’application, bannière publicitaire qui leur propose de participer à des challenges vidéo sponsorisés et filtres (lenses) sponsorisés qu’un(e) utilisateur(rice) peut utiliser dans sa propre vidéo.
D’après AdWeek, les interstitiels sont vendus entre 50 000 et 100 000 dollars. Un acheteur média anonyme assure également que les « hashtag challenges » (une marque ou un créateur de contenu télécharge une vidéo, la légende avec un hashtag et appelle les utilisateurs de TikTok à créer leur propre version de la vidéo en utilisant le même hashtag) sont vendus environ 150 000 dollars pour 6 jours de campagne promotionnelle.
La plateforme pourrait se révéler très attrayante pour les marques, et notamment les produits de grande consommation (PGC), désireuses de toucher une jeune audience, à majorité féminine.
Toutefois, celles-ci seraient bien avisées de suivre les démêlés de YouTube sur sa propre plateforme. Les problèmes de brand safety rencontrés par YouTube pourraient très bien se déplacer sur TikTok : en novembre dernier, le YouTuber « justicier du web » Le Roi des Rats, à l’origine d’une vidéo dénonçant la présence de réseau pédophilies sur YouTube en juin 2018, a diffusé une nouvelle vidéo intitulée « La face cachée de TikTok » dans laquelle il alerte également sur la présence de prédateurs sexuels sur l’application.
Les marques qui ont tôt fait de boycotter YouTube lorsque la polémique a éclaté ne peuvent ignorer que les mêmes causes aboutiront aux mêmes conséquences sur le dernier réseau social en vogue chez les jeunes. Pour l’instant, la modération pratiquée sur l’application chinoise semble plus stricte que sur YouTube. Une jupe trop courte ou une tenue trop dénudée peut entraîner la suppression d’une vidéo. Les eGirls, soit les filles les plus populaires de la plateforme, et autres influenceurs auront tôt fait d’être courtisés par les marques. En 2018, Danielle Cohn, 13 ans et 11 millions de followers, a signé plusieurs partenariats avec des marques comme Samsung ou Live Nation, la société de production de concert. Mais cette exposition lui a attiré certaines critiques concernant ses tenues et poses inappropriées pour son âge. TikTok a d’ailleurs été confronté à la polémique, puisque plusieurs cas de harcèlement ont été dénoncés, ainsi que des signalements de prédateurs sexuels attirés par le jeune public de la plateforme. L’hypersexualisation des jeunes filles est d’ailleurs un problème récurrent sur ces plateformes, avec tout ce que la recherche de visibilité et la course au like peuvent engendrer.
D’ici l’arrivée de ces enchères publicitaires, TikTok va devoir relever pas mal de défis : le taux d’engagement de l’application, c’est-à-dire la part des utilisateurs mensuels ouvrant l’application quotidiennement, est beaucoup plus faible que Facebook ou Snapchat par exemple. Selon le cabinet Apptopia, le taux d’engagement de TikTok plafonne à 29%, contre 96% pour Facebook, 95% pour Instagram, 95% pour Snapchat et 95% pour YouTube. Mais rappelons que la maison mère Bytedance est désormais valorisée 75 milliards de dollars. Ce qui fait d’elle la start-up la plus valorisée du monde devant Uber. De quoi rivaliser avec Facebook, mais aussi avec les géants du web chinois que sont Tencent et Alibaba.