L’IA va-t-elle rendre les analytics accessibles à tous ? Le pari de Salesforce avec Tableau

Par Xuoan D. le 27/11/2024

Temps de lecture : 6 min

Bienvenue dans l'ère des Agentic Analytics.

En 2019, la solution d’analytics Tableau rejoignait Salesforce pour 15,7 milliards de dollars. C’était alors la plus grande acquisition de Salesforce, avant que le rachat de Slack n’atteigne le montant stratosphérique de 27,7 milliards de dollars, en décembre 2020, en plein « monde d’après ». 

Nous voilà fin 2024, et Salesforce a convié plusieurs centaines de clients, prospects et partenaires à Paris pour l’Agentforce World Tour. Le thème ? Le déploiement tous azimuts d’agents IA capables de réaliser des actions en toute autonomie, grâce à la qualité des données du cloud Salesforce.

Tableau n’échappe pas à cette « agentisation » avec l’arrivée en plusieurs étapes de l’IA dans son offre : Tableau Pulse, Tableau Agent, Tableau Einstein (l’IA maison de Salesforce). 

L’occasion pour la Réclame .mark&tech de s’entretenir avec Stéphanie Pussiau, Vice President & GM Tableau France chez Salesforce, et avec Nicolas Oury, Global Head of Strategy & Innovation, Solution Engineering de Tableau.

Quel est le taux d’utilisation de Tableau parmi les clients Salesforce ?

Stéphanie Pussiau : À la base, Tableau vit sans Salesforce. Tableau a été acquis il y a cinq ans par Salesforce [pour 15 milliards de dollars, la plus grande acquisition de l’histoire de Salesforce, NDLR] et existe depuis 25 ans. Ainsi, plus d’entreprises utilisent Tableau sans être préalablement clientes Salesforce que l’inverse. 

Depuis l’acquisition il y a cinq ans, nous observons beaucoup plus de synergie entre nos clients. Nombre de clients Salesforce sont venus nous ont dit : « Vous avez racheté Tableau, comment tout cela peut se mettre en musique avec ce que nous utilisons déjà chez Salesforce ? »

Un des grands défis des solutions martech est leur faible taux d’utilisation une fois déployée en entreprise. 33 % en 2023 selon Gartner, en nette chute. Est-ce aussi le cas pour Tableau ? 

Stéphanie Pussiau : Sur notre marché, la moyenne de l’adoption d’une solution d’analytics, est de 30 %. C’est-à-dire qu’il y a 70 % des collaborateurs qui n’utilisent pas régulièrement ce qui est mis à disposition.

Avec Tableau, ce taux d’utilisation est bien supérieur. Mais nous n’étions pas à 100 %. On s’est donc demandé comment atteindre cette pleine utilisation de notre solution. Nous avons interrogé des centaines de milliers d’entreprises pour comprendre qu’est-ce qui se passe, quel est leur quotidien, qu’est-ce qui leur manque… 

Quels sont les freins à l’usage ?

Stéphanie Pussiau : De base, la qualité de la donnée. Si la donnée n’est pas assez connectée, non unifiée, elle ne sera pas utile. L’interface peut être un frein, mais ce ne nous est jamais remonté avec Tableau. Le vrai frein est le temps nécessaire à l’interprétation de la donnée. Vous avez un tableau de bord, une visualisation, c’est bien. Mais qu’est-ce que vous pouvez en déduire ? Qu’est-ce qui est actionnable ? Pour répondre à ces questions, il faut réconcilier différentes analyses. On s’est rendu compte que cela prenait 2 heures en moyenne. Un rapport ou une visualisation n’a pas de valeur pour l’entreprise sans cette analyse.

Cela nous a complètement changé notre façon de voir les analytics et nous a mené à concevoir Tableau Pulse, avec des insights optimisés par l’IA. 

Nicolas Oury : Pendant longtemps, on a voulu démocratiser la donnée pour les pros de l’IT. Puis avec des visualisations. Mais on est peut-être allé trop loin dans de la visualisation pour de la visualisation. Comment est-ce qu’on transforme cette information, en un résultat métier ?

Je vous donne un exemple concret. Il y a quelques années, nous avons été contactés par une grande entreprise américaine qui fabrique des pièces mécaniques pour les voitures. Leur problématique était qu’ils perdaient des millions tous les mois en pièces qui partaient à la poubelle pour des questions de qualité : les « scraps ». 

Il y avait deux façons de traiter cette problématique. D’abord avec un projet dont l’objectif est de créer un dashboard qui me dirait tous les mois « il y a eu 3,5% de scraps ». Des millions de perdus. Je n’en ressortirais pas plus d’informations. Deuxième approche, si je fixe comme objectif d’éliminer les scraps, le dashboard n’est plus l’objectif mais le moyen. Et ce que l’on a fait à l’époque, c’est de présenter le dashboard tous les lundis matins à 7h dans toutes les usines, à différentes personnes clés. À chaque fois, le but était d’identifier  le top 3 des causes qui impliquent ces pertes de matériel. Et de définir des actions et de former des personnes qui les réaliseront. On va monitorer combien de scraps nous aurons aujourd’hui. Et dans une semaine, on revient et on fait un bilan de l’impact de ces décisions. 

Voilà ce que l’on veut changer dans le monde de la data. Ne vous arrêtez pas à à la visualisation. Oui, il vaut mieux être informé que ne pas l’être. Mais allons plus loin, soyons plus ambitieux, utilisons cette information pour agir et générer des résultats. 

Lors de l’événement Agentforce World Tour Paris du 7 novembre, vous évoquiez le concept d’Agentic Analytics, comme une nouvelle ère pour les analytics. 

Stéphanie Pussiau : On revient toujours à notre philosophie de départ. Une donnée et une analyse n’ont de la valeur que s’il y a une action qui est prise derrière, avec un impact mesurable. Et cette mesure va alimenter de nouvelles actions. 

Avec Agentforce, on apporte de l’autonomie pour ces actions. Une analyse déclenche automatiquement un changement de processus, un goulet d’étranglement à rectifier, un ajustement de mise à jour de campagne, etc. 

Nicolas Oury : On peut imaginer trois types d’actionnabilité.

1. Soit une liste assez basique : une commande est passée, il y a une confirmation logistique, une réponse envoyée aux clients ;

2. Ou alors on pourrait imaginer des workflows avec des éléments conditionnels, si le client répond cela, telle action est nécessaire, et cela nécessite pas mal de jus de cerveau pour anticiper toutes les interactions possibles.

3. Ou alors il y a justement la notion d’agent, soit autonome, soit assistif. Un agent autonome peut devenir assistif : un agent, on peut très bien lui dire : « Si tu ne sais plus répondre, passe la main à un humain », et heureusement d’ailleurs ! L’agent sera capable de traiter des scénarios non prévisibles d’avance, mais quand ses limites seront atteinte,s un humain prendra le relais.

Cette approche « agentique » [IA, NDLR] permet d’adresser beaucoup plus de use case et pour un coût bien moindre. Et toujours en gardant le contexte de ces interactions. C’est-à-dire que quand vous discutez avec un agent, il vous connaît non seulement sur la base des données qu’on sait sur vous dans l’entreprise, mais aussi sur la base de tout l’historique de la conversation depuis le début, et pas simplement depuis la dernière question.

Le déploiement de l’IA dans vos solutions est-elle une opportunité ou une menace pour vos partenaires intégrateurs ?

Stéphanie Pussiau : La vitesse et l’accélération des innovations en cours est énorme. Les entreprises ont besoin d’être conseillées pour ne pas être à la traine. Ces technologies sont accessibles à tous et l’écart risque d’être énorme entre les sociétés qui les adoptent et les autres qui s’en écartent. Ainsi, nos partenaires intégrateurs sont clés pour accompagner les entreprises face aux bouleversements en cours.

Nombre d’entreprises disent être data-driven, mais la plupart n’y sont pas. Pour cela, il faut une architecture de données qui tient la route, qui est pérenne et scalable. Cela nécessite des compétences clés pour mettre tout cela en place. Et ces compétences sont chez nos partenaires intégrateurs.

Ce qui a changé en revanche, c’est la durée des projets. Fini les 3 ans nécessaires pour intégrer une nouvelle solution, façon ERP des confrères. Maintenant, un projet peut être déployé en quelques semaines. Concernant Agentforce, vous pouvez configurer votre agent IA et repartir avec dans la journée. Et ça, c’est révolutionnaire.

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