Quelles tendances pour l’audio en 2024 ?

Par Élodie C. le 05/02/2024

Temps de lecture : 13 min

Bulle du podcast, local audio et croissance du digital.

D’études en bilans, d’année en année, les chiffres de l’audio affichent une santé affolante. Le marché se distingue ainsi par une croissance impressionnante, anticipée à frôler les 100 millions d’euros en 2024 (Médiamétrie). Si on promet à l’audio, média de l’intime, et plus spécifiquement au podcast, de devenir le prochain eldorado des marques depuis quelques années déjà, le secteur semble pâtir d’un déficit… d’écoute.

Pourtant, avec 5,6 millions d’heures d’écoutes par jour en 2023 en France, +4% d’écoute vs 2022, et + 436 nouveaux podcasts la même en France, dont NRJ Global, Le Monde, Konbini, l’INA, Paradiso (source : Bilan de l’audio digital 2023 – ACPM) l’horizon semble dégagé. Mais la dernière mise à jour d’iOS (la 17e) a fait tanguer la vedette, et entrainé une dégringolade des audiences, incitant certains médias à évoquer l’éclatement de la bulle du podcast. Apple Podcast représentant tout de même 36% de parts de marché devant Spotify (27%), elle-même loin devant Deezer (8%).

À une nuance près, le marché de l’audio digital ne saurait être résumé à ce format, et il bouillonne d’innovations dessinant un futur aussi radieux que la vidéo. 

Kamel El Hadef, co-fondateur d’Audion, et Nicolas Thorin, son directeur associé, partagent leur vision sur les prochaines tendances et l’évolution dynamique de la publicité audio digitale.

Comment analysez-vous la croissance et l’évolution du marché de la publicité audio digitale en 2024 ? Quels sont les facteurs clés qui contribuent à son expansion ?

Nicolas Thorin : C’est un marché dynamique et en pleine croissance dont les résultats frôleront sans doute les 100 millions d’euros cette année. En 2023, l’audio portait déjà la croissance sur le digital, même ce n’était pas le plus important en termes de volume. 

Pourquoi est-il en forte croissance ? 
– L’audio est un levier facile à mettre en place dans une stratégie digitale globale (display, vidéo, DOOH), facile à produire et à moindre cout ; 
– C’est un format qui génère encore peu d’encombrements publicitaires. S’il y a beaucoup d’inventaires publicitaires, il y a peu de pré-roll avant les contenus audio, contrairement à la vidéo (entre 2 et 8 publicités selon les plateformes). Ce qui peut être intéressant pour des annonceurs souhaitant émerger, là où ils n’y parviennent plus sur du display ou de la vidéo ;
– C’est un média assez intime, en relation très forte avec son auditeur, dont en proximité avec la marque. 

Ensuite, il y a une nouvelle approche qui se révèle peu à peu : les publicités locales. Là où le display a eu du mal à exister sur la partie locale où la presse était prédominante. Avec l’audio, il est possible de construire des plans médias de façon massive, avec une audience très large localement et donc une puissance et une affinité intéressante.

Kamel El Hadef : L’audience est très massive en audio digitale, ce qui permet de remonter automatiquement sur des plans locaux. Chose que ne parviennent pas à faire certains médias offline. L’audio-digital a une force : la technologie lui permettant de géolocaliser l’ensemble des activations publicitaires d’une marque et de remonter sur des activations extra-locales, autour de points de vente très spécifiques, en province par exemple. 

Et comme le disait Nicolas précédemment, cette technologie offre une facilité d’accès en termes de coûts de production. Aujourd’hui, produire un spot audio classique, avec différentes variables de géolocalisation, est très en dessous de la vidéo ou du display. Cette technologie nous permet de réaliser des analyses de trafic en points de vente, des post-tests après campagne pour mesurer son efficacité, l’agrément à la marque ou la mémorisation aux messages. Les analyses sont toutes unanimes : l’audio fonctionne aussi bien que fonctionne la radio, ou tout autre média offline. 

Lorsque vous parlez “d’audience massive” de l’audio-digital, à quoi faites-vous référence ? 

N.T. : L’écosystème de l’audio-digital est très large, et il a beaucoup été relié aux podcasts, natifs notamment, à ses débuts. Pourtant, les premiers à avoir créé une offre publicitaire autour, ce sont les plateformes musicales. Spotify et Deezer commercialisent de la publicité digitale autour de l’audio depuis plus de 10 ans. Les plateformes musicales, c’est le socle. Et la dernière arrivée sur le marché est déjà la plus grosse plateforme dans le monde, YouTube. D’autant plus depuis qu’ils ont fermé Google Podcasts. On écoute de tout sur YouTube, musique, podcasts, émissions de radio. Elles ont toutes leurs replays dessus depuis très longtemps, c’est extrêmement massif. 

K.E.H. : Pour vous donner des chiffres : 82% des Français écoutent un contenu audio chaque jour d’après Médiamétrie (custom ad network). Chez Audion, nous sommes aujourd’hui capables de toucher 45 millions d’auditeurs selon les mois en travaillant avec Spotify, Deezer, SoundCloud et YouTube sur la partie plateforme musicale, mais aussi avec le groupe RTL et Altice sur les parties radio, ainsi que Slate, Le Monde, Prisma, Webedia, 20 Minutes, etc.

N.T. : Plus le bassin est large, plus on peut adresser localement, des cibles, des univers ou des contextes spécifiques. Par exemple, des femmes de 35-49 ans, à 50 kilomètres autour de telle ville. 

Selon plusieurs médias dont Semafor, la bulle du podcast a éclaté. Il serait bien plus petit que prévu : en cause : la mise à jour récente d’Apple et de son application Podcasts, qui téléchargeait jusqu’à présent automatiquement les épisodes de podcast d’un.e abonné.e (avec écoute ou non), faisant ainsi gonfler artificiellement le nombre d’auditeurs et par la même occasion les contrats publicitaires. Pour certains podcasts, la chute d’audience serait drastique, jusqu’à 40% pour certains podcasts.

K.E.H. : Pour commencer, il faut savoir qu’on parle d’un marché, notamment aux États-Unis, qui a dépassé le milliard de dollars de revenus publicitaires en 2021, doit avoisiner les 3 milliards sur 2023 et devrait, selon les dernières prédictions, dépasser les 4 milliards aux États-Unis en 2024. Outre-Atlantique, le podcast est vraiment adressé en dehors de toute marque radio, comme on peut le faire ici. Ce marché génère énormément de chiffres d’affaires, donc expliquer que la bulle a explosé… je ne suis pas tout à fait d’accord avec ça. 

Spotify a tenté des investissements massifs sur le podcast en rachetant un certain nombre de sociétés (mesure et CMS par exemple) pour mettre la main sur cet inventaire et en tirer des revenus publicitaires. Pour Spotify, le problème n’est pas tant stratégique que pratique : la plateforme n’est pas un network publicitaire, elle vend de l’abonnement. Son business model est de permettre aux utilisateurs d’écouter gratuitement de la musique entrecoupée de publicités, et de les inciter à passer à la version premium par abonnement, sans pub. 

Avec toutes les limites que ce modèle entraine puisque Spotify doit reverser énormément d’argent aux majors : l’essence même de Spotify, c’est la musique. On peut tenter des comparaisons avec Google dont la plateforme YouTube parvient à générer des revenus monstrueux avec la publicité, quand Spotify n’y arrive pas, mais ce n’est pas le sujet. Le sujet est culturel : le business model de Spotify est de vendre de l’abonnement, ce qui écarte clairement le propos selon lequel le marché du podcast a éclaté et n’avance pas. 

Pour en revenir à la mise à jour d’Apple avec iOS17 et la baisse d’audience qu’elle a entrainé (surtout pour les contenus longs, donc découpés et téléchargés), l’audience de base était déjà là. Ce changement ne concerne pas tous les acteurs du marché, les acteurs du podcast natif par exemple ne sont absolument pas impactés. 

N.T. : Le vrai sujet, c’est la mise à jour puisque la stratégie de certains éditeurs reposait à 80 % sur Apple Podcast. Maintenant, ils n’ont d’autre choix que de se réinventer et se diversifier en plaçant leurs contenus sur Apple, YouTube, voire directement chez Audion, s’ils ont un CMS et une plateforme propre pour diffuser, ou un player audio ou vidéo pour le faire.

Comment analysez-vous cela, notamment en France où le podcast semble partout (nombre de podcasts qui se crée), mais sans véritablement s’imposer ?

N.T. : Dailymotion est très puissant chez les éditeurs de presse où il représente 80% des players (vidéo et/ou audio). Ce sera une nouvelle façon de consommer des contenus pour les auditeurs. iOS serre un peu la vis, les audiences redescendent, mais elles vont remonter. La mise à jour est disponible depuis septembre 2022 aux États-Unis : YouTube était alors devenue la première plateforme d’écoute de contenu podcast, et il y a de fortes chances que cela se produise en France. Google n’a pas encore communiqué dessus, mais des réunions autour de YouTube Audio ont lieu tous les trimestres. La volonté d’en faire une nouvelle plateforme d’écoute est là. 

K.E.H. : D’ailleurs, notre cœur de métier, c’est l’audio digital, pas uniquement le podcast. Sur les 100 millions de revenus publicitaires que devrait représenter le marché (si on se réfère aux chiffres de l’année dernière), la part du podcast dit “natif” ou du podcast en général, est minime dans cet environnement-là. L’audio digital, c’est aussi le streaming, de nouveaux formats, comme le texte ou speech, le podcast issu de la radio et du natif, donc le sujet de la bulle ne concerne que quelques acteurs. L’usage est là, tout ce qui concerne la publicité et le revenu va continuer de croître automatiquement. 

N.T. : C’est l’usage de la voix par les outils, il faut toujours mettre en perspective ce que font les gens, et ne pas penser “marché” mais : est-ce qu’il y a un usage de la voix et de l’audio ? Oui, et de plus en plus, les gens portent des casques tout le temps, donc le contenu est écouté. On ne peut pas réduire le marché publicitaire de la vidéo aux seuls acteurs de la catch-up TV, pour l’audio digital, c’est pareil.

Quels sont les principaux défis rencontrés par les annonceurs dans le marché audio digital et comment Audion aide-t-elle à les surmonter ?

N.T. : Ce sera de prouver “l’efficacité”, mais surtout ce qu’apporte l’audio digital dans un plan média global digital : quelle couverture cela apporte ? Un peu comme la VOL à l’époque. Au sein du groupe de travail sur l’audio digital à l’Alliance Digitale dont je fais partie, c’est l’enjeu de 2024. 

Les récents licenciements massifs chez Spotify ont-ils eu un impact significatif sur le marché de la publicité audio, et comment interprétez-vous ces événements ?

K.E.H. : Je n’ai pas les chiffres de Spotify, mais son audience est toujours aussi massive. Et pour être partenaire de Spotify, je peux vous dire que les chiffres des impressions publicitaires disponibles sont toujours aussi massifs. Cela n’a pas vraiment d’impact sur le marché publicitaire. Ce sont des événements macros entre Covid, guerre en Ukraine, inflation, etc. 

N.T. : Pas mal d’acteurs ont profité de la conjoncture pour faire un plan de licenciements. Il y a cinq ans, vous auriez dit à Google qu’ils allaient en mettre un en œuvre, ils vous auraient ri au nez. Là, certains ont suivi le mouvement opportun débuté par Amazon. 

Après, leur stratégie d’annoncer la mise à disposition de tous les contenus audio-digitaux existants sur une seule plateforme est bonne. La destination première, c’est la musique, mais ils ont mis pas mal d’argent pour acquérir les droits de certaines personnalités. Mais à l’instar de ce qui existe en télévision : lorsqu’on achète les droits de la Coupe du Monde de foot ou de la formule 1, on ne gagne pas d’argent avec. Ce ne sont pas des opérations rentables. En revanche, ce sont des carrefours d’audience. C’est un jeu d’équilibre : 1% de l’audience va me coûter très cher, mais cela va m’octroyer les meilleurs scores d’audience de l’année. 

K.E.H. : C’est là où le chiffre est généré. 

Quelles sont les stratégies de monétisation les plus efficaces pour les créateurs de contenu audio en 2024, et comment Audion les soutient-elle ?

K.E.H. : Notre point de vue sur le marché de l’audio digital et du podcast est axé autour de la publicité. On nous demande souvent de définir le sacro-saint business model du podcast, et la meilleure façon de générer des revenus sur ce marché-là. Le podcast, qu’il soit natif ou replay, l’audio digitale de manière globale, le streaming, etc., est un média comme un autre. C’est un média accessible gratuitement, son business model est donc assez clair, c’est la publicité. Qu’elle soit programmatique, classique, en OPS, sponsoring, etc. C’est un vrai enjeu puisque autour du podcast, le payant et les abonnements ne fonctionnent pas, des plateformes ont tenté sans succès. Pourtant, certaines ont levé beaucoup d’argent. 

Ça ne fonctionne pas, car le contenu est accessible gratuitement par essence. Sur Apple Podcasts ou Spotify, le contenu est disponible, on ne peut donc pas, du jour au lendemain, dire aux auditeurs de payer ne serait-ce que 3 euros par mois pour accéder à ce contenu. 

C’est un véritable sujet, et ce, depuis pas mal d’années, notamment avec les studios de production, les acteurs du podcast natif. Le vrai enjeu, c’est la lisibilité pour les annonceurs et pour les marques : aujourd’hui, lorsqu’une marque veut faire du podcast natif, elle se retrouve face à des dizaines de studios de production, des centaines de podcasteurs, certains vont passer par d’autres acteurs pour se réunir en conglomérats d’acteurs natifs, etc. Pour une marque, la visibilité est quasi nulle. Si elle a un plan audio à mettre en œuvre, elle fera ce qu’elle fait depuis toujours, de la radio, avec son volet digital et c’est tout. Notre travail depuis notre création en 2018 est d’apporter de la visibilité et de construire un réseau. En travaillant avec Audion, la marque est capable d’activer toutes les variantes et verticales de l’audio digital : ce qui permettra à tous les acteurs et à tous les créateurs de contenu de faire de l’argent, de générer du revenu, c’est la publicité. 

Pouvez-vous nous parler des dernières innovations technologiques – d’Audion – dans le domaine de la publicité audio digitale ?

N.T. : On nous demande souvent si l’on fait de la publicité programmatique, pour dire automatisée, mais elle ne l’est pas tant que ça. Elle l’est par les outils, mais les acheteurs en face ne le font pas de façon automatisée à chaque fois. Les achats se font beaucoup de gré à gré en fonction des campagnes, de leur durée, de leur cible, etc.

Ensuite, notre autre innovation est liée à la création avec notre outil propriétaire de DCO (Dynamic Creative Optimization) capable de délivrer des publicités en temps réel, suivant le lieu, les contextes ou les ciblages spécifiques. Avec toutes ces variables-là, on peut délivrer 500 spots différents de façon automatique et en temps réel. C’est très facile à produire, à valider pour la marque, à diffuser et le tout avec un reporting très clair une fois la campagne terminée. Nous avons su le rendre simple, efficace et le démocratiser. 

Pouvez-vous expliquer l’importance croissante du local audio dans les stratégies publicitaires ?

K.E.H. : Fin 2024, début 2025, signera la fin du prospectus. Les marques n’auront plus le droit d’en imprimer. C’est un vrai enjeu : comment communiquer sans, tout en continuer de toucher les gens ? Nous avons créé un produit, Paperless, pour palier cela. Demain, vous pourrez l’avoir dans les oreilles, avec chaque jour des créations différentes qui s’adresseront soit à monsieur ou madame. Avec une couverture sur cible de 7, 8, 9 ou 10, on pourra délivrer un prospectus bien spécifique, sur une zone géographique précise et une personne donnée. Le tout, avec tous les avantages de l’audio, comme des frais de production bien moindres comparés à ce qui a été dépensé pour les prospectus. 

N.T. : Nous avons des demandes de plus en plus importantes pour l’audio local, les entités locales des agences médias activent de plus en plus les deux deux derniers-nés du digital, le DOOH et l’audio-digital. Il n’y a pas de local vidéo, pourquoi ? Parce que l’asset à produire coûte trop cher. 

Quelles sont vos prédictions pour l’avenir du marché de la publicité audio digitale dans les prochaines années ?

N.T. : Le marché suit à peu près la même courbe d’évolution que le marché de la vidéo, né il y a 7-8 ans. On doit donc être en 2014-2015 du marché de la vidéo, on verra la même croissance, mais avec un encombrement publicitaire mesuré. Ensuite, le marché est très lié à des contenus de qualité premium, il n’y a pas de fausses écoutes musicales ou de fausses écoutes radio. 

En revanche, il faut être très attentif, le réguler, et sortir des études qui vont rassurer à la fois les marques, les agences médias et tout ce milieu sur l’apport de l’audio digital ou global dans un plan plurimédia. 

K.E.H. : La fin du cookie tiers cette année va remettre le contextuel sur le devant de la scène. De ce point de vue là, l’audio est le média du contextuel par excellence. La fin du cookie tiers va forcément impacter le marché du display, et renforcer le marché de l’audio-digital puisqu’on peut communiquer sur des contenus affinitaires par rapport à la problématique d’une marque, par exemple. Tous ces autres sujets vont driver la croissance du marché de l’audio-digital. 

N.T. : Le chiffre le plus important, c’est le taux de complétion moyen d’une campagne audio-digitale, entre 95 et 97%. Pourquoi ? Soit le contenu a été lancé et il a été écouté avec la publicité, soit il n’a pas été écouté et il n’y a pas de publicité derrière.

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