Comment Orange entend rendre la sobriété numérique désirable

Par Élodie C. le 27/04/2023 - Agence : Publicis Conseil

Temps de lecture : 10 min

Recyclage, Reprise, Reconditionné, Réparation.

À l’heure de la sobriété énergétique, c’est de sobriété numérique qu’Orange entend être le héraut. Alors que nous passons de plus en plus de temps par jour rivés à nos écrans, le leader des télécoms poursuit sa mission de sensibilisation aux usages – raisonnée – du digital et souhaite donner à chacun les clés d’un monde numérique responsable. Une responsabilité ancrée dans la raison d’être de l’entreprise et qu’Orange déploie notamment à travers 4 piliers réunit au sein du programme Re pour “recyclage, reprise, reconditionné et réparation”.

Quentin Delobelle, directeur de la communication commerciale et de la création d’Orange, détaille les ambitions et engagements du groupe en matière de sobriété numérique.

Quel est le rôle d’Orange France en matière de sobriété numérique ? Comment le programme d’économie circulaire “Re” recyclage, reprise, reconditionné et réparation, s’inscrit-il dans cette démarche ?

Quentin Delobelle : Orange est le leader du secteur télécoms en France. Nous avons mis la “responsabilité” dans notre raison d’être qui, dans le cadre loi pacte, fait partie des statuts de l’entreprise : être l’acteur de confiance qui donne à chacune et à chacun les clés d’un monde numérique responsable. Celui-ci ne recouvre pas uniquement un aspect environnemental, tout comme la sobriété numérique. Orange déploie plusieurs démarches pour inciter à un meilleur usage du numérique par nos clients et tous les publics, notamment un usage raisonné des écrans.

Cette démarche est d’ailleurs très bien résumée sur le site “Bien vivre le digital”, sur lequel on retrouve par exemple des conseils pour les parents pour adopter un temps d’écran raisonnable par les enfants : dès 2 ans, ils passent en moyenne 52 minutes quotidiennes devant un écran, c’est alarmant !  On a lancé une campagne “Passe en mode ballon” sur ce thème pour faire lâcher leur téléphone aux petits et grands.

En matière environnementale, nos data centers sont conçus de manière à être le moins énergivores possible, ou se refroidir plus naturellement, nos boxes sont éco-conçues, la flotte de véhicules Orange passe à l’électrique, etc. Tout cela car nous avons pris l’engagement d’être net zéro carbone en 2040, 10 ans avant l’engagement pris par le secteur télécoms.

Ensuite, le programme Re entre dans la danse. C’est une co-création entre Publicis et la communication d’Orange France. Cette idée issue de la com a été “achetée” par le service marketing puis par Orange Groupe pour être ensuite étendue à tout un groupe de pays. C’est un motif de satisfaction important. D’autant que ce programme est crucial, car il permet de travailler le scope 3 sur lequel nous avons moins de maîtrise, mais qui représente 90% de nos émissions carbone. Elles sont liées aux émissions de nos fournisseurs-partenaires (prestations d’interventions, fabrication d’équipements réseaux, déchets), et aux usages de nos clients (box, smartphone, call center…). Re permettra d’agir dessus via le recyclage, le reconditionné, la reprise et la réparation des terminaux, soit 80% de notre empreinte carbone.

Le programme a été lancé en octobre 2020 et comprenait les 3 premiers piliers (déjà mis en œuvre), puis en fin 2021 nous avons inclus la réparation, car cela demandait beaucoup d’organisation au sein de nos 530 boutiques. Nous ne parvenions pas à faire décoller ces sujets-là pris un par un, nous avons décidé de les packager dans le programme Re pour lui donner plus de force. C’était la stratégie gagnante puisque nous leur donnons aujourd’hui plus de poids ensemble que séparément auparavant. Le programme Re a vocation à se déployer, il est déjà présent en Espagne, en Pologne ou en Belgique.

Votre campagne de Noël de 2022 était donc la “vitrine” de ce programme ?

Q.D. : La campagne de Noël était un pari très audacieux. C’est une période de consommation avérée et prendre le risque de mettre la focale sur le reconditionné n’était pas gagné d’avance. Cela ne nous a pas empêché de vendre du neuf à côté, mais nous avons performé sur le reconditionné et la réparation, nous avons obtenu des pointes à presque +10% de ventes de mobiles reconditionnés vs 3,5% en moyenne.

Nous avons souhaité la traiter comme un conte de Noël, car nous estimons qu’il est possible d’évoquer ces sujets-là en y mettant du sourire, de la poésie et de la désirabilité. 

À côté de cette campagne télé, nous avions toute une démarche avec l’équipe de France de football et l’agence Marcel (groupe Publicis). Les joueurs prônaient le reconditionnement et la seconde vie des téléphones. Ce format de 1’20 a cartonné avec des taux de complétion incroyables. Nous avons pulvérisé nos standards : 7 millions de vues sur YouTube dont 4,6 millions à 100% ! Lorsque de tels ambassadeurs, aimés des Français, portent ces sujets, c’est de nature à les banaliser dans le bon sens du terme.

L’impact environnemental de ce programme est-il mesuré ? 

Q.D. : Avec l’objectif d’être net zéro carbone d’ici 2040, nous mesurons tout, scope 1, 2 et 3, d’une année sur l’autre. Il n’y a pas de mesure au cas par cas. Sur le reconditionné par exemple, l’ADEME le fait très bien. Sa récente étude publiée en 2022 sur l’impact environnemental du reconditionné montre que choisir un mobile reconditionné représente jusqu’à 8 fois moins d’impact environnemental que l’achat de neuf (épuisement des ressources, notamment rares) et cela prévient l’émission de 25 kg de gaz à effet de serre par année d’utilisation.

Pour la réparation, nous allons mettre en place une étude spécifique pour mesurer le gain en carbone de la réparation vs l’achat d’un appareil neuf.

Comment Orange encourage ses clients à adopter des pratiques plus durables en matière d’utilisation et de gestion de leurs équipements électroniques ? En 2022, il y a encore moins de 5 % des ventes de smartphones Orange réalisées en reconditionné.

Q.D. : Ce chiffre a quelque peu bougé depuis. Le mouvement est en marche, aujourd’hui, nous atteignons un rythme de croisière autour de 6 à 7% de ventes de smartphones reconditionnés. Cela va prendre du temps, pour tout un tas de raisons, notamment parce que nous devons éduquer les gens sur le fait qu’un téléphone déjà utilisé reste aussi efficace qu’un neuf, et est plus vertueux pour la planète.

C’est tout l’objectif du programme Re : fédérer ces initiatives, et c’est pourquoi nous consacrons une bonne partie de notre budget publicitaire pour faire vivre ce programme, développer sa notoriété et rendre cette sobriété désirable. Jusqu’ici, ne nous le cachons pas, ces sujets étaient traités de façon un peu ennuyeuse.

Avec notre campagne sur la réparation au moment de Noël, nous avons observé une augmentation de 40% de réparation. Ce sont encore de trop petits volumes, mais le momentum est plutôt bon. Orange est le premier repreneur de mobiles en France : 36% des mobiles vendus sont repris.

Ensuite, notre site Bien vivre le digital raconte ce qu’est le reconditionné, le recyclage, l’intérêt d’une reprise et de la réparation, et les gestes permettant d’économiser de la bande passante en data par exemple, et donc de l’énergie. Nous sommes convaincus qu’il faut le faire et nous avons obtenu des gains de préférence de marque lors de nos posts test, notamment sur les 18-24 ans.

En 2020, 15 millions de téléphones avaient été récupérés dans l’ensemble des pays où le Groupe est présent, sur une dizaine d’années, dont 8 millions par Orange France. Que sont-ils devenus ? 

Q.D. : Aujourd’hui, ces chiffres sont passés à 16 millions et 9 millions. Pour ces téléphones, nous travaillons avec notre partenaire, Les ateliers du Bocage, une coopérative sociale et environnementale. Soit, ils sont en état de marche et ils entrent dans un circuit de reconditionnement – les données personnelles sont effacées, ils sont testés et reconditionnés (juridiquement, Orange ne peut pas utiliser l’expression “remis à neuf”, NDLR) et revendus. Soit les téléphones repris ne fonctionnent plus et ils intègrent la filière recyclage où nous collaborons avec l’éco-organisme Ecosystem : toutes les matières sont traitées et les matériaux récupérés. 

Nous travaillons également avec Emmaüs International autour de la création de points de collecte puisque tous les gains issus de ces reventes de matière leur sont reversés pour en créer en Afrique. Nous opérons ainsi une boucle vertueuse, car c’est à travers ces différents points de collecte que nous récupérons aussi de vieux téléphones pour les ramener en France afin qu’ils soient reconditionnés. C’est vertueux pour la planète, mais pas seulement : lorsque l’on recycle 25 000 téléphones, Orange peut créer un emploi au sein de cette filière, à partir de 100 000, c’est un atelier de collecte qui est monté dans un pays africain.

Comment la marque Orange gère-t-elle la collecte, le traitement et la réutilisation des équipements électroniques en fin de vie ? Quels sont les critères de sélection pour les entreprises qui se chargent de ces opérations ?

Q.D. : Nos 530 boutiques sont équipées pour récupérer des téléphones (recyclage ou reprise) et nous collaborons également avec des écoles, des entreprises, et même des collectivités territoriales pour maximiser les possibilités de collecte de ces mobiles.

Ensuite, nous entrons dans la filière précédemment évoquée. Le premier atelier a été créé en 2010 au Burkina Faso, aujourd’hui, nous disposons de 5 ateliers traitant 12 tonnes de déchets, soit l’équivalent de 80 000 mobiles.

Concernant les critères de sélection, nous choisissons évidemment des collaborateurs qui ont fait leurs preuves. Nous avons déployé une petite initiative en boucle, très, très locale. Concernant le sourcing des terminaux, si on les fait venir de l’autre côté de la planète, son empreinte carbone est déjà lourde en arrivant à bon port. Orange développe des boucles très locales en reconditionnant, en France, des mobiles récupérés dans nos boutiques tout en s’assurant qu’ils soient ensuite revendus dans le pays pour obtenir une boucle la plus locale possible. On estampille ensuite certains mobiles “100% Français et solidaires” en partenariat avec Cadaoz. Nous sommes très fiers de cette initiative et nous souhaiterions la développer.

Ces dernières années, Back Market s’est positionné en tant qu’acteur/leader poids lourds du reconditionné : le considérez-vous comme un concurrent ou un partenaire qui concourt à faire avancer les choses dans le bon sens ?

Q.D. : Back Market ne fait que du reconditionné, son sourcing n’est pas forcément le même que le nôtre. Les Etats-Unis sont un gros pourvoyeur de smartphones par exemple, car ce marché est quasiment inexistant outre-Atlantique concernant ces terminaux. L’Europe en récupère énormément, c’est aussi nécessairement le cas de Back Market. C’est un acteur important du reconditionné en France, et un concurrent. Après, plus il y aura d’acteurs sur ce marché, mieux ce sera pour la planète et le portefeuille des gens. Nous ne pouvons donc que nous féliciter de l’existence d’une concurrence.

Notre enjeu ici, c’est le sourcing des téléphones. Nous sommes spécialistes en télécommunications et opérateur leader en France, donc je ne vais pas vous reprendre et reconditionner un grille-pain, en revanche, on saura très bien le faire avec un téléphone, avec la meilleure expertise et expérience possibles, et la proximité des boutiques. Un point différenciant par rapport à un acteur full digital où vous ne pouvez pas aller en magasin discuter avec un vendeur qui va expertiser votre téléphone pour une reprise ou vous permettre de manipuler sur place ceux vendus en reconditionné. 

Les circuits de réparation sont encore trop peu nombreux, n’y a-t-il pas un secteur à investir (boutiques multi produits, téléviseurs, boxes, enceintes connectées, etc.) ?

Q.D. : C’est une bonne question, et absolument, même si ça reste compliqué actuellement. Darty s’y met peu à peu. Il est important d’être bon sur ce que l’on vend et que nous connaissons par cœur : les téléphones. Pourrait-on imaginer un acteur de confiance, avec des garanties, etc. ? Certainement. Mais Orange se cantonne pour le moment à la réparation de téléphones. 

Quelle est l’étape d’après, vos objectifs à horizon 2030 par exemple ?

Q.D. : Nous voyons plus loin puisque je vous ai parlé de 2040 (rires) avec le net zéro carbone et nous allons nous donner les moyens de notre ambition. Si l’on regarde la collecte des mobiles, et notre capacité à les récupérer pour des fins de recyclage ou de reconditionnement, très honnêtement, nous sommes plutôt en avance par rapport à la trajectoire. Nous aimerions bien récupérer les téléphones qui dorment encore dans les tiroirs – quelques dizaines de millions certainement. 

Là où nous pouvons faire mieux et où nous devons accélérer, c’est sur le reconditionné : nous nous sommes fixés un objectif de 10% d’ici à 2025. Certains trouveront peut-être cela peu ambitieux, mais je pense qu’on y parviendra.

Pour la réparation, cela va venir doucement, les gens n’ont pas forcément conscience qu’ils peuvent faire réparer leur téléphone chez Orange. Nous avons un travail à réaliser avec Publicis pour augmenter la notoriété de ce service et travailler sur la qualité de nos prestations pour qu’un bouche-à-oreille positif se mette en œuvre.

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