Nouvelle interview "Le confiné libéré" avec Kévin Boucaud-Victoire, Marianne.
La pandémie de Covid-19 et « Le Grand Confinement » imposent à chacun de rester chez soi, vidant au passage les entreprises du secteur de la communication. Si leur activité a été fortement bouleversée, les agences n’ont pas pour autant cessé d’œuvrer, organisant leur continuité grâce au télétravail et ses divers outils (Zoom, Teams, Hangouts et Slack pour ne citer qu’eux).
Si la question n’est désormais plus de savoir si une agence peut travailler à distance (notre émission en direct, Les enjeux – la Réclame / live Covid-19, nous a fourni la réponse), nous avons souhaité donner la parole aux travailleurs confinés, qu’ils viennent d’agences, de médias ou d’annonceurs.
Pour cette nouvelle interview “Le confiné libéré”, nous tendons le micro au métapoétique Kévin Boucaud-Victoire, rédacteur en chef de la rubrique débats & idées du magazine Marianne.
Comment travaillez-vous depuis le confinement ? Avez-vous une journée type ?
Kévin Boucaud-Victoire : Finalement, les journées ressemblent beaucoup aux journées de boulot normales. Après du sport, vers 8h30, je lis un peu et surveille l’actualité, avant de commencer ma cyber-réunion de 9h30, qui remplace celle que j’avais à la même heure à la rédaction. Vers 10h, j’entre dans le « dur » de ma journée : écriture, relectures d’articles ou de tribunes, rendus de ceux-ci, commandes de papiers, etc. Je finis en général vers 18h30-19h, avec une pause-déj d’1h-1h30. Après, mes soirées se partagent entre lectures, séries, films, apéros Skype et soirées en famille.
Les réunions en visio vous ont-elles rendu plus ponctuel ?
K.B.V. : Je l’étais déjà.
Quelle musique écoutez-vous en ce moment ?
K.B.V. : Je réécoute mes vieux classiques. Nas, Wu Tang Clan, Mobb Deep, Eminem… J’ai aussi une petite poussée d’Alain Bashung et j’apprécie le dernier son de Hugo TSR, Périmètre.
Ce qui vous manque le plus ?
K.B.V. : En ce début de printemps, je dirais le soleil. Il faut ajouter les cafés, bars ou restaurants avec les potes.
Ce que vous avez découvert pendant cette période complexe et incertaine ?
K.B.V. : Rien.
Ce que vous aimeriez conserver pour l’après ?
K.B.V. : Rien.
Votre habitude honteuse qui ne survivra pas au confinement ?
K.B.V. : Il va falloir de je m’habille à nouveau normalement, je ne pourrai plus rester en jogging.
Votre conseil pour s’adapter au mieux au confinement et télétravail ?
K.B.V. : Si quelqu’un trouve la formule magique qu’il me la donne : j’en ai besoin !
Une initiative (citoyenne, meme, GIF, vidéo, création, etc.) née depuis le confinement que vous aimeriez évoquer ?
K.B.V. : Aucune.
À la sortie du confinement, vous pariez pour une révolution écologique, une crise bien triste ou un retour au train-train quotidien ?
K.B.V. : J’aimerais une révolution écologique et sociale. Qu’on comprenne qu’on ne peut plus continuer que nos vies ne peuvent pas continuer d’être dirigées par les chiffres, le calcul froid et les algorithmes. L’accumulation de richesses matérielles n’est pas forcément un bien en soi, mais nous fragilise aussi. La division internationale du travail prose problème : non seulement elle a permis la propagation de la pandémie dans des proportions inédites et en plus nous a démunis. Nous sommes incapables de satisfaire nos propres besoins, à commencer par les besoins alimentaires, et même de fabriquer des masques et du gel hydroalcoolique ! J’espère que les services publics et les biens communs seront à nouveau valorisés, même s’ils ne sont pas économiquement rentables. Il faut que l’on comprenne définitivement que le personnel médical, les caissières ou les éboueurs – le bas de notre société – sont plus utiles que la majorité des cadres, qui passent leurs journées derrière Excel et Powerpoint, incapables de percevoir le sens de leurs actions. Enfin, j’espère qu’on retrouvera le sens de la solidarité. Malheureusement, je crains que ça soit le contraire qui se passe. La liquidation de nos acquis sociaux risque de s’accélérer. Je crains également le renforcement de l’État policier et autoritaire, ainsi que le capitalisme de surveillance, qui s’appuie sur les GAFAM et le numérique. J’ai plus largement très peur de l’extension de l’emprise du numérique dans nos vies, qui nous aliène, nous atomise – en nous rendant « seuls ensembles » – et qui a un bilan écologique catastrophique !
La lecture souvent repoussée que vous avez enfin entreprise ?
K.B.V. : J’ai enfin pu lire Aurélien de Louis Aragon : chef-d’œuvre ! Je vais bientôt passer à L’éducation sentimentale de Flaubert.
L’activité créative que vous avez entreprise pendant ce confinement ?
K.B.V. : Aucune !
Comment voyez-vous votre métier de journaliste et son secteur évoluer après cette crise ?
K.B.V. : J’espère que tout reviendra à la normale. La généralisation du télétravail et l’invasion des outils numériques seraient désastreuses.