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Le Branding expliqué à un enfant de six ans, par Luc Speisser - Landor

Le Branding expliqué à un enfant de six ans

par LUC SPEISSER, Président Landor France & Suisse

 

« Si vous ne pouvez expliquer un concept à un enfant de six ans, c’est que vous ne le comprenez pas complètement », disait Albert Einstein.

Il y a quelques temps mon fils, 9 ans – donc déjà bien au-dessus de l’âge limite fixé par ce cher Albert, me demande : « Papa, c’est quoi ton métier exactement ? »

Fatigué par une journée intense, je suis tenté d’opter pour une réponse facile et condescendante du genre « Je travaille dans un endroit qui dessine plein de choses qu’on peut acheter : par exemple les paquets de chocolat Côte d’Or ou encore le signe qu’il y a à l’avant et à l’arrière de toutes les voitures Citroën. »

Ma fierté me conduit à éviter ce raccourci caricatural et je m’entends alors lui répondre : « Je travaille pour des marques, je les rend plus fortes. »

Vous devinerez aisément la question suivante : « Papa, c’est quoi une marque ? »

Par automatisme, la première phrase qui me vient à l’esprit est la suivante : « A brand is what a firm, institution or collection of products and services stands for in the hearts and minds of its target audience(s). » Un sursaut de lucidité me rappelle que mon fils ne parle pas (encore) l’anglais. La traduction n’est pas plus convaincante : « Une marque, c’est ce qu’une entreprise, institution ou collection de produits et services veut dire à la tête et au cœur de sa (ses) cible(s). » Pas mal pour un parterre de professionnel aguerris au langage marketing, désastreux pour ma réputation auprès de mon fils.

Réduit au silence, je décide de gagner du temps : « Ce n’est pas facile à expliquer, mais laisse-moi réfléchir cinq minutes et je répondrai à ta question. »

– « D’accord. »

Au bout de 30 secondes à peine, ma cogitation effrénée est subitement interrompue par un «papa, qu’est-ce-que je peux faire en attendant ? Je m’ennuie. » Je décide de ne pas ajouter à mon premier défi un deuxième défi intitulé « comment occuper intelligemment son fils pendant cinq minutes » et lui tend mon iPhone d’un geste résigné pour le laisser finir la finale de la Champions League entre Barcelone et Chelsea sur Fifa 12 – niveau débutant, c’est meilleur pour le moral.

– « C’est bon. Tu peux arrêter de jouer. Je me lance : une marque, c’est comme une personne. »

– « Ah bon ? Alors je suis une marque ? »

– « Attends, laisse moi finir. Prends une feuille de papier et réponds à chaque question en écrivant un nombre. Première question : combien de personnes croises-tu dans une journée ? Deuxième question : de combien de personnes te souviens-tu ? Troisième question : parmi ces personnes, combien deviennent tes ami(e)s ? »

Réponse non numérisée mais très explicite à cette dernière question : « ouh la la, mais très très peu dis donc. »

– « Eh bien tu vois, pour les marques, c’est pareil, tu en croises énormément chaque jour, et tu n’en retiens que très, très peu. En fait, tu ne retiens que celles que tu aimes. Autrement dit les meilleures marques, c’est comme des amis. »

Face à un silence dont je me refuse à savoir s’il signifie révélation ou consternation, je décide d’aller plus loin.

– « Alors maintenant je vais te lire des phrases que je viens d’écrire sur une feuille de papier et tu vas me dire si tu es d’accord ou non. »

– « D’accord. »

– « Mes amis ont quelque chose de spécial. Ils sont uniques. »

– « D’accord. »

– « Mes amis me comprennent mieux que quiconque. »

– « D’accord. »

– « Mes amis, je leur fais confiance et je les respecte. »

– « D’accord. »

– « Mes amis, je connais presque tout d’eux. »

– « D’accord. »

– « Eh bien maintenant c’est simple : tu prends ma feuille de papier et tu remplaces mes amis par les marques que j’aime. Vas y. »

– « Les marques que j’aime ont quelque chose de spécial. Elles sont uniques. Les marques que j’aime me comprennent mieux que quiconque. Les marques que j’aime, je leur fais confiance et je les respecte.

Les marques que j’aime, je connais presque tout d’elles. »

– « Eh bien voilà. Tu viens de passer en revue les quatre piliers de toute marque : 1. La différence 2. La pertinence. 3. L’estime. 4. La connaissance. »

– « C’est compliqué. »

– « Cite-moi une marque que tu aimes. »

– « Ben je sais pas moi, Lego par exemple. »

– « D’accord. Est-ce-que Lego est unique ? »

– « Ben oui. »

– « En quoi ? »

– « Ben par exemple ils ont le chasseur de Dark Vador dans l’épisode quatre quand il pourchasse Luke. Tu peux le construire et après tu peux le démonter et en faire plusieurs vaisseaux différents. Ils ont pleins de trucs de Star Wars, mais aussi les Ninjagos qui sont supers. »

– « Et il y a d’autres marques qui proposent ça ? »

– « Il y a d’autres marques qui proposent des jouets Star Wars et d’autres qui proposent de construire des choses par toi-même. Mais il n’y a que Lego qui te permet de monter des vaisseaux de Star Wars pièce par pièce et d’en faire ce que tu veux après. »

– « Et ça te convient ? »

– « Ah ouais c’est super de pouvoir choisir ce qu’on veut faire. Et comme vous m’avez offert plein de Lego Star Wars je peux même prendre des pièces de l’XFighter de Luke et du chasseur de Dark Vador pour inventer un vaisseau encore plus génial. »

– « OK. Tu vois, le fait que Lego soit unique ça s’appelle la différence, et le fait que tu trouves qu’ils font des trucs qui te convienne ça s’appelle la pertinence. »

– « Ah d’accord. »

– « Et, comme ça, en passant, le fait de mettre tous tes Legos dans une même boîte ça s’appelle du bordel. »

– « Mais le bordel n’est pas un pilier. »

– « Tu comprends vite… Reprenons. Lego, tu crois ce qu’ils te racontent ? »

– « Ah oui. Je vais souvent sur leur site, je fais des jeux. Ils donnent de très bons conseils et je peux même retrouver un mode d’emploi que j’ai perdu. Ils sont super cool. »

– « Eh bien ça, c’est l’estime. Dis-moi, tu as l’air bien au courant de ce qu’ils font. »

– « Ah oui ah oui, j’adoooore lire leur catalogue. Je le connais par cœur. Et je vérifie régulièrement s’ils sortent des nouveaux personnages Ninjago. »

– « Et voilà, on vient de boucler notre tour avec le quatrième pilier- la connaissance. »

– « Super. Je peux rejouer avec ton iPhone ? »

– « Ce n’est pas fini : dis-moi pourquoi, pour Noël dernier, tu n’as commandé que des Méga-Bloks et pas du tout de Lego ? »

– « Ben parce que j’ai découvert ça en jouant au jeu vidéo Halo Wars chez mes potes. Et que j’avais envie d’avoir le Rocket Warthog et le UNSC Pelican Dropship. »

– « Plus que des nouveaux vaisseaux Star Wars ? »

– « Oui. »

– « Donc c’est un peu comme si les Méga Bloks Halo Wars était devenu ton nouvel ami, et que tu préfères ce nouvel ami à Lego ? »

– « Oui. Je trouve ça plus cool. »

– « Comment s’appelle ton meilleur ami aujourd’hui ? »

– « Ben j’en ai plusieurs. Il y a Simon, Abel, et Eliott. »

– « Et ce sont les mêmes que quand tu étais petit ? »

– « Ah non, quand j’étais petit, il y avait aussi Félix. »

– « Tu vois, là aussi, il se passe avec les marques ce qui peut se passer avec les amis. Et si je reprends notre jeu avec les phrases et qu’on remplace mon ami par cette marque, ça donne ceci : En fait mon ami/cette marque n’est plus si unique. J’ai rencontré d’autres personnes/marques qui sont même mieux (moins de différence). Mon ami/cette marque ne me comprend plus aussi bien qu’avant (moins de pertinence). Je ne suis pas sûr d’aimer mon ami/cette marque autant qu’avant (moins d’estime). C’est à peine si je me souviens du nom de cet ami/cette marque (moins de connaissance). »

– « C’est un peu triste. »

– « Pas forcément. Ça veut dire que pour garder tes amis, il faut que tu restes non seulement spécial à leurs yeux, mais aussi que tu sois attentif à eux. Et c’est pareil pour les marques. C’est vrai que ce n’est pas facile. D’abord parce qu’il y a sans cesse de nouvelles marques qui essayent d’être plus spéciales que celles qui sont déjà là. Ensuite parce que la vie fait que les gens changent, leurs goûts évoluent, et qu’il ne faut jamais arrêter de les écouter pour bien les comprendre et continuer à leur offrir ce qui leur convient. »

– « Donc c’est ça ton métier ? »

– « Exactement. C’est aider les marques qui sont là à rester différentes et pertinentes, à aider celles qui ne le sont plus à le redevenir, et à permettre à celles qui n’existent pas encore de le devenir. Quand une marque est différente et pertinente, on dit qu’elle est forte. C’est donc ça mon métier, rendre les marques plus fortes. »

– « Et comment on fait ? »

– « Ah ça, c’est une autre question que nous verrons une prochaine fois. C’est vrai que c’est plus facile à dire qu’à faire. Mais c’est aussi ce qui rend mon métier si excitant. »

– « Un peu comme une finale de Champions League sur Fifa 12 ? »

– « C’est cela, oui. Tiens, mon iPhone. »

Informations

Crédits

  • Agence : Landor
  • Type d'agence : Design / identité visuelle / packaging
  • Président Landor : Luc Speisser

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