La fin du consulting : cette nouvelle tarte à la crème !

Par Jérémy Lacoste le 02/07/2025

Temps de lecture : 5 min

De Powerpoint au Proof point.


Nous sommes ravis de retrouver Jérémy Lacoste, contributeur sur la Réclame .mark&tech. Jérémy est directeur général France de l’agence Eskimoz. C’est un expert du marketing digital, des martech et de la publicité en ligne. Il a pour grande qualité de partager chaque semaine ses analyses et observations, que ce soit sur LinkedIn, en tant qu’enseignant ou dans ses tribunes sur la Réclame.


Déjà en 2021, le vent du boulet se faisait sentir. À l’époque, Forbes titrait dans un article retentissant « la fin du conseil tel que nous l’avons connu ». En cause : une croissance atone autour des 2% pour un secteur évalué à 250 milliards de dollars. Et surtout un défi technologique majeur à adresser face à des structures plus agiles et très orientées data. 

Quatre ans plus tard, ce constat paraît encore plus pertinent. En ligne de mire évidemment : le bouleversement provoqué par l’arrivée massive de l’IA, 1ʳᵉ transformation qui touche d’abord et avant tout les cols blancs.

Sans aller dans la caricature où l’on lit çà et là que ChatGPT pourrait tout à faire remplacer un consultant du Big Four, force est d’admettre que ces plateformes ont fait baisser drastiquement les barrières à l’entrée. Et mis un terme au monopole de l’information détenu par les cabinets. Avec l’IA à portée de main, les marques peuvent :

– Avoir accès aux données marché en nombre et en robustesse pour générer des études de marché bien ficelées ; 

– Mener des analyses approfondies sur l’efficience de leurs services ; 

– Définir des modèles d’architectures organisationnelles ;

– Disposer de pléthores de recommandations stratégiques.

Résultat, pour la 1ʳᵉ fois de son histoire, McKinsey vient d’annoncer un plan de licenciement massif de 10% de son personnel. Un signal fort qui vient d’ajouter à une vague de suppression de postes commencée depuis plusieurs années si l’on en croit Business Insider.

L’IA signe-t-elle la mort des cabinets de conseil ?

De là à se demander finalement si on n’arrive pas au bout d’un cycle qui voit l’IA comme le révélateur d’un symptôme plus profond ? C’est connu : combien de boites tiennent aujourd’hui sur des budgets dont le réalisme est caduque dès le départ ? Comment d’audits externes sont immédiatement mis à côté de la corbeille une fois produits ? Parfois, les comités Théodule de la fonction publique n’ont rien à envier aux task forces perspectives du privé. Mais bon, si un PPT de 500 slides à 6 chiffres le dit, c’est que cela doit être vrai.

Pourtant, à y regarder de plus près, le monde du consulting semble sans cesse railler. Florilège non exhaustif évidemment

« Un consultant est une personne qui emprunte votre montre pour vous donner l’heure – et qui garde ensuite la montre. »

« Les consultants sont des gens qui viennent résoudre un problème que vous ne saviez pas avoir, d’une façon que vous ne comprenez pas, avec un résultat que vous ne pouvez pas mesurer. »

Une fois n’est pas coutume, Steve Job est celui qui a eu les mots les plus durs, et ce, dès 1992 : « Sans posséder une entreprise sur une longue période, disons quelques années, où l’on a l’occasion d’assumer la responsabilité de ses recommandations, où l’on doit les suivre à travers toutes les étapes d’action, accumuler des cicatrices pour les erreurs commises, se relever après une chute et se remettre en route, on n’apprend qu’une fraction de ce que l’on devrait connaître. Vous arrivez, vous faites des recommandations sans en assumer les résultats. »

Car après tout, si on pousse le raisonnement à l’absurde : le consultant a-t-il un intérêt stratégique à faire en sorte que le problème sur lequel il intervient soit résolu rapidement au risque de voir sa mission s’arrêter ? Dans une logique purement économique, il aurait intérêt à trouver le juste arbitrage pour créer assez de complexité afin de se rendre indispensable.

Pourtant, croire que les cabinets de consulting sont condamnés au déclin, c’est faire fausse route. Penser que c’est l’IA qui les achèvera, c’est se mettre le doigt dans l’œil. Ou en tout cas ne pas comprendre (ou faire semblant) que leur intervention ne se limite pas à la production parodique de decks de slides. Et qu’ils servent aussi de tiers de confiance ; d’opérateur pour faire bouger les lignes dans des organisations complexes ; d’accélérateur pour ouvrir de nouveaux marchés ; d’aiguilleur pour le off-market ; de sponsor pour opérer des pivots stratégiques et d’entremetteurs.

Sortir par le haut

5 pistes à explorer pour permettre au consulting de sortir par le haut de cette mauvaise passe. Un sujet qui me touche directement, car avec Eskimoz, nous sommes évidemment en plein dans ce marché

– Passer de Powerpoint au Proof point : revenir à l’opérationnel si injustement dévalué. « La stratégie est une commodité, et l’exécution un art » comme le dit Peter Drucker. Un bon modèle est celui qui fonctionne réellement et pas dans un fichier Excel. S’éloigner donc de la théorie pour prendre la tangente de l’action.

– S’associer au succès : « Il a les mains pures, mais il n’a pas de main » disait Kant. Manière de dire que c’est assez facile d’avoir des grands principes quand on n’est pas concerné par le sujet. Hier le consultant vendait des modèles, demain, il vendra du résultat. Et associera sa rémunération à la performance de ses actions. Skin in the game donc.

– Ralentir : ou s’ancrer. C’est contre-intuitif avec les dynamiques actuelles, mais il faut laisser du temps au temps. Et éviter les missions commandos de trois mois qui ressemblent surtout à des missions kamikazes. La meilleure façon d’aider son cabinet à réussir sa mission est de l’inscrire dans une relation longue.

– La tech et l’humain : tout est dans le titre. Les cabinets qui ont le vent en poupe sont ceux qui ont fait le pari tôt de s’outiller afin de proposer une efficacité opérationnelle. La tête avec les consultants, et les bras avec l’appareillage technologique créé. De quoi créer de l’adhérence.

– La marque : c’est peut-être l’actif le plus important pour les cabinets. Une signature qui a gage de sérieux et permet de se distinguer de la masse. Mais au-delà, c’est toute l’expérience client qui faut aligner sur des standards hauts. Et réussir ce que quelques marques ont cracké : construire des communautés, des relais, des ambassadeurs, des happy fews… qui consomment, relayent, propulsent l’expertise produite.

Vaste défi pour nous tous !

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