Un succès pas si ''innocent'' que ça ?
Au-delà des boissons saines et délicieuses qu’Innocent propose, il semblerait que la réussite de la marque provienne d’une stratégie basée sur la spontanéité, qui se décline de ses packs jusqu’aux réseaux sociaux en passant par des supports plus traditionnels comme la TV ou l’affichage. Pour tenter de décoder « la recette secrète » d’Innocent, nous avons rendez-vous avec Sophie Bodin, directrice marketing et digital d’Innocent France depuis 2007 (et elle ne s’en lasse pas !)
Quels sont aujourd’hui les principaux enjeux de la marque Innocent ?
D’un point de vue marketing, notre principal enjeu est celui de la pénétration. Nous sommes une marque qui grandit mais qui reste petite. Le second, est un enjeu de communication : pour émerger et passer de faire connaître à donner envie d’essayer, il faut le faire de manière différentiante et engageante.
Quelles sont vos parts de marché ?
Les smoothies représentent notre premier marché. Pourtant, nous n’avons pas commencé en tant que leader. En 2008 nous n’avions que 20% de PDM environ. Aujourd’hui, Innocent représente 80% des PDM des smoothies en France. Nous sommes devenus la marque référente de ce segment.
Ensuite, sur le marché des jus de fruits frais, nos parts s’élèvent à 16,7 %. Ce qui représente une très belle percée en ayant commencé à attaquer ce marché il y a 3 ans seulement.
Les eaux de cocos constituent notre dernier marché… Mais celui-ci démarre fort ! Aujourd’hui, nous en sommes le 2e acteur avec 28% des PDM selon les dernières données Nielsen.
Sur quels supports communiquez-vous ? Comment sont répartis – dans les grandes lignes – vos investissements médias ?
La notion de point de contact avec les consommateurs est clé pour nous, de façon très littérale.
Notre 1er point de contact provient de nos packagings. Ils ont toujours été notre premier média, de nos débuts en tant que startup jusqu’à aujourd’hui. Le pack est un média très proche, presque intime et il est particulièrement adapté au ton de la marque, à cette communication 1to1 que l’on retrouve aussi dans notre community management.
En terme de médias plus classiques et en lien avec nos enjeux de pénétration : la télévision. Il s’agit de notre plus grand pôle d’investissement. Nous utilisons également de l’affichage pour sa force et son impact et son maillage très intéressant dans les grandes villes. Lorsque nous lançons une activation média en télévision, nous avons une logique multiscreen. On réserve entre 10 et 20% à la partie online.
Le digital constitue une petite partie de nos investissements étant donné que notre présence sur les réseaux sociaux génère énormément d’engagement et d’interactions, ce qui génère de la diffusion organique.
Comment travaillez-vous le storytelling et le ton de la marque ?
Notre ton de marque est naturel et cultive la proximité : on ne s’adresse pas à une foule. Nous sommes conscients de la place que peuvent représenter les marques dans la vie des gens.
Pour parvenir à ce ton authentique, les RH sont clés : nous travaillons uniquement avec des personnes qui partagent les valeurs de la marque. Ensuite, tout s’enchaîne : l’essentiel de nos contenus provient de nos équipes, de leur vécu, de leur humour. Par exemple, sur nos étiquettes il y a marqué “Secouez avant ouverture, pas après”. Ce message fait suite à une anecdote de la vraie vie : Jon (ndlr : l’un des fondateurs d’Innocent) était dans la voiture, il parlait, a ouvert son smoothie, l’a agité après et s’en est mis partout. Autre exemple : les bonnets sur les bouteilles. L’opération est issue d’une idée d’un employé. De supers produits, de vraies valeurs, et des personnes à l’âme d’entrepreneurs en interne, c’est cela qui crée des histoires et des initiatives. Et comme nous étions « une marque sociale avant les réseaux sociaux », nous avons à coeur de raconter et de partager ce que nous faisons. C’est pour cette raison que je n’apprécie pas le terme storytelling. Nous ne cherchons pas à trouver des choses à raconter, nous les vivons. Et si ces expériences correspondent bien à nos valeurs et qu’elles peuvent faire sourire notre public, nous communiquons.
Avec quelles agences travaillez-vous en France ?
Nous avons un mode de fonctionnement assez atypique. Pour la campagne compliment, nous avons travaillé avec l’agence Rosbeef! et pour l’opération #cestpartimoncoco avec Spoka. Actuellement, nous travaillons sur une nouvelle campagne qui va sortir très prochainement… Sur celle-ci, nous avons travaillé moitié en interne (ndlr : avec une équipe créative chez Innocent) et l’autre moitié a été exécutée et mise en musique par Eric Delmotte (réalisateur ayant déjà collaboré avec la marque pour la campagne TV 2008 et à l’origine des affiches de Paris Jus t’aime) et la maison de production i-réel. Nous avons aussi renouvelé notre partenariat avec l’agence événementielle Intervalles pour notre 2e Summer Tour.
[CONCOURS]
Il fait chaud. Du coup, on a décidé de vous livrer de l'eau de coco avec @Deliveroo_FR #CEstPartiMonCoco pic.twitter.com/Oayy5AVagA
— innocent France (@innocent_Fr) 14 septembre 2016
Quelle est la stratégie d’Innocent sur les réseaux sociaux ? Quels objectifs vous êtes-vous fixés sur ces canaux ?
Sur les réseaux sociaux, nous avons 2 objectifs principaux : toujours celui de la pénétration en faisant connaître la marque au plus grand nombre. Et celui de l’engagement, de la proximité. Pour les réaliser, nous partageons avec notre “famille” en leur (re)donnant le sourire et nous les alimentons sur les actualités de la marque.
Notre community management est géré en interne par une « dream team » communication. Adrien est notre community manager de talent, aussi en charge de projets digitaux et de bons nombres de messages sur les packs.
Quels sont les facteurs clés pour susciter autant d’engouement et d‘interaction avec votre communauté ?
Une vraie authenticité et une relation one-to-one. Lorsqu’une personne appelle le « banana phone » – la ligne directe consommateurs d’Innocent – l’un de nos employés au hasard, décroche et bavarde avec elle. Il n’y a pas un interlocuteur dédié à ce poste. Idem, lorsque nous faisons visiter nos locaux, la halle aux fruits, personne n’est préposé à cette tâche. N’importe quel membre de l’équipe sera capable de présenter Innocent. Ça ne peut fonctionner que parce que c’est vrai !
Pensez-vous que vos engagements environnementaux, caritatifs et éthiques contribuent à cet engouement, et sur la perception de votre marque par le public ? Et si oui, à quelle hauteur ?
Beaucoup de consommateurs ne sont pas conscients de nos engagements. Pour ceux qu’ils le sont, il est évidemment que ces valeurs renforcent l’engouement. Lorsque les gens réalisent que nous menons des actions concrètes et factuelles, cela les lie encore plus à la marque. Cependant, nous avons encore beaucoup à faire pour partager nos différentes initiatives et passer en termes de perception d’une marque sympa à une marque sympa qui de surcroît qui s’engage au quotidien, ce que nous sommes.
Parlez-nous de la campagne #boncommeuncompliment… Quels ont été les résultats de la campagne ?
Cette campagne a généré plus de 1M d’interactions de la part des consommateurs (likes, messages, etc.) En tant que communicants l’un des enjeux principaux est de réussir à faire de la “scalability” et de l’amplification pour nos campagnes, afin qu’elles puisent toucher un grand nombre de personnes et rayonner au-delà des interactions physiques. Notre concept #boncommeuncompliment est inscrit dans l’ADN et les valeurs de la marque. En périodes difficiles, nous nous sommes rendu compte que le ton de la marque apportait le sourire. Tout l’enjeu était de réussir à faire en sorte qu’elle touche un maximum de personnes, dans les deux sens du terme. C’était plaisant d’avoir totalement confiance dans le dispositif et la mécanique de la campagne avant même qu’elle soit lancée. Ce qui est également gratifiant dans ce type de campagnes, ce sont les retours informels que les gens postent sur les réseaux sociaux (demande en mariage, drague…). Nous avons de vraies interactions avec les gens, dans leur quotidien : ce qui est relativement rare pour une marque. Nous avons aussi fait cette campagne en interne, nous avons demandé à chacun de s’écrire un petit compliment sur un mug. J’ai eu droit à un sympathique “Tu es au marketing ce que Zlatan est au PSG” !
Pouvez-vous nous donner un aperçu de votre prochaine campagne ?
Notre prochaine campagne sera dédiée à nos nouvelles bouteilles transparentes de smoothies : la grande bouteille va ressembler à la petite. Nous nous sommes dit que c’était un excellent moment pour recommuniquer sur cette gamme et l’inscrire dans un moment de consommation : celui du petit-déjeuner. Il s’agit du 1er moment de consommation pour les jus de fruits et les smoothies.
Et pour finir, auriez-vous un conseil à donner pour que la relation agence-annonceur soit une réussite ?
Lorsque cela fonctionne bien, nous avons le sentiment de former une seule équipe qui partage les mêmes valeurs. La relation agence / annonceur ne doit pas être ressentie. Pour réussir, nous devons avoir le même engagement et la même transparence. C’est également ce que nous visons avec les gens qui nous rejoignent en interne.