En octobre, SNCF a surpris lançant une ''Social Room’' d'ampleur : 12 personnes réagissant 7 jours sur 7 aux 60 000 sollicitations mensuelles que la marque reçoit sur les médias sociaux.
Quelles sont les clés de succès de ce projet ? La Social Room est-elle en train de transformer l’entreprise ? Pour y répondre, nous donnons la parole à Béatrice Chavanel, directrice de la marque et de la communication externe.
Quels étaient les enjeux de la marque SNCF sur les médias sociaux avant de lancer votre Social Room ?
Béatrice Chavanel : SNCF avait jusqu’alors une présence sur les médias sociaux plutôt limitée en termes de conversation. Une personne était en charge du compte Twitter corporate, une autre de la page Facebook, et une équipe était en charge de l’infotrafic.
Or nous recevons en moyenne 60 000 sollicitations par mois sur les médias sociaux. Et SNCF est l’entreprise la plus médiatisée en France, avec un écho parfois négatif… Toutes nos communications sont très observées, commentées, et ont un impact certain sur l’entreprise. Nous aurions pu en rester là, de façon très prudente, et réagir uniquement en mode service client sur les réseaux sociaux. Mais nous étions convaincus qu’apporter davantage de conversation nous permettrait de “twister” la tonalité des messages qui nous sont adressés, et de la rendre plus positive en engageant davantage la communauté et notre marque.
Comment avez-vous lancé votre Social Room ?
BC : Nous avons lancé en mai 2015 la campagne multicanal SNCF 24/24 relatant en quasi temps réel le quotidien des agents SNCF. 100 contenus tournés le matin, montés dans la journée et diffusés le soir même en TV et en digital.
Cette campagne était soutenue par un dispositif réseaux sociaux lui aussi orienté temps réel. Face au succès de la campagne nous avons pris la décision de décliner cette approche real time 7 jours sur 7 de 7h à 22h avec notre Social Room, lancée en mars dernier.
Quels sont les objectifs de votre Social Room ?
BC : Nous avons 2 grands objectifs :
Le 1er est de générer un impact positif sur les conversations avec tous les publics. Sur une prise de parole lambda, nous avions jusqu’alors 15 à 20% d’expression négative, 5% de positif, le reste neutre. Avec une approche plus conversationnelle et des contenus plus adaptés (issus de campagnes dédiées ou d’informations liées au patrimoine) les proportions s’inversent instantanément : 15 à 20% de feedbacks positifs, 5% de négatif, le reste neutre (la part de négatif étant en général davantage lié aux plaintes liées aux trajets plutôt qu’à nos contenus).
Le 2nd objectif est faire croître de façon naturelle notre communauté. Nous gagnons en moyenne 5000 abonnés par mois sur Twitter. Et nous comptons accroître ce potentiel à terme.
Avez-vous fait appel à une agence ou uniquement à l’interne pour votre Social Room ? Quels profils la composent ?
BC : Ici Barbès est en charge de notre Social Room. Leur équipe dédiée est présente chez nous, dans une Social Room qui n’est pas pour autant une enclave : une équipe SNCF fait en permanence le lien entre la Social Room et les activités du groupe. Ce qui permet de remonter les sujets d’actualité ainsi que des contenus liés au patrimoine, qui sont des piliers de notre stratégie éditoriale.
Douze personnes environ travaillent dans la Social Room, mais ils n’y sont jamais tous en même temps étant donné que nous interagissons avec la communauté 7 jours sur 7, de 7h à 22h. Deux tiers des métiers sont dédiés aux réseaux sociaux (community manager, analystes, DA, stratégistes), un petit tiers constitue l’équipe de liaison avec l’ensemble du groupe.
La Social Room est un véritable lieu chez nous, qui a vocation à devenir un lieu de formation pour les collaborateurs SNCF. Ce n’est pas juste un lieu d’expertise des réseaux sociaux. L’objectif est de former à terme différents collaborateurs du groupe, pour qu’ils deviennent des ambassadeurs. Ce qui décuplera la puissance de notre Social Room à leur niveau.
Quels sont les types de conversations traitées par la Social Room ?
BC : Une des clés du succès de la Social Room est d’avoir un unique fil @SNCF sur les médias sociaux. Et cela pour 3 grandes familles de sollicitation :
– L’infotrafic qui est géré par une équipe spécialisée (en dehors de la Social Room)
– La relation client, elle aussi dédiée par une équipe à part
– La conversation, notamment autour de nos contenus éditoriaux
L’infotrafic et la relation client représentent environ 60% des échanges, et la conversation 40%.
La Social Room contribue-t-elle à changer la perception de la marque SNCF ?
BC : Nous n’avons pas encore de données concernant l’impact de la Social Room sur la marque. Cependant la marque SNCF en grand est tellement installée qu’il faudrait être très très fort pour parvenir à bouger les lignes ! En revanche nous observons une vraie notoriété autour de notre disponibilité sur les réseaux sociaux, et une reconnaissance par les publics et la profession que nous sommes vraiment “helpful”.
Comment gère-t-on une telle réactivité en tant que dircom ?
BC : Nous avons maintenant 9 mois d’historique sur la Social Room. Et Ici Barbès nous avait déjà accompagnés pour SNCF 24/24. L’organisation autour du temps réel est désormais bien installée avec un pool important de contenus, une revue hebdomadaire de l’éditorial, et l’essentiel de la conversation en autonomie pour l’équipe de la Social Room. Et lors d’une crise, nous mettons en place des dispositifs d’accompagnement plus poussés. Et dans ce cas, je passe plus de temps à la Social Room que dans mon bureau.
Justement, la Social Room a-t-elle déjà géré une crise ?
BC : Nous connaissons des pics d’activité positifs ou négatifs.
Un pic négatif a par exemple été traité lors du reportage chargé d’Envoyé Spécial sur la sécurité du réseau. Nous avons alors mis en place un dispositif de crise, en argumentant de façon très réactive sur un certain nombre de points. Il était clé de rétablir rapidement certaines vérités, sur des sujets très techniques.
En positif, l’opération #DemandezAuCM au mois d’octobre. Nous avons attendu que la Social Room soit bien rodée afin de communiquer autour de celle-ci, car tout ce que nous faisons prend des proportions importantes. On attend donc d’être rodé. Le but de cette opération était de au montrer public que nous étions présents et disponibles chaque jour de 7h à 22h. Pour cela nous avons proposé au public de tester la réactivité de nos community managers et la qualité de nos réponses. 7000 tweets ont été générés dans la journée.
Qu’est-ce qui vous a surpris depuis le début de la Social Room?
BC : Un des grands enseignements est que le public est demandeur de mieux connaître la SNCF. Et cette appétence va au-delà des fans de chemin de fer. Les gens s’intéressent à plein de sujets qui nous concernent : le patrimoine, l’innovation, les métiers, le service client… Peu de marques peuvent se targuer d’intéresser le public sur autant de sujets. Il est donc clé pour nous de fournir l’image la plus complète possible de ce que l’on fait et de ce que l’on est.
Un autre enseignement est que le parti pris du fil unique @SNCF implique une unité de ton, quelles que soient la demande et la nature des échanges. En plus de mettre en phase chaque question avec le bon expert, il est important de proposer la bonne “social voice”. Par exemple, quand un client nous pose une question sur l’infotrafic, puis ensuite sur l’aménagement des trains, il y aura potentiellement un changement d’interlocuteur. Or celui-ci ne doit pas être perceptible par le client.
Comment voyez-vous la Social Room évoluer dans les mois qui viennent ?
BC : En bien ! La Social Room est dimensionnée pour accroître notre présence sur les réseaux sociaux et gérer encore plus de conversations.
Une autre ambition pour le 1er semestre 2017 est d’utiliser la Social Room comme un catalyseur des potentiels interne, en formant au programme ambassadeurs. Nous avons 160 000 collaborateurs. Cela ne représentera pas nécessairement 160 000 ambassadeurs demain, mais tout de même un sacré potentiel en termes de représentation de la marque !
Et pour finir, auriez-vous un conseil pour que la relation annonceur – agence soit une réussite ?
BC : Je donne toujours le même conseil : il est clé de bien partager ses enjeux avec son agence. Quand on a passé beaucoup de temps sur le brief, la réponse de l’agence est toujours pertinente.