« Le vaccin va relancer le désir émoussé par la contrainte »

Par Élodie C. le 22/02/2021 - Agence : ici Barbès

Temps de lecture : 7 min

Laurence Vignon, ici Barbès, est l’Antécrise de la semaine !

Alors que les Alpes-Maritimes se confinent partiellement le week-end et que près de 2 % des Français ont été vaccinés, la Réclame entend combattre la morosité ambiante avec sa rubrique : L’Antécrise.

Dans cette série d’interviews, nous donnons la parole à des dirigeant(es) couvre-feuté(e)s d’agences, de marques, d’associations professionnelles, de régies, et d’adtech. Le but ? Impulser une énergie positive pendant cette période complexe. Nous nous interrogerons sur comment garder le moral à titre personnel, comment rassurer son équipe en tant que manager, et comment transmettre de l’optimisme à ses clients (tout en vendant quelques projets, cela va de soi). On le sait, au-delà de la dramatique crise sanitaire en cours, avoir confiance dans l’avenir, dépenser, investir… est clé pour traverser ces turbulences et limiter la casse économique.

Laurence Vignon, vice-présidente de l’agence indépendante ici Barbès (après son départ du groupe TBWA en septembre 2018, NDLR) nous répond aujourd’hui dans cette nouvelle interview Antécrise.

Comment gardez-vous le moral en ce moment ? Est-ce que cela vous arrive d’être découragée ?

Laurence Vignon : Je garde le moral, c’est dans mon tempérament. C’est toujours l’histoire du verre à moitié plein et à moitié vide. Il faut aller chercher les choses positives. Je parviens à garder le moral, car je suis très bien entourée. Nous sommes dans un métier où les idées nous font avancer. Les idées sont forcément projectives, elles s’inscrivent dans un avenir, cela aide beaucoup.

Est-ce que ça m’arrive d’être déprimée ? Oui, de temps en temps. On a beaucoup utilisé le mot résilience, mais je ne trouve pas qu’on soit résilients : la résilience est un phénomène qui survient une fois le choc encaissé, et nous le subissons toujours un peu. On navigue et on se pose beaucoup de questions. Ce sentiment d’incertitude peut provoquer du découragement : en septembre dernier, on apercevait la possibilité d’une reprise, là nous avons du mal à voir la fin. La période de sidération a laissé place à celle de la lassitude. Cela vaut évidemment pour les équipes, ce moment qui s’installe et cette distanciation qui se prolonge créent une forme de petite déprime.

Justement, comment parvenez-vous à transmettre de l’énergie positive à votre équipe en tant que manager ? L’avenir étant toujours incertain.

L.V. : Demander aux gens d’être positif ne se décrète pas. En tant que manager, c’est difficile de sonder personnellement et individuellement le moral de chacun des collaborateurs ou individus qui composent le collectif. Autant d’individus et de situations personnelles – avec enfants, seule, jeune, moins jeune, etc. – peuvent créer des environnements très différents. Si nous ne pouvons pas décréter que tout le monde va bien, nous pouvons faire tous les efforts possibles, avec notre conviction chevillée au corps, pour transmettre du positif aux équipes, leur faire comprendre qu’ils sont au bon endroit, avec les bonnes personnes dans un contexte attentif et solidaire (même si c’est un mot un peu galvaudé aujourd’hui).

Communiquer le plus possible les uns avec les autres permet de rester à l’écoute. Il est nécessaire de fédérer les collaborateurs autour de projets d’agence, pour insuffler du souffle et de l’énergie. Une énergie collective que l’on attrape partout où elle se trouve. Par exemple, chez ici Barbès, nous avons mené un fil rouge autour des femmes, avec #LesFillesSontSurprenantes qui regroupe un volet interne sur Instagram sous forme de portraits, et une newsletter.

Qui dit crise, dit décisions difficiles à prendre, notamment d’un point de vue RH. Comment s’y prépare-t-on en tant que dirigeant ?

L.V. : Ce n’est jamais évident. Je suis très attachée au quotidien, à l’énergie, la force du collectif et à la solidarité. Je passe beaucoup d’appels et tente de revenir le plus possible auprès des équipes. J’ai la chance d’être entourée d’un directeur général et d’un président qui ont la qualité d’être complémentaires, dans l’anticipation et la vision à moyen terme. Cela permet d’éviter de toucher le plus possible aux équipes et aux talents. Pour se faire, nous utilisons au maximum les dispositifs mis en place par l’État depuis le début de la crise qui peuvent nous permettre de compenser le contexte économique difficile (avec l’activité partielle longue durée – APLD), mais aussi de nous projeter sur les charges de travail à venir.

Ce sont de beaux dispositifs de soutien et nous faisons preuve de la plus grande éthique possible dans l’utilisation de cet argent public : une personne en activité partielle ne travaille jamais les journées off (comme cela a pu être dénoncé par ailleurs).

Il s’agit d’être dans l’anticipation pour ne pas prendre de décisions difficiles. Avec, peut-être pour nous, cette difficulté supplémentaire : depuis deux ans, ici Barbès est une agence indépendante, après un long parcours dans un groupe de communication avec des actionnaires solides. Forcément, c’est compliqué de se retrouver à nouveau dans la situation d’être quelque peu livrés à nous-mêmes, mais dans un contexte totalement différent aujourd’hui. C’est aussi un atout, car les décisions sont prises plus rapidement en restant attachées à des valeurs entrepreneuriales.

Vous avez des clients très différents et diversement touchés par la crise liée à la pandémie. Comment trouver le ton juste pour les inciter à poursuivre leurs prises de parole ?

L.V. : D’une manière générale, la majeure partie de nos clients, à quelques exceptions près, naviguent dans les secteurs de « l’intérêt général » : santé, mutualisme, etc. Nos clients sont là pour montrer l’intérêt qu’ils portent à l’humain, à la solidarité, c’est dans leur ADN. Ce n’est donc pas très compliqué de communiquer, c’est même presque encore moins compliqué maintenant. Pour les clients qui ont déjà cet ADN, nous pouvons leur dire d’être un peu plus audacieux. Les éléments de langage de ces marques-là sont presque devenus des éléments de langage commun à tous face à la crise, il ne faut donc pas hésiter à aller plus loin.

La crise a fait monter au premier rang des préoccupations des citoyens, la santé, le « care » pour soi et les autres, c’est une notion préexistante chez certains de nos clients, mais qu’ils hésitent désormais à utiliser tellement elle est employée actuellement. Cela nous donne un levier supplémentaire pour les conseiller dans la réinvention de leur communication afin qu’ils parviennent à se distinguer, chacun avec ses forces, et les faire s’inscrire dans le domaine de la transformation.

La communication a-t-elle un rôle à jouer face à la crise sanitaire ?

L.V. : Globalement, la communication, dans ce qu’elle peut générer en termes de réflexion sur le vivre ensemble et les sujets sur lesquels il est nécessaire d’être attentifs a un rôle à jouer. On le voit, même si ce n’est pas à la faveur de la crise, sur les sujets concernant la mixité, la diversité, le développement durable et la manière de les porter pour les agences en étant soi-même exemplaire dessus. Ces sujets étaient déjà dans les tuyaux et le sont plus que jamais. La crise a beaucoup interrogé, chahuté et rendu plus exigeant et urgent un certain nombre de sujets, c’est le rôle de la communication de les faire siens.

La mise à disposition des vaccins contre le Covid-19 change-t-elle les perspectives de sortie de crise économique ? On imagine que cela permet aussi bien aux entreprises qu’aux individus de se projeter un peu plus…

L.V. : On se positionne tous individuellement par rapport aux vaccins et le fait de le recevoir. Collectivement, j’ai grand espoir que ce vaccin permette à chacun, au fur et à mesure de son déploiement, de sortir de son petit trou de souris, que ce soit son appartement dans lequel on n’a jamais passé autant de temps, ou dans sa vie sociale dont on a eu à nouveau un bref aperçu cet été et à Noël.

Le fait de se remettre en marche ensemble dans un lien social et la possibilité de se côtoyer rend le vaccin plein d’espoir. Il va évidemment remettre en marche la machine économique s’il nous permet de retrouver les salles de cinéma, d’aller au restaurant, à un événement, etc. Cela va relancer le désir. Le désir est moteur, mais il a malheureusement été émoussé par la contrainte.

Vos trois valeurs pour affronter les prochains mois ?

L.V. : Le courage : c’est l’une des valeurs que j’aime transmettre aux autres. Le respect : par le respect, j’entends mieux s’écouter les uns les autres. On parle beaucoup, mais on ne s’écoute pas assez. Et enfin, l’optimisme.

Ce sont des valeurs que l’on essaie de faire vivre à l’agence. Ces trois mots-là sont aussi les mots du collectif, de sa volonté de produire, d’exigence et de se tourner vers l’autre au moindre doute.

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