Comme chaque mois dans parole d’annonceur, un annonceur est invité à dévoiler les secrets d’une campagne, de sa communication ainsi que sa vision de la marque.
Après avoir uniformisé en janvier sa stratégie de communication globale, Coca-Cola s’apprête à disputer un nouveau match : celui de sa présence marketing lors de l’UEFA Euro 2016. Comment une marque avec autant de bouteille peut-elle continuer à se renouveler 130 ans après sa création, notamment dans un environnement digital en constante évolution ? Céline Bouvier, directrice marketing de Coca-Cola France, nous dévoile la recette à suivre.
Pourquoi et comment Coca-Cola a entamé une unification de ses produits et de sa communication à travers le monde ?
Depuis 2009 notre stratégie de communication était positionnée sur les valeurs portées par la marque, c’est-à-dire principalement le bonheur. Le grand changement a été cette année d’ajouter aux valeurs une communication sur les bénéfices produit. Quels sont ces bénéfices produits ? Coca-Cola est une boisson qui a un goût unique et extraordinaire, consommée par 8 français sur 10. C’est un produit qui plaît au plus grand nombre parce qu’il est particulier, fédérateur, rafraîchissant. Des arguments qu’il est important de rappeler à travers notre communication. La stratégie de la marque unique a commencé en 2015 et se confirme maintenant au niveau global. Nos consommateurs sont en attente de plus de choix, depuis la création de Coca-Cola en 1886 un certain nombre de produits ont été lancés (Light en 1982, Life en 2014). Plutôt que de positionner chacune de ces propositions comme une marque à part entière nous avons choisi de les rassembler derrière la marque Coca-Cola. Cette nouvelle structure est un des fondamentaux de notre stratégie : d’abord nous créons du lien autour de la marque Coca-Cola, puis dans un second temps nous communiquons sur les différents produits.
Quels sont les principaux enjeux de la communication de Coca-Cola en France ?
Pour donner un peu de perspective, 2016 est une année assez exceptionnelle en France pour Coca-Cola. Pour rappel, c’est à Paris que la nouvelle stratégie de marque a été lancée en janvier dernier.
L’enjeu principal est de permettre à l’ensemble des générations de redécouvrir Coca-Cola. D’abord en tant que marque unique puis comme produits. Notre rôle est d’enrichir le lien avec le consommateur sur ces deux niveaux. Pour cela, nous avons opéré un grand changement dans notre approche publicitaire : nous communiquons à valeur égale sur les valeurs de la marque et sur les bénéfices produits.
L’enjeu qui en découle est la capacité à structurer le choix des différentes déclinaisons du soda original pour permettre à la seule marque qui intéresse le consommateur, Coca-Cola, d’exister.
Le dernier volet est lié aux médias : comment continuer à rester leader dans un environnement digital ? Comment exploiter pleinement les possibilités que ce type de supports offre pour communiquer au mieux avec nos audiences ? Il est bon de rappeler que les nouveaux usages sont toujours en avance sur les marques, voire même sur les plateformes digitales elles-mêmes. Nous nous devons de réagir à ces évolutions.
Les attentes des consommateurs de soda ont-elles évolué ces dernières années en France ?
Grâce à l’évaluation de la cible qui permet d’analyser l’évolution de ses attentes, nous nous sommes rendus comptes que Coca-Cola représentait une opportunité exceptionnelle auprès des adultes à la recherche d’expériences gustatives particulières, ce qui nous a poussés à répondre à deux de leurs demandes. D’une part le choix, non pas seulement du point de la variété mais surtout de la pertinence, avec par exemple le lancement de Finley en 2014. De l’autre la naturalité, avec la volonté de consommer une boisson avec moins de sucre et des ingrédients d’origine naturelle, qui s’est traduite par la sortie du Coca-Cola Life à la stevia en 2015.
En matière de communication, les consommateurs expriment également une attente : la capacité à interagir. Nous sommes passés d’une époque où les marques développaient des campagnes à une époque où nous soumettons des expériences de communication au consommateur qui peut participer, soit en interagissant, soit en co-créant. C’est ce que nous avons expérimenté notamment lors du lancement de la campagne « Savoure l’instant » avec les gifs personnalisables qui ont fait que les consommateurs se sont appropriés la campagne. Nous réfléchissons systématiquement dans nos prises de parole à comment permettre au consommateur d’être acteur de notre communication. Nous répondons à ses attentes, mais étoffons aussi nos innovations en fonction des usages. Ainsi pour l’Euro 2016 nous proposerons, grâce à un partenariat avec Snapchat, des filtres personnalisés.
Quelles ont été les clés pour fédérer une communauté aussi importante sur Facebook ou Twitter (197k abonnés) ?La première chose est que nous avons pris le train à son démarrage, dès l’arrivée et même parfois avant l’arrivée des grands acteurs sociaux en France. Coca-Cola a notamment été la première marque en France à travailler avec Facebook. C’est pourquoi nous estimons qu’il est trompeur de parler de virage digital : en France, nous avons commencé à travailler sur le digital dès 2002, donc si c’était un virage on aurait la tête qui tourne depuis le temps qu’on l’a pris ! Le digital est notre quotidien depuis déjà quelques années, il nous permet de développer de nouveaux usages, de nouvelles applications dont le consommateur est le premier utilisateur.
Selon nous, l’expérimentation est la posture la plus importante sur le digital. Commencer tôt nous a appris ce qui est pertinent dans la communication digitale. Nous nous sommes entourés des meilleurs experts (Facebook, Twitter, Instagram…) pour comprendre comment créer des communautés en ligne. En effet, le digital n’est pas un média mais une galaxie de médias, un ensemble d’endroits dans lequel le consommateur vient pour une raison fixe et précise. Être capable de réagir dans cet environnement, c’est travailler sur l’intégralité de ces planètes et ainsi parler à l’ensemble des consommateurs de Coca-Cola.
Nous avons également vite pris en compte l’interaction, en mettant en place la co-création, en créant notamment un centre dédié dans les locaux de Coca-Cola. Mais surtout en se donnant les moyens de la favoriser, c’est-à-dire en étant réactifs, au rythme de nos consommateurs.
Avec quelles agences Coca-Cola collabore en France ?Starcom est l’agence conseil et média référente en France. Ogilvy s’occupe de la partie social media et des contenus. Point essentiel, nous travaillons également en direct avec tous les principaux acteurs du digital, dont Snapchat dernièrement. Ces échanges permanents sont nécessaires pour nous assurer que nous sommes en amont des expérimentations, afin d’apprendre pour ensuite appliquer de nouveaux formats. Au-delà des médias sociaux, il est aussi important pour nous de travailler avec les médias notamment sur les centres d’intérêt. Ainsi Coca-Cola a également recours à des formats publicitaires natifs, grâce à la création de verticales de contenus sur Melty pour les sujets lifestyle et sur Konbini pour le thème du football.
Comment sont répartis les investissements média en France ?L’approche varie suivant les années, et auparavant suivant les marques Coca-Cola mises en avant. Le mot-clé est néanmoins toujours la complémentarité des médias : malgré la montée en puissance du digital, on cumule les prises de parole en affichage, télévision et cinéma. Le digital représente aujourd’hui 30% des investissements de Coca-Cola, c’est un média majeur pour chaque marque mais toujours complémentaire des autres médias. Nous recherchons à travers nos campagnes média à la fois l’engagement du digital mais aussi le reach des médias dits classiques.
Quels sont les défis et les attentes de Coca-Cola vis-à-vis de l’Euro 2016 ?Chez Coca-Cola, nous envisageons l’Euro de football comme un catalyseur. C’est une fête populaire, festive, où chacun sera guidé par ses émotions et dont Coca-Cola ambitionne d’enrichir l’expérience. Associée à ce genre d’évènement depuis sa création, Coca-Cola a sa place car c’est une boisson festive, la marque est donc légitime. C’est aussi l’occasion pour nous d’installer des innovations qui dureront et de renouveler notre savoir-faire marketing. Nous considérons qu’il y aura pour nous un avant et un après l’Euro.
Notre ambition est de valoriser au mieux cette présence en apportant des innovations qui rendront ces moments encore plus intenses. Par exemple, Coca-Cola a conclu un partenariat avec Panini, pour offrir 140 millions de stickers sur ses bouteilles d’1,5L. Une app mobile a été développée en parallèle pour collectionner des stickers, cette fois-ci virtuels. En scannant un produit Coca-Cola, il sera possible de débloquer des contenus additionnels, de cette façon le produit devient central dans l’activation. Cette idée nous vient du constat que le phénomène de collection est récurrent sur les grands évènements, par exemple au Brésil lors de la Coupe du Monde 200 millions de stickers virtuels ont été échangés. Nous étoffons ainsi nos innovations en fonction de ces typologies d’usages. Panini était le partenaire le plus pertinent au sujet de l’Euro, et il s’inscrit dans un contexte familial.
Les packagings se mettront eux aussi aux couleurs de l’Euro. D’un côté avec une nouvelle bouteille de 33cl en aluminium, de forme conique et refermable, brandée aux couleurs de la compétition de football. Elle sera également vendue en magasin, alors que ce format était habituellement utilisé de manière ponctuelle et en édition limitée. Cette bouteille en aluminium s’inscrit dans une consommation entre amis, à l’apéritif. Un nouveau format de canette, la slim can, a quant à elle été pensée pour répondre à un usage en mobilité.
Une nouvelle copie publicitaire sera diffusée en télévision d’ici le 27 mars prochain.
En quoi consiste le projet Happiness Football Club ?Dès juin 2015, nous avons mis en place le site Happiness Football Club en partenariat avec Konbini afin de fédérer une communauté en amont de l’Euro 2016. L’ambition est d’apporter une valeur ajoutée aux fans de football avec une approche de contenu et d’expérience que nos consommateurs ne trouvaient pas avant. Le football étant un secteur encombré, notamment par les résultats de match, nous avons cherché un nouvel angle pour l’aborder : la thématique du lifestyle avec de l’humour, sous forme d’articles, de photos, de vidéos et de lives lors des tirages au sort. L’enjeu était de fédérer par la ligne éditoriale un public large, représentatif des amateurs de football aujourd’hui : on ne s’adresse pas uniquement aux puristes du football, mais à tous ceux qui sont émus de près ou de loin par des grands moments de football, jeunes comme vieux, hommes comme femmes. C’est un volet très important pour aller plus loin dans l’expérience, au-delà des réseaux sociaux classiques. Depuis son lancement, la plateforme totalise 4 millions de vues. Les objectifs sont dépassés chaque mois, le trafic est exponentiel, nous sommes persuadés que c’est la bonne ligne éditoriale.
Un conseil pour que la relation agence – annonceur soit une réussite ?
Le premier élément est de ne pas l’aborder comme une relation bi-partite. L’agence a un rôle d’inspiration majeur qui doit apporter son souffle à l’annonceur, elle est le trait d’union entre l’annonceur et l’extérieur. Il est donc primordial d’entretenir des relations plus ouvertes. Plus l’agence fédérera des experts, plus son rôle sera puissant auprès de l’annonceur. Sans s’arrêter aux agences, la bonne manière d’adresser les nouveaux usages des consommateurs réside dans le partenariat : Facebook, Instagram, Snapchat, Twitter, Yahoo… sont également une source d’inspiration pour Coca-Cola puisqu’ils ont la même approche que nous : aller aussi vite que possible pour anticiper les usages. Les agences et les partenaires font partie des collaborateurs de l’annonceur au même titre, nous formons tous une grande et seule même équipe dont l’inspiration est le seul maître-mot.