Allo les lutins ? C’est l’heure du bilan !
Noël 2018, Bouygues Telecom marquait les esprits avec sa campagne « Un Noël inoubliable ». Depuis quelques années maintenant, suivant la tendance initiée par John Lewis et les publicités anglophones, la période des fêtes de Noël est propice aux grands films de marques, qui déploient des trésors de bons sentiments et d’entertainment. Comment se distinguer en cette période ultra concurrentielle ?
Pour Bouygues Telecom, il ne s’agissait pas tant de rééditer l’exploit des années passées que de réussir à fédérer et engager son audience après une année moribonde. Qui plus est dans un contexte où les fêtes de Noël ressembleraient à l’année passée : singulières. Mathieu Laugier, directeur général adjoint de BETC, nous explique comment la marque a choisi d’incarner la nouvelle ambition de sa plateforme de marque — être l’opérateur qui fait grandir les relations humaines — autour d’une technologie « humaine » et populaire.
Le brief
Les fêtes de fin d’année sont un rendez-vous incontournable du calendrier et une vitrine inégalée pour les marques. La concurrence est donc exacerbée pour sortir de la mêlée.
« Nous avons eu de la chance en 2018 avec ce papa qui danse, la campagne a eu des résultats incroyables. Il n’y a pas de recette miracle, parfois ça fonctionne, parfois non, même avec un bon brief, un joli angle et du budget », se rappelle Mathieu Laugier, directeur général adjoint de l’agence BETC.
Cette année, il s’agissait, en complément de la campagne télé traditionnelle, de réfléchir à un format différent, plus axé sur la relation avec l’audience, c’est-à-dire une campagne qui ne soit pas seulement « descendante ». Le brief s’est donc construit autour d’un objectif de proximité et d’engagement avec l’audience pour lui permettre de passer une fin d’année plus chaleureuse et positive que l’année 2020 ne l’a été.
« Bouygues Telecom a une plateforme de marque centrée sur l’humain, où la technologie est promue comme un outil au service des gens, un allié pour enrichir, approfondir et faire grandir les relations avec nos proches. L’objet de la campagne devait se faire au service de cette mission-là : trouver un outil technologique qui permette à tout le monde de vivre une expérience un peu exceptionnelle en cette fin d’année. »
Comme le rappelle Mathieu Laugier, le confinement a empêché la plupart des gens, et surtout les enfants, de pouvoir rencontrer le Père Noël en vrai. Alors qu’ils se bousculent habituellement dans les centres commerciaux pour tenter de l’apercevoir. « Avec l’équipe créa, nous avons eu l’idée assez simple d’ouvrir les portes [ou plutôt la ligne] du 06 le plus prisé de la planète, celui du Père Noël. » Une idée lancée et testée l’année dernière « de manière relativement confidentielle, avec une technologie plus balbutiante qui fonctionnait uniquement sur de l’audio », nous confie le DGA de BETC. « Fort de ce mini succès assez prometteur, nous avons décidé de donner plus d’ampleur à ce projet cette année » : ce qui a donné #AlloPapaNoël, un chatbot sur WhatsApp permettant à tous les Français de récupérer de manière simple un message vidéo personnalisé du Père Noël.
La campagne
Organique
Dans un premier temps, l’opération a été lancée de manière organique, sans activer la partie média, pour la laisser vivre d’elle-même une dizaine de jours. L’agence souhaitait ainsi observer la manière dont la campagne prenait, et la façon dont l’outil réagissait aux nombreuses requêtes simultanées : « Merci aux serveurs d’Amazon et à leur souplesse, car nous avons explosé toutes nos prévisions. Une équipe d’astreinte a été nécessaire pour gonfler la capacité des serveurs lorsqu’il y a eu un boom de requêtes, révèle Mathieu Laugier. Cette campagne a nécessité 15 fois moins d’investissement média que le film télé qui accompagnait #APN et sur lequel nous avons communiqué pendant la période de Noël : en termes de retour d’investissement qualitatif et même en nombre de contacts, cet objet est une superbe opération pour la marque. »
Digitale
La campagne #AlloPapaNoel s’est ensuite déployée à travers un plan média 100 % digital, via un film de lancement de 45 secondes, découpé sur tous les formats sociaux. La marque a beaucoup investi sur Twitter, notamment avec un trending topic lancé le 22 décembre, puis l’écosystème Facebook et Instagram, « avec la nouveauté cette année d’offrir la possibilité intéressante pour la campagne d’acheter des publicités avec un call to action ouvrant directement une conversation sur WhatsApp via un bouton dédié. Ce format a donné lieu à beaucoup, beaucoup de transformations : en un clic, les gens se trouvaient en communication avec notre faux Père Noël. »
Un volet micro influence a également été mis en place « en grande partie sur Instagram ». L’agence a travaillé avec une trentaine de micro influenceurs sur une cible de parents avec enfants (entre 10K et 50K followers). « L’avantage de ce support est que ces personnes ont des communautés engagées, pour la plupart des parents avec enfants qui ont eu envie de dupliquer l’expérience avec leurs propres enfants », souligne Mathieu Laugier.
Le défi technique
Cette production 100 % BETC (avec BETC Fullsix sur la partie technique) fut un défi technique relevé en plusieurs étapes, avec différents partenaires. Après avoir choisi un comédien avec le physique du Père Noël, celui-ci a été shooté sur fond vert dans le studio de l’agence avec plusieurs options de cadrage et mouvements corporels pour donner plus de réalisme et de vie au personnage. Seuls son visage et sa bouche restaient inanimés pour que la technologie s’apparentant à du deepfake puisse être la plus efficace possible.
C’est Voxygen, le partenaire audio de l’agence, qui s’est occupé de la partie « voix » grâce à une technologie de text to speech (permettant de transformer un texte écrit en un texte parlé) fonctionnant sous IA. Après avoir trouvé la bonne intonation et le bon rythme pour coller le plus possible à la voix du Père Noël, ce sont des technologies de deep learning qui ont donné vie à l’ensemble : l’outil a été entraîné pendant trois semaines avec des centaines de textes pour apprendre les mouvements de lèvres, les accents, la ponctuation, les intonations, etc. Il ne suffisait plus qu’à intégrer l’outil ainsi complété à l’API de WhatsApp.
« La réalisation de cette campagne fut un défi technique, mais nous avons bien maîtrisé chacune des étapes. Nous savions, avant même de nous lancer, que nous serions capables de tourner sur fond vert, de faire la transformation text to speech, et d’apprendre à une machine à faire correctement bouger les lèvres du Père Noël, résume Mathieu Laugier. Toutefois, tant que toutes les parties de l’outil n’étaient pas correctement assemblées, nous ne pouvions pas savoir si la magie opérerait. »
Comme le DGA de BETC l’explique, avec toute la technologie du monde, le regard d’un enfant ne pardonne pas. « Quand bien même l’expérience fut virtuelle, surtout pour les adultes qui devinent l’ordinateur derrière, trop de robotique risquait de créer de la confusion dans l’esprit des enfants. C’était tout le challenge. Nous avons donc commencé le projet relativement tôt, au mois de septembre, pour avoir le temps de mener une batterie de tests et nous assurer que cela fonctionne. »
Quid des risques de détournements ?
« Nous nous étions totalement préparés à ce que l’outil soit détourné, concède Mathieu Laugier de BETC. On peut se l’avouer, au moment de penser une telle campagne, on a une cible assumée et officielle, tout en sachant pertinemment qu’un outil de ce genre, comme tous les outils de personnalisation, est voué à être détourné. Que ce soit pour raconter des conneries, ou des choses parfois plus difficiles à assumer pour une marque comme Bouygues Télécom. Surtout avec des supports vidéo sur lesquels le logo de l’entreprise apparaît ».
L’agence a donc travaillé de « longs jours » sur une liste de mots interdits, concédant qu’il s’agit d’un travail particulier, car il faut avoir la bonne jauge entre l’acceptable et l’interdit : « Sur les insultes à caractère raciste ou homophobe, il n’y a aucun doute, nous les avons écrites et dupliquées sous toutes les formes phonétiques possibles de manière à ce que même mal écrites, avec des fautes d’orthographe, elles puissent être filtrées par le Père Noël. » À ce moment-là, le chatbot WhatsApp répondait par un texte, et non une vidéo : « Oops, mes lutins et moi avons décelé des mots interdits dans votre message, veuillez le reformuler. » L’agence a ensuite tenté de trouver le juste équilibre pour éviter que l’outil ne soit détourné à des fins polémiques. Seules 5 ou 6 vidéos problématiques ont été débusquées grâce à une veille Twitter, mais avec une portée minime (peu de followers).
En outre, il n’y avait aucune collecte de données ou d’opt in pour récupérer un nom et/ou un email. « Tout a été anonymisé, nous avions donc conscience que la marque devenait responsable des contenus diffusés par un tiers une fois leur logo apposé sur la vidéo. »
Les résultats
– 2 964 000 messages, sur un objectif de 700K à 1M de messages.
« Nous faisons x 3 par rapport à ce qu’on avait imaginé, nous sommes donc ravis. La partie back-office a nécessité une extrême réactivité au jour le jour pour augmenter la capacité des serveurs. Tout cela a eu un coût, mais minime par rapport au nombre de contacts : de l’ordre de 5 000 à 10 000 euros en plus sur les 2 mois de campagne par rapport à ce qui était prévu, mais provisionné avec le client ».
– Presque 300K messages générés le 24 décembre. Jour du plus gros pic.
« Nous avons réussi à faire en sorte que le volume soit assez élevé d’un coup et se lisse dans le temps, à partir du lancement le 8 décembre (campagne organique), puis le 13 (la campagne média) jusqu’au 22 décembre et le lancement du trending topic ».
– 18 % : le taux de clic sur la vidéo sponsorisée sur Twitter (une petite démo pour inviter les gens à cliquer pour se rendre sur WhatsApp tester l’outil).
« Je n’ai jamais vu ça, s’étonne encore le DGA de BETC. Je crois que la norme Twitter est autour de 1,5 % sur des campagnes de ce genre, donc c’est assez délirant ».
– Un trending topic à + 16 M d’impressions (x 8 vs les impressions du trending topic de Noël 2019)
– Sur la vague de mailing CRM pour les clients de Bouygues Telecom : un taux d’ouverture grimpant jusqu’à 45 % sur certaines vagues d’envois.
– Sur 10 messages accordés par participants, 20 % environ les ont tous utilisés et une grande partie a demandé à Bouygues Telecom des crédits pour en avoir d’autres.
« Nous leur avons donc fourni un code (jamais publié officiellement) pour débloquer l’outil. L’outil a été volontairement limité à 10 messages du Père Noël par personnes pour éviter les abus ou qu’un robot ne détourne l’outil et “ruine” l’agence en le faisant tourner 24h/24h. Le but n’était pas de brider les gens qui voulaient juste profiter de l’expérience ».
L'hommage du Père Noël à Jean Guile. pic.twitter.com/A5BvpuLPpZ
— KLM (@KLMQU) December 22, 2020
Le père Noël a un message pour vous les lillois 😋 pic.twitter.com/HpZ0AuxoJj
— Trololosc (@Trololosc) December 22, 2020
– Une appropriation de l’outil sur les réseaux sociaux
« Les gens se sont vite emparés de la campagne sur les réseaux sociaux. Certains comptes de personnalités, de marques et de médias l’ont utilisé pour faire vivre l’expérience à leur fanbase. Nous sommes passés au JT sur France 2, deux fois dans Quotidien sur TMC. »
« La chanteuse Clara Luciani l’a reposté sur sa story avec un passage de son morceau La Grenade cette fois-ci énoncé par le Père Noël, j’ai vu passer un tweet de Jean-Marie Bigard, et RFM a également utilisé le Père Noël pour faire des jeux concours sur son compte Instagram et à l’antenne. Même le jeune homme de ‘Salut, jeune entrepreneur’ l’a posté sur son profil Instagram avec sa fameuse phrase ‘la question elle est vite répondue’. »
Mathieu Laugier précise qu’il travaille toujours avec leurs agences presse pour récolter toutes les retombées, ce qui peut s’avérer une tâche difficile, notamment en radio.
La mif on a un message pour vous du père Noël 😁 Force à vous tous et gardez le sourire ! On vous souhaite de passer un très joyeux Noël 🥳🎄
Et merci @bouyguestelecom vous nous avez fait trop trop rire 😂😂 pic.twitter.com/CvJFyve4Ko
— Ulyces (@UlycesEditions) December 24, 2020
🎤 @PNLMusic x 🎅 = P(ère)N(oë)L#AllôPapaNoël https://t.co/jPMdV4ToZa pic.twitter.com/i2l49S5FlZ
— 🚴♂️ Xuoan (@xuoan) December 8, 2020
Les clés de succès
Une technologie accessible et populaire
L’agence a développé un « objet » facile d’accès et personnalisable capable de générer du sourire, de la bonne humeur et la légèreté dont tout le monde avait besoin en cette fin d’année
« Toutes les personnes ayant travaillé sur cette campagne ont reçu une vidéo #AlloPapaNoel de quelque manière que ce soit dans leur cercle personnel, sans avoir rien initié, sourit Mathieu Laugier. Lorsqu’un objet publicitaire devient un objet pop culturel et populaire, c’est assez grisant », concède-t-il.
Un écosystème familier
L’opération digitale s’est déployée dans un écosystème familier de tout le monde, WhatsApp. Familier des adultes et des plus jeunes. « Nous n’avons pas suivi le schéma classique des opérations publicitaires qui passent par Facebook Connect, un site expérientiel, ou via un QR code qui se flashe sur une annonce presse pour avoir la chance d’accéder à un autre endroit. Si nous avions produit la même expérience via un site web dédié, nous aurions réalisé 20, 30, voire 50 fois moins de résultats », assure le directeur général adjoint de l’agence BETC.
L’envie de partager
À défaut de pouvoir se réunir en famille ou partager de bons moments avec ses proches, cet outil a permis à de nombreux Français d’échanger, de s’émouvoir et de rire ensemble. Que demander de plus pendant de telles fêtes de fin d’année ?
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