Comment la Grande Braderie de la Mode est devenue la 1ère source de financement de AIDES

Par Élodie C. le 20/06/2024 - Agence : BETC

Temps de lecture : 8 min

L’achat responsable ultime ?

Chaque année, BETC organise deux sessions (estivale et hivernale) de sa désormais incontournable Grande Braderie de la Mode. L’occasion pour les mordues de “fashion” de se faire plaisir tout en réalisant une bonne action, puisque l’intégralité des sommes récoltées sont reversées à l’association AIDES. Les donations provenant des grandes Maisons du secteur du luxe ont peu à peu fait place aux marques premium et émergentes. 

Alors que Aides fête cette année ses 40 ans, la braderie, elle, aborde fièrement la trentaine et à travers elle, trois décennies de création et de communication solidaires. Comment ce partenariat est né ? Quelle est l’évolution la plus significative observé durant ces décennies ? Quelles sont les principales réussites de la Grande Braderie de la Mode ?

Nous avons discuté avec Sylvain Marchand-Bouzigues, directeur de la promotion de BETC, qui analyse le chemin parcouru et les évolutions d’un secteur en transformation.

Cela fait maintenant une vingtaine d’année que BETC organise la Grande Braderie de la Mode pour l’association Aides, quelle en est l’origine ?

Sylvain Marchand-Bouzigues : À l’époque, nous avions un lieu appelé le Passage du Désir, situé au rez-de-chaussée de notre bâtiment dans le 10e arrondissement. Cet espace était destiné à accueillir des expositions et divers événements, dont des défilés de mode. Le nom était plutôt bien pour une association qui lutte contre les préjugés et surtout ceux envers les personnes victimes du sida.

Une personne, organisatrice de la Braderie de la mode à ce moment-là, avait vu un de ces défilés. Cette braderie a été lancée il y a environ trente ans, au pire moment de l’épidémie de sida, dix ans après la création de l’association Aides. L’idée était de mobiliser le monde de la mode, durement touché par l’épidémie, pour qu’ils fassent don de vêtements neufs.

L’événement était organisé de manière associative, dans des bureaux, où ils poussaient les meubles pour faire de la place aux vêtements donnés et les vendre. Petit à petit, l’événement a pris de l’ampleur avec de plus en plus de donateurs.

Aides nous a contactés parce que le Passage du Désir était un lieu idéal pour organiser cette vente deux fois par an. À partir de 2004, nous avons proposé de créer leurs visuels de communication, ce qui a marqué le début d’une longue collaboration. Cela fait maintenant 20 ans que nous concevons tous leurs supports de communication, à destination de deux cibles :
– les acheteurs attirés par l’événement, tant pour soutenir une bonne cause que pour dénicher des bonnes affaires, des vêtements à prix réduits et vraiment tendance ;
– les donateurs qui doivent être encouragés par la qualité de l’événement et la grande cause qu’il soutient. Ils sont motivés à participer, sachant que leur nom sur l’affiche apporte une certaine valorisation. 

Ces deux objectifs sont atteints tout en restant fidèles aux valeurs de l’association Aides, qui lutte contre le sida depuis 40 ans.

Quel est le rôle de BETC concrètement ? 

S.M-B. : Notre rôle est de les aider. Nous essayons également de motiver certains de nos clients de l’industrie textile, comme Roche-Bobois et Petit Bateau, à contribuer. Nous sollicitons aussi les médias pour obtenir des parutions gratuites, car cet événement fonctionne uniquement grâce au pro bono et aux dons.

Cela permet de s’assurer que tous les fonds collectés vont directement aux actions de lutte et de dépistage sur le terrain. C’est crucial, surtout que les financements publics pour ce type de cause diminuent.

La Grande Braderie de la Mode est leur plus grande opération de dons privés, rapportant environ 500 000 euros par an. C’est leur source de financement privée la plus importante.

Quelle est l’évolution, le changement le plus significatif que vous ayez observé depuis ?

S.M-B. : Au début, c’étaient surtout les créateurs stars de la mode qui participaient, notamment dans les années 90. Les grandes maisons de luxe étaient très présentes, avec des vêtements particulièrement luxueux. Avec le temps, ces créateurs ont créé leurs propres fondations ou se sont investis autrement. Ils ont été remplacés par des marques de prêt-à-porter comme Sandro et Maje, qui ont beaucoup donné et se sont investies. Cela a permis à la braderie de continuer et de rester attractive pour un public plus large.

La mode pour les très riches et la fast fashion étaient autrefois distinctes, mais avec l’émergence de ces nouvelles marques, les frontières se sont estompées. Aujourd’hui, on peut s’offrir des vêtements de qualité sans devoir aller dans la haute couture.

Comment expliquez-vous ce “retrait” de l’industrie du luxe ? 

S.M-B. : Il faut considérer que l’association Aides existe depuis 40 ans, et il y a eu une baisse d’intérêt parce que le sida, longtemps mortel, est désormais mieux géré grâce aux trithérapies. Les gens sont moins enclins à donner quand ils savent qu’il y a des traitements disponibles.

Cependant, il est crucial de continuer à encourager le dépistage, car le sida reste une maladie grave si elle n’est pas détectée et traitée. Beaucoup de personnes ignorent encore leur statut sérologique. Le dépistage est essentiel, ainsi que l’accompagnement des personnes affectées. Un autre combat important est d’aider les populations à risque, comme les travailleurs du sexe, ceux avec des comportements sexuels à risque, et les personnes sans papiers qui n’ont pas accès facilement aux soins.

Avez-vous observé une évolution particulière concernant la participation des marques de luxe au fil des ans ? Est-ce que ça dit quelque chose du secteur selon vous ?

S.M-B. : Les marques de luxe ne veulent pas qu’on pense qu’elles se désintéressent de la cause, et elles continuent à donner, bien que dans des proportions peut-être moindres. Elles ont moins besoin de prouver leur engagement, ayant déjà beaucoup fait par le passé.

Ensuite, les braderies et ventes privées se sont multipliées, rendant l’événement moins unique. Toutes les marques organisent leurs propres ventes privées. Aujourd’hui, la vente à prix réduit est un secteur en pleine expansion.

Cela dit peut-être plus quelque chose sur le secteur de l’habillement que du luxe.

S.M-B. : Oui, et certaines grandes marques de luxe continuent de donner discrètement, sans chercher la publicité. Elles participent par habitude et engagement, mais sans vouloir se retrouver sur une affiche. Elles préfèrent rester en retrait, mais elles participent toujours. 

En revanche, les petites marques émergentes voient un intérêt à participer, tant pour des raisons de communication que pour l’engagement envers une cause importante. Elles bénéficient aussi de déductions fiscales pour leurs dons.

Il y a beaucoup de petites marques émergentes très engagées et sympathiques. Depuis plusieurs années, Carne Bollente participe activement avec des collections très axées sur le sexe joyeux, ce qui correspond bien à la cause. Ils créent même des articles spécialement pour l’association. Agnès B, par exemple, vend depuis des années un chèche/foulard rouge dont les fonds sont entièrement reversés aux associations de lutte contre le sida. Elle contribue aussi à la braderie de la mode, motivée par des pertes personnelles liées à la maladie.

En termes de collecte de fonds et de sensibilisation, quelles sont les principales réussites de la Grande Braderie ?

S.M-B. : La braderie rend la mode plus utile, et beaucoup de mes collègues sont ravis d’y participer. Ils achètent des articles en sachant qu’ils contribuent à une bonne cause, ce qui ajoute une dimension morale à leurs achats.

Les visuels de l’événement ont aussi beaucoup de succès. Ils attirent de plus en plus de monde chaque année, ce qui est lié à la qualité et à l’attrait des visuels. Nous avons souvent fait travailler des juniors sur ces projets, ce qui leur permet de s’impliquer dans une cause importante tout en apportant un regard frais et créatif. 

Des seniors également qui ont envie d’avoir un sujet où tout est gracieux, le photographe vient gracieusement et on organise un vrai shooting, mais avec des moyens qui sont inexistants puisqu’il n’y a pas de budget pour ces images. C’est quand même une réussite d’accompagner l’association dans ce parcours-là et dans le parcours créatif.

Quelles initiatives avez-vous mises en place pour diversifier les sources de dons et maintenir l’attrait de la braderie ?

S.M-B. : Nous avons accompagné l’événement avec des plans médias pertinents et encouragé le partage sur les réseaux sociaux. Cette année, nous avons créé un visuel très mode autour du ruban rouge, symbole de la lutte contre le sida, pour marquer les 40 ans de l’association et les 20 ans de notre partenariat.

En décembre, nous lancerons un film d’animation pour promouvoir l’événement sur toutes les plateformes et réseaux sociaux, montrant ainsi notre capacité à innover et à diversifier nos supports de communication.

Y a-t-il eu des créations spéciales pour les affiches ? Je sais que BTC Junior s’en charge généralement, mais y a-t-il eu des collaborations particulières, notamment avec des photographes spécifiques ?

S.M-B. : Oui, nous avons collaboré avec plusieurs jeunes photographes de mode, comme Suzie et Léo, ainsi que des photographes fidèles comme Romain. La mécanique reste classique, très mode. C’est aussi le but et l’intention de base de la stratégie.

Nous cherchons à adapter nos visuels pour différents médias et régions. Par exemple, la vente est organisée en Île-de-France et en région PACA, avec un quart des ventes se faisant à Marseille. Nous travaillons avec les médias locaux pour maximiser la visibilité de l’événement.

Quelle est la prochaine étape pour la Grande Braderie de la Mode ?

S.M-B. : La prochaine étape est de continuer à faire vivre cet événement, d’augmenter le nombre de dons et la participation des acheteurs. Il est crucial de maintenir cette émulation pour que l’événement continue de prospérer. Le travail de l’association s’étend au-delà du sida, incluant les hépatites, les maladies sexuellement transmissibles, l’hygiène sexuelle et la tolérance. Ces combats sont toujours d’actualité et nécessitent un soutien continu.

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