Nicolas Thorin, Audion : « l’audio digital représentera bientôt 10 % du display »

Par Xuoan D. le 12/02/2025

Temps de lecture : 4 min

125 millions d'euros, avec un objectif à 200 millions.

Cette interview fait partie de notre numéro spécial audio digital.

Jusqu’où ira l’audio digital ? Alors qu’on croyait ses usages fragmentés, les audiences des podcasts de “niche” et son manque d’envergure comparé à la vidéo, au social ou au search, le secteur affiche une santé à toute épreuve, année après année. 

Comment expliquer une telle croissance ? Est-ce lié au programmatique, à l’arrivée de l’IA pour la synthèse des voix ou à une grande bascule en cours avec la radio ? Éléments de réponse avec Nicolas Thorin, associé et directeur général d’Audion, une plateforme d’hébergement et de monétisation de l’audio digital.

Comment expliquez-vous la croissance de +26 % de l’audio digital en 2024 ?

Nicolas Thorin : Le marché de l’audio digital connaît une croissance très forte, et a largement dépassé les 100 millions d’euros cette année (125 millions selon l’Observatoire de l’epub, ndlr). L’audio représente aujourd’hui 6 % du display, et je fais le pari que ce chiffre montera à 10 % dans les prochaines années.

L’essor des usages explique cette progression : de plus en plus d’auditeurs consomment de l’audio en streaming, que ce soit via les plateformes musicales, les podcasts ou la radio en ligne. Cette diversification des supports attire mécaniquement plus d’annonceurs.

Ensuite, on observe un changement dans le profil des annonceurs. Historiquement, c’étaient principalement les annonceurs radio qui investissaient en audio digital, mais aujourd’hui, plus de 50 % des marques qui y consacrent un budget ne font pas du tout de radio. Ce sont des annonceurs issus du digital, qui intègrent l’audio dans une approche média plus large, en complément du display et de la vidéo.

Enfin, il y a un véritable effet de structuration du marché, avec une montée en puissance du programmatique. Même si aujourd’hui, plus de 90 % des achats se font en programmatique garanti – c’est-à-dire avec des volumes et des emplacements définis à l’avance – les marques comprennent que l’audio digital leur offre de nouvelles possibilités en matière de ciblage et de personnalisation des messages.

Quel est le plus grand défi actuel de l’audio digital ?

N.T. : Il s’agit de la mesure d’audience. Nous n’avons pas encore de solution unifiée qui permette d’avoir une vision claire et complète du marché. L’audio digital est un écosystème fragmenté, avec plusieurs types d’environnements : les plateformes musicales comme Spotify et Deezer, les radios en ligne et les podcasts. Chacun fonctionne avec ses propres métriques, et les outils de mesure existants ne couvrent pas toujours l’ensemble des impressions publicitaires réellement disponibles.  

Prenons l’exemple des plateformes musicales. Dans les chiffres d’audience disponibles, on connaît la base totale d’utilisateurs de Spotify ou Deezer, mais pas les comptes gratuits. Or, ces derniers sont les seuls exposés à la publicité. Il y a aussi le cas des radios digitales, qui s’appuient sur les mesures de Médiamétrie, et celui des podcasts, qui, pour être comptabilisés, doivent avoir souscrit à l’ACPM, ce qui ne rend pas leur mesure exhaustive. Résultat : on se retrouve avec des chiffres disparates, qui rendent difficile l’évaluation précise du marché et donc la prise de décision pour les annonceurs. Après, la vidéo a bien réussi à survivre pendant 15 ans sans une mesure d’audience unifiée !

Qui sont les annonceurs de l’audio digital ?

N.T. : Historiquement, l’audio digital était avant tout le terrain des annonceurs radio, qui avaient des habitudes bien ancrées et un mode d’achat traditionnel. 

Mais aujourd’hui, on voit arriver de plus en plus de marques qui viennent du digital, et pour elles, l’audio est encore un territoire à explorer. Elles se posent beaucoup de questions : où le placer dans leur mix média ? Quel budget y allouer par rapport à la vidéo ou au display ? Quelle complémentarité avec les autres canaux ?

Constatez-vous que l’IA est déjà utilisée pour générer des voix dans les publicités de l’audio digital ? 

N.T. : L’utilisation de l’IA pour générer des voix dans les publicités audio reste marginale. Nous travaillons toujours avec des comédiens qui viennent en studio enregistrer les spots publicitaires. C’est notre approche, et elle correspond aux attentes des annonceurs qui veulent une vraie qualité d’interprétation et une dimension humaine dans leurs campagnes.  

Cela dit, on réfléchit à la manière dont l’IA pourrait être utilisée de façon encadrée, notamment pour la personnalisation dynamique des messages. Par exemple, dans une campagne où l’on doit décliner un même spot avec 500 variations en fonction de la localisation, il n’est pas envisageable de faire enregistrer un comédien pendant une journée entière juste pour énumérer des centaines de noms de villes. Dans ces cas-là, on pourrait imaginer utiliser une IA qui générerait ces variantes à partir de la voix du comédien, tout en s’assurant que ce soit fait de manière réglementée et rémunérée correctement.  

D’ailleurs, nous avons déjà engagé des discussions avec l’interprofession et le syndicat des voix pour réfléchir à un cadre d’utilisation de ces technologies. L’objectif n’est pas de remplacer les comédiens, mais d’utiliser l’IA comme un outil complémentaire qui facilite certaines tâches répétitives et qui permet d’exploiter le potentiel de la personnalisation dans l’audio digital.  

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