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News de l'agence 87seconds

ET SI LA STRAT TUAIT LA CRÉA ? PLANNING REST IN BRIEF

L’ultra rationalisation, dans la création publicitaire, n’est que rarement nécessaire.

Cette course à l'intelligence est, selon moi, contre-productive, voire antinomique au bon sens créatif d’une campagne.  

De base, le planning stratégique tire sa raison d’être du manque d’informations dans les briefs clients. Il est donc là pour trouver l’insight ou la data qui opérera le “saut créatif”. Aujourd’hui en agence, le planning est beaucoup plus structurant, et fait un peu (trop?) la pluie et le beau temps. Garde-fou du manque de cohérence, garant d’un cheminement de pensée logique, allégorie aussi (en interne) du sachant... Rien que ça !

Mais si la place des planneurs, prépondérante et hiérarchique, n’était pas en train de tuer la spontanéité créative ? Pourtant figure imposée de l’époque…

La faute, en partie, à notre corporation. 

Levons l’omerta sur le mythe du planneur. Ce métier qu’on a du mal à expliquer ; qui oscille (parfois et aussi) entre crise existentielle et syndrome de l’imposteur. 

(Disclaimer : le passage qui suit est volontairement à charge, on aime tous les planneurs)

Le planneur stratégique rédige les recommandations stratégiques.
Et dans le cadre d’une compétition, il se doit d’en mettre plein les mirettes.

Au client déjà. Le but c’est de montrer qu’on est meilleur que la concu’. 163 slides de logorrhée quelquefois pompeux et, peut-être, trop intelligente. Notre approche académique empreinte des chemins souvent alambiqués qui peuvent nuire à la saillance de l’idée.

À ses collègues aussi. Parce que la compétition se fait aussi entre nous. Le projet c’est de justifier, auprès des équipes commerciales, son statut de personne smart et pro de la strat… Et en même temps impressionner son N+1 pour se donner un peu de crédibilité. Raisonnement intello, qui explique avec beaucoup de mots un “angle stratégique nouveau” : le brief créatif. Un doc’, parfois hors-sol, loin des réalités conso.

En conséquence, il arrive que les créas se sentent obligés de répondre hors brief (créa), pour craquer des concepts chanmés. Parce qu’eux aussi ont des aptitudes strat. Parce que par moments, un bon jeu de mots vaut mille slides dans une prez. Des idées qu’on finit par post-rationnaliser avec une certaine malhonnêteté intellectuelle. Études douteuses sorties de derrière les fagôts ou chiffres sourcés au doigt mouillé (“oui-oui, on vous enverra le lien juste après la prez”). Force est de constater qu’on justifie tout et n’importe quoi avec une data bien trouvée. Le planning devient (par épisode)  un simple enrobage des épiphanies des autres, les “vrais créatifs”.

 

La faute, aussi, à l’évolution du contexte.

Le besoin de ré-enchantement des conso’ doit changer notre perception métier.
Si on met en perspective la sortie de crise du Covid, la conjoncture économique et la situation géopolitique avec la saturation publicitaire éprouvée par le consommateur… On devine facilement un besoin de réenchantement. Dans ce contexte, pour ne pas tomber dans du dramarketing et adopter une posture opportuniste, le divertissement semble être la verticale la plus légitime à adresser. Cela marque le retour en grâce de la publicité spectacle (/de l’humour) et la fin de l'obsession pour les campagnes purpose. Un peu balourde, pas toujours juste, parfois clichée. 

“Le storytelling, il a changé.” 

Le digital permet aux marques une omnicanalité qu’elles ne savent pas forcément appréhender. Elles adressent des messages intrusifs : souvent hors timing, pas toujours dans les codes. Et pendant ce temps-là, les créateurs de contenus re-pensent les constructions narratives à une vitesse quasi impossible à suivre. Un problème que peine à résoudre une configuration classique du pôle planning stratégique. À l’heure du matraquage publicitaire, chronophage côté annonceur, les campagnes qui retiennent l’attention ne sont pas (toujours) celles qui brillent par leur fulgurance stratégique. A-t-on vraiment besoin de donner un sens méthodique à la publicité ? 

On peut se dire humblement que, en tant que stratège, certaines campagnes beaucoup moins “strat” ont plus d’impact. Celle-ci, ou celle-ci, ou encore celle-ci, montrent que le news-hacking, les jeux de mots et la pub métaphorique ça marche. C’est direct, limpide, bold et les gens aiment. Job is done. Mais on assiste finalement à un changement de paradigme. De la stratégie publicitaire à la tactique créative. Reléguant le “planning stratégique” conventionnel et grandiloquent au second plan, quasi obsolète par instant.

Chez 87seconds, on pense l’hybridation du métier de planneur stratégique comme solution.  

Chez nous, le planning stratégique a été cancel par la Creative Strategy (en anglais ça fait toujours plus sérieux). Être un bon strat, c’est déjà avoir un pied dans la créa. C’est aussi avoir un œil du côté commercial. 

Pour ne pas être décorrélé à la réalité créative (côté conso) et business (côté client). 

Le deuxième objectif est de casser les silos du processus créatif, créer des synergies entre tous les pôles ; pour gagner en créativité, en réactivité, en impact, en synthèse et en bon sens. 

Mathieu Perrin
Creative Strategy Lead
chez 87seconds