Les premières tendances adtech des Cannes Lions 2024

Par Xuoan D. le 19/06/2024

Temps de lecture : 6 min

Cookieless, idless et bientôt yachtless ?

La troisième journée des Cannes Lions s’achève et c’est l’occasion pour la Réclame .mark&tech de partager de premières observations en direct de la Croisette. Le port de Cannes est-il à nouveau rempli de yachts adtech ? Le moral des troupes est-il bon face aux incertitudes économiques et politiques ? Le marché est-il prêt pour le cookieless ou va-t-il se faire disrupter par l’IA ? Réponse en 5 tendances et observations.

Nous développerons davantage ces thèmes avec un panel d’experts le 3 juillet dans un dossier exclusif sur les 12 travaux de l’adtech en 2024.

1. Moins de yachts : bon ou mauvais signe ?

Commençons par une observation triviale, mais qui n’a pas d’équivalent ailleurs dans le monde. Cette année et à notre grand regret, il n’y a pas de carte des yachts cannois par Terence Kawaja. Cette tradition adtech donnait un indicateur des forces en présence, et des potentielles fusions et acquisitions du secteur. En effet, un yacht au port de Cannes était synonyme d’un rachat ou d’une IPO dans l’année pour un tiers des adtechs à la grande époque. Or en 2024, le quai a été raccourci temporairement par des travaux. Y a-t-il moins d’adtechs à Cannes cette année, ou sont-elles réparties sur la Croisette et alentours ? Il est encore un peu tôt pour le dire. 

Cependant, pour la plupart des personnes interviewées en ce début de semaine, le marché semble plus optimiste qu’en 2023. L’inflation a été maitrisée aux États-Unis et en Europe. Et le monde s’est acclimaté à la présence plus prononcée de conflits armés, gommant les incertitudes des premiers mois. En France, les investissements devraient augmenter de 8,6 % en 2024, selon un récent rapport de GroupM. “Alors que des événements sportifs tels que les Jeux olympiques de Paris ont sans aucun doute stimulé l’investissement, nous ne voyons aucun signe de ralentissement. Les marques de luxe menant la barque dans la région, nous constatons une utilisation beaucoup plus importante de contenus vidéo de haute qualité, associée à des campagnes intégrées entre les demandes et les offres des partenaires, ce qui permet d’obtenir des résultats basés sur les résultats, avant les autres marchés matures”, commente Gareth Holmes, vice-président de la stratégie commerciale et des médias chez SeenThis.

2. Le cookieless : plus un sujet ? 

Ce n’est plus vraiment un sujet de débat à Cannes, bien que le marché soit loin d’être prêt à la grande bascule sans cesse repoussée par Google. Il faut dire que déjà près de la moitié de l’inventaire web est aujourd’hui sans cookie tiers suite aux restrictions de Safari, Firefox et aux adblockers. Les alternatives (PPID, Universal ID, ciblage contextuel…) créent de l’hyper fragmentation, ce qui ne facilite pas les investissements à grande échelle. Si bien qu’Ogury mise sur un avenir “aussi bien cookieless qu’idless” comme l’explique son CEO, Geoffroy Martin. Est-ce la fin du ciblage publicitaire ? Loin de là. Ogury a développé ses propres personas mêlant différentes sources de données (sondages 0 party, analyses contextuelle et sémantique, résultats cross campaign, données de navigation) et les actualise “at scale” en permanence grâce à l’IA. Des personas qui seront d’ailleurs accessibles en “self-serve” aux annonceurs et aux agences très prochainement dans une nouvelle interface impressionnante dont Ogury nous a fait la démonstration en exclusivité.

Même son de cloche, mais autre solution préconisée pour Pierre Harand de fifty-five (The Brandtech Group), pour qui “l’attribution digitale – basée sur le cookie – n’a plus d’avenir”. Les annonceurs et leurs partenaires agences doivent affiner leur MMM (Marketing Mix Modeling) pour mesurer le retour sur investissement de leurs actions marketing. Or, cela est désormais facilité par l’intégration de MMM directement dans les clouds publicitaires de Google et d’Amazon. Google ayant d’ailleurs livré en open-source son MMM nommé Meridian.

3. Ce qui se commente à l’apéro

Aucune grande annonce n’a secoué la Croisette pour le moment. Cependant, l’écosystème adtech a de quoi débattre entre deux parties de pétanque : 

– La liste des 100 éditeurs premium de l’open web par The Trade Desk : côté Français, TF1 y figure en tête (11ᵉ mondial), suivi de CANAL+ (25ᵉ), France.tv (31ᵉ), 6play (46e), Le Figaro (100ᵉ). La Réclame va cravacher dur pour faire partie de ce top 100 à l’avenir !
– Le rachat de l’américain Sharethrough par le français Equativ que nous évoquions la semaine dernière dans la newsletter la Réclame .mark&tech.

– TF1 PUB resigne avec FreeWheel mais collabore en parallèle avec son concurrent Magnite pour la première fois comme l’a révélé Minted la semaine dernière.

4. IA : du buzzword aux cas concrets

“ChatGPT avait 180 millions d’utilisateurs en 2023. Et 180 millions en 2024. Cela stagne”, remarque Pierre Harand. Mais surtout, “à Cannes, où sont les cas d’usage de l’IA ?” se demande le co-CEO de fifty-five. Réponse : sur son ordinateur, avec la démonstration d’un outil de prototypage d’automatisation grâce à l’IA. Que fait-on avec ? Par exemple, automatiser la mise en conformité du flux produit d’un e-commerçant grâce à une IA générative, ce qui renforcera la pertinence des campagnes Google Ads de l’annonceur en s’assurant que toutes les données sont au bon format : descriptif, titre, prix, etc. À la clé ? Un CPC en baisse et une efficacité média en hausse.

Vidhya Srinivasan, vice-présidente et directrice générale de Google Ads résume ce sentiment : “L’année dernière était consacrée au “quoi » de l’IA, cette année est consacrée au « comment ».” Un autre cas d’usage média : Google a démultiplié les assets d’une campagne pour son smartphone Pixel 8, “Google Marketing a utilisé DemandGen pour générer 4 500 variations publicitaires différentes diffusées sur YouTube, Discover et Gmail.” Avec a priori d’excellents résultats.

Sur l’autoroute de l’automatisation, le marché ne fait qu’accélérer. Après le célèbre Performance Max de Google (“Pmax” pour les intimes), Advantage+ de Meta, place désormais à Pinterest Performance+. Un observateur du marché remarque que “Le risque avec ce type de solutions totalement automatisées est que l’annonceur et son agence n’aient plus de leviers de différenciation autre que le montant des enchères, l’algorithme se chargeant de créer / varier ou optimiser la création, les messages, le ciblage…” Ce qui fera bien l’affaire des plateformes.

L’IA apporte son lot d’opportunités, mais aussi de menaces. En testant AI Overviews, des réponses générées par IA directement dans ses résultats de recherche, Google pourrait disrupter les éditeurs de sites web et leur appartement sensiblement moins de trafic qu’auparavant. Ce qui permettra à l’ogre de Mountain View de concentrer encore plus d’attention et donc d’investissements publicitaires. On le sait, des navigateurs comme Arc ou Safari pourraient eux aussi intégrer des réponses générées par des IA, ne nécessitant plus de visites sur des pages web. “Le concept de page web va-t-il devenir obsolète ?”, se demande Geoffroy Martin. “Si cela se produit, cela ne sera pas pour tout de suite”, rassure le CEO d’Ogury.

5. Plus d’adtech au palais ?

Déjà observé en 2021, la dualité de ce festival est toujours aussi forte : d’un côté, le Palais des festivals regorge de cas primés et de “créativité” pouvant sauver le monde. De l’autre, le gigantesque off ne vit que pour les plateformes, l’adtech et les groupes médias, à quelques exceptions agences près. Si les plages du off font désormais officiellement partie de l’expérience des Lions en tant que partenaires avec la carte des plages présente sur la Croisette, les questions d’achat média ou de programmatique sont aux abonnés absents dans le Palais. À quand un “track” du festival plus orienté adtech ? De quoi mettre fin à la dichotomie entre officiel et off, et relier créativité et achat média pour de bon.

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