Intersport s’attaque à la sédentarité des jeunes pour ses 100 ans

Par Élodie C. le 06/03/2024

Temps de lecture : 11 min

Le combat du siècle à venir ?

Centenaire cette année, Intersport n’entend pas souffler sur la bougie de ses acquis et se positionne à l’avant-garde du secteur de l’habillement sportif. Un marché en constante évolution où le rachat de Go Sport symbolise une étape stratégique majeure. Cette manœuvre n’est pas seulement une question de croissance ou de conquête de nouveaux territoires, bienvenue à l’approche des JO de Paris ; elle reflète une adaptation profonde aux tendances qui redéfinissent l’industrie, notamment l’engouement pour le sportwear et l’outdoor. Ces deux segments, au croisement de la mode et du sport, connaissent une popularité croissante, notamment du côté du luxe, témoignant de l’évolution des modes de vie et des attentes des consommateurs en quête de confort, de performance et d’esthétique.

Guillaume Payen, directeur marketing, communication & marque chez Intersport France, revient sur la stratégie de l’enseigne et la façon dont Intersport embrasse sa mission sociétale, combat désigné du centenaire à venir : lutter contre la sédentarité et promouvoir la santé mentale chez les jeunes générations. 

Intersport fête ses 100 ans cette année, quels sont les défis et les opportunités que la marque anticipe dans le contexte actuel du sport et de la consommation ?

Guillaume Payen : Les défis vont être nombreux avec les changements de consommation à l’oeuvre. Le sport reste néanmoins au cœur des préoccupations des Français. C’est une valeur refuge et Intersport est le premier habilleur de France (Kantar). En revanche, c’est une réalité, la consommation évolue vers une dimension beaucoup plus responsable. Nous travaillons cette dimension-là sur la partie servicielle, seconde main, mais également toute la partie durabilité de nos produits, depuis leur fabrication. 

Ensuite, nous devons nous développer toujours plus sur le sport, secteur de plus en plus important sur lequel nous sommes présents depuis une trentaine d’années. Nous sommes le premier distributeur des grandes marques internationales, c’est une valeur ajoutée face à la concurrence. Nous nous devons d’être à la fois au fait des évolutions de consommation et sur la pratique sportive, comme notre film des 100 ans l’illustre. Le combat de ce film et de nos 100 ans, c’est la sédentarité. Elle augmente, notamment chez les jeunes, c’est une inquiétude sociétale, même si la pratique du sport sera différente demain. 

Nos adhérents sont extrêmement impliqués dans le sport localement, Intersport est partenaire de 20 clubs partenaires et de trois fédérations (football, basket et tennis). Notre autre combat est de rendre les produits de sport accessibles au plus grand nombre. La question de la sédentarité est terrible pour nos clubs en France, on observe de vrais décrochages au niveau des adolescents, en tout cas de la pratique sportive. Après notre rencontre avec la ministre des Sports l’année dernière, nous avons voulu nous inscrire dans un schéma d’accompagnement de la pratique sportive à travers différentes actions.

Comment Intersport envisage-t-il de renforcer son rôle dans la promotion du sport comme outil de bien-être social, notamment auprès des jeunes générations ? Le don de 14 000 vélos à 700 collèges français s’inscrit-il dans cette démarche ?

G.P. : Complètement ! Ce don s’inscrit dans une démarche globale, la même que celle du ministère des Sports avec le programme “Deux heures de sport en plus au collège” ou 30 minutes au primaire.

Selon leur étude, on observe un important décrochage chez les 14-16 ans, encore plus chez les jeunes filles. La pratique licenciée baisse et celle au collège n’est pas forcément très adaptée pour les jeunes filles : handball, athlétisme et autres sports ne sont pas nécessairement très enthousiasmants de prime abord pour la jeune génération. Le ministère cherchait de nouvelles pratiques sportives à leur proposer. 

Ils ont donc créé des partenariats avec des salles en villes, hors gymnases de collège, des salles d’escalade, de danse… Des pratiques plus diversifiées et de mobilité durable pour se rendre vers ces lieux. Le vélo en faisait partie, et comme le ministère l’a évoqué, c’est un moyen inclusif de faire du sport. Nous avons souhaité apporter notre aide via notre usine de production de vélos et nos adhérents, qui vont financer ces vélos et les offrir, avec leurs casques, à 700 collèges en France. 

Cette démarche s’inscrivait totalement dans notre combat de “rénover” le sport pour la jeunesse. Nous voulions laisser un héritage pour demain, sans forcément rénover des terrains de foot ou autres, tous les enfants vont au collège, leur offrir un vélo avait un sens.

Quels ont été les éléments déclencheurs pour évoquer la santé mentale des adolescents comme axe principal de votre nouvelle campagne pensée avec Marystone ? Pourquoi cet insight plutôt qu’un autre ?

G.P. : C’est parti d’une rencontre avec le Ministère des Sports qui nous a partagé le fait que 66% des adolescents français présentent un « risque sanitaire préoccupant » du fait de la conjonction d’une trop grande inactivité physique (moins de 60 minutes d’activité physique modérée ou intense par jour) et d’une trop grande sédentarité (plus de 2h d’écran par jour). Les entrées en 6ᵉ puis en 4ᵉ correspondent à deux moments de décrochage de la pratique sportive en club, en particulier pour les jeunes filles.

Nous avons mené une étude propriétaire en parallèle auprès de 600 jeunes âgés de 12 à 18 ans qui nous disent que leur première motivation à faire du sport est d’évacuer le stress et la pression (61%).

À travers nos 100 ans et cette projection vers l’avenir, nous avons souhaité nous investir sur la promotion de l’activité physique qui est bonne pour le corps et la tête de notre jeune génération. C’est un vrai engagement pour nous et nous sommes ravis que le gouvernement en fasse sa grande cause nationale.

Nous ne voulions pas nous auto-célébrer avec une dimension promotionnelle sur l’année. Il y avait également cette volonté chez nos adhérents de ne pas être tourné vers le passé, mais de parler du siècle futur. Quoi de plus fort que de parler de la nouvelle génération ? Le sport était un formidable levier de respiration pour cette jeunesse.

Cette campagne évoque un peu celle de Dove, diffusée à l’occasion du Super Bowl, dont l’un des messages sous-jacent est que les filles ne font pas de sport en raison du rapport à un manque de confiance en soi et dans leur corps. Pouvez-vous partager des insights spécifiques ou des résultats surprenants issus de votre étude propriétaire concernant le rapport des adolescents au sport ?

G.P. : Je n’ai pas vu cette publicité malheureusement. Concernant notre étude, on voit clairement une différence de vision de la pratique sportive entre les parents et les enfants. Quand les parents souhaitent que leur enfant fasse du sport pour une dimension santé en premier lieu, les ados eux y voient un moyen de prendre du plaisir et de passer du temps avec leurs amis.

La pratique sportive au collège reste relativement académique et on voit que l’école a un rôle à jouer avec des pratiques différentes, plus inclusives, plus divertissantes. L’expérimentation de 2h en plus au collège s’inscrit pleinement dans cette mouvance et c’est mouvance que nous avons souhaité suivre avec notre don de vélos.

Le rapport au corps est un vrai sujet aujourd’hui, spécifiquement chez les jeunes. Les réseaux sociaux ont vraiment détruit une partie de la jeunesse et leur rapport à leur corps. C’est l’une des raisons derrière le décrochage des jeunes filles, le regard des autres. Ce qui est beaucoup moins prégnant chez les garçons. 

Dans nos communications publicitaires, nous tentons d’aller vers plus de réalisme. Auparavant, nous n’avions que des échantillons taille S, nous étions donc obligés de prendre des mannequins en S. Désormais, on tente de trouver des échantillons plus divers. 

C’est notre rôle, en tant qu’entreprise, de montrer la France telle qu’elle est. Intersport est très français, nous sommes présents sur tous les territoires, nous voulons montrer cette diversité-là. 

En avril dernier, le tribunal de commerce accepté l’offre de reprise de Go Sport par Intersport. Quelles sont les principales motivations derrière ce rachat, et comment cette acquisition s’inscrit-elle dans la stratégie globale de la marque de renforcer sa position sur le marché du sport et du prêt-à-porter ?

G.P. : À l’époque, Sport Direct, très présent en Angleterre nous faisait face, et était dans une stratégie offensive pour intégrer le marché français. De notre côté, nous souhaitions poursuivre la stratégie de développement de l’enseigne. En quelques années, nous sommes passés de 1 milliard à 4 milliards de chiffres d’affaires. Nous avons 100 ans d’exsitence avec une croissance très soutenue. 

En revanche, historiquement, nous avons toujours été absents des grandes agglomérations, comme Paris, contrairement à l’Ile-de-France où nous sommes encore très peu présents. Avec Go Sport, nous y avons vu l’opportunité extraordinaire d’acquérir des emplacements très complémentaires aux nôtres. Avec les JO 2024 en ligne de mire, ce rachat nous permettait d’avoir une dizaine de magasins “fanions” dans Paris, et en Petite-Couronne, tout en étant présent sur d’autres sites. Vis-à-vis des relations avec les marques internationales et du grand public, c’est important d’être dans Paris et en région parisienne, c’est un bassin de 12 millions de consommateurs. 

Quand on a l’ambition d’être numéro un en France, il faut s’en donner les moyens. Cela permettra d’accélérer fortement notre développement. GoSport Outdoor en fait partie et contribuera à aller chercher ce marché encore très peu organisé en France, mais en pleine progression : c’est celui qui progresse le plus sur le marché du sport – la marche, la randonnée, la randonnée urbaine, donc de l’urbain outdoor au camping, en passant par le trail et la mode outdoor. Patagonia, Veja, Columbia, toutes ces marques sortent dans la rue, Intersport a un rôle à jouer pour développer l’enseigne sous un autre angle.

Le rachat de Go Sport intervient dans un contexte où le secteur du prêt-à-porter milieu de gamme connaît des défis significatifs (même si Go Sport était en 5e position des enseignes en termes de dépenses sur le textile et la chaussure de sport). Comment Intersport envisage-t-il de naviguer dans cette crise et de transformer les défis en opportunités pour les deux enseignes ?

G.P. : Notre proposition est différente de ces enseignes-là, nous ne sommes pas dans le milieu de gamme, nous sommes avant tout le premier distributeur des grandes marques de sport internationales : adidas, Puma, The North Face, toutes ces marques connues qui restent extrêmement tendances et s’affichent dans la rue. Idem avec les sneakers, de 10 à 60 ans, les gens portent des sneakers. Nous sommes donc sur un secteur moins en crise que la chaussure. Nous avons également la chance de la proximité en région avec 900 magasins : chaque Français a un magasin Intersport à 20 minutes de chez lui. C’est certain que la tendance sport-mode nous est favorable. 

Nous avons aussi nos marques propres, des produits de premier prix, on couvre tous les besoins de la famille. C’est ce menu qui fait notre différence et notre “indépendance”. Notre santé est par ailleurs boosté par notre propre marketing, mais aussi le marketing des marques, qui crée l’envie en permanence : souvent, les marques qui souffrent ont leurs produits propres et doivent redévelopper des collections en permanence. Nous développons nos propres collections, mais nous avons la chance d’être le réceptacle du marketing des plus grandes marques internationales. C’est génial !

Parmi ces opportunités, comment percevez-vous l’évolution des marques de luxe vers un discours axé sur l’extérieur et la nature ? Cette tendance influence-t-elle la stratégie produit ou marketing d’Intersport notamment dans votre approche du prêt-à-porter et des équipements outdoor ?

G.P. : C’est plutôt le luxe qui suit le sport. On n’adapte pas notre stratégie, au contraire, on en bénéficie. On propose 80% de marques internationales et 20% de produits en marque propre. Nous suivons évidemment les tendances mode, mais ce n’est pas notre rôle, on travaille plutôt les premiers prix où l’on propose des produits très sympas : on ne s’interdit pas d’aller sur des produits un peu plus mode. Firefly est notre marque qui incarne cela.

Envisagez-vous des collaborations avec des marques de luxe ou des créateurs justement pour fusionner qualité, performance, style, innovation ?

G.P. : Sincèrement, non. Pas sur nos marques propres. L’objectif de nos marques propres est prioritairement de couvrir des quartiles de prix que les grandes marques ne couvrent pas. Et donc de rendre la mode accessible. Nous allons monter en gamme sur certains produits ou faire des collaborations, comme avec Sissy Mua et Puma sur le fitness. 

Lorsque les marques font des collections avec des artistes, ce n’est pas chez Intersport que ça se passe, c’est en distribution, en direct to consumer sur leur plateforme ou dans leurs propres magasins. Notre objectif est de rester populaire, pas de nous diriger le luxe. Ce serait perdre un peu qui on est et perdre nos clients. Il faut faire attention. En revanche, aller chercher Mbappé sur la chaussure de foot, oui. Aller chercher les meilleurs sur le sport, oui aussi. C’est notre ADN, qui nous sommes. 

Dernière question de l’interview et question traditionnelle de notre rubrique : quel est, selon vous, le secret d’une relation agence-annonceur réussie ?

G.P. : Des gens qui se comprennent, le rapport humain est important. Ce sont aussi des gens qui partagent, lorsque l’agence se met complètement à la place de l’annonceur, rentre dans sa peau et essaie de comprendre tous ses points de vue. Et c’est quelqu’un qui a travaillé en agence qui le dit. Comme dans une relation, il faut se mettre à la place de l’autre. 

Communiquer, trouver des solutions ensemble, même si on a des différents. Une bonne relation est basée sur une discussion permanente et de la compréhension commune. J’ai toujours eu des clients très fidèles en agence. Plus la relation est longue et donc la compréhension de ses enjeux, mieux on répond à ses problématiques. Cela fait 7 ans que nous collaborons avec l’agence Marystone.

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