Cette interview fait partie du numéro spécial RSE de notre newsletter.
Alors que le secteur de la puériculture est dominé par des marques historiques et des modèles industriels bien rodés, Les Petits Culottés font figure d’exception. En six ans, la jeune marque française de couches a su s’imposer avec un modèle en circuit court, 100 % fabriqué dans les Vosges, qui revendique un engagement RSE profond, sans surpromesse ni greenwashing. Son cofondateur, Matthieu Batteur, défend une démarche fondée sur le bon sens, la transparence, et un lien direct avec plus de 130 000 familles.
À l’occasion de notre newsletter dédiée à la communication RSE, Matthieu Batteur revient sur les choix structurants des Petits Culottés : production locale, vente sans intermédiaire, mesure rigoureuse de l’impact, soutien à des causes urgentes… Une vision de l’entreprise engagée, pragmatique et incarnée, qui vise à concilier performance, exigence écologique, et utilité sociale.
En quoi le modèle 100 % français et en circuit court des Petits Culottés répond-il aux enjeux RSE du secteur de la puériculture ? Votre production dans les Vosges et la vente directe aux parents vous démarquent fortement. Quels bénéfices concrets cela génère-t-il en matière d’empreinte carbone et d’impact local ?
Matthieu Batteur : Les Petits Culottés, c’est une aventure qui a démarré il y a six ans. L’impact RSE est venu naturellement, pas par obligation, mais presque comme un choix économique. À l’époque, on commençait à parler de la présence de glyphosate dans les couches pour bébés. Johan (Bonnet, co-fondateur Les Petits Culottés, NDLR) allait devenir papa, et on s’est demandé s’il n’y avait pas une possibilité de créer une couche radicalement différente de ce qui existait sur le marché.
On a rencontré un fabricant dans les Vosges. On lui a soumis un cahier des charges très exigeant, et il nous a regardés comme si on était fous. On voulait remplacer les matériaux chimiques par des matériaux naturels, ce qui permettait de réduire les perturbateurs endocriniens, avec des analyses toxicologiques à l’appui. On demandait aussi des performances supérieures en absorption par rapport aux couches synthétiques, ce qui impliquait d’intégrer plus de matières naturelles. Résultat : des couches un peu plus épaisses, ce qui crée un petit amorti agréable pour le bébé, mais surtout une meilleure absorption, ce qui est essentiel pour les parents.
Tout cela – la non-toxicité, la performance, la fabrication française – rend notre couche 50 % plus chère à produire que celles des grandes marques de la grande distribution. C’est ce qui nous a poussés à inventer un modèle en circuit court. À l’époque, plus de 2 000 camions par mois traversaient la France depuis l’Europe de l’Est pour approvisionner le marché en couches. Nous, on a choisi de produire dans les Vosges et de livrer directement les parents, sans intermédiaire. C’est ce qu’on appelle le circuit éco.
Grâce à ça, on propose un prix équitable pour les parents. Et sur le plan environnemental, c’est un modèle très vertueux : les couches vont directement de l’usine au domicile des familles. Côté carbone, il faut comprendre qu’un circuit classique implique plusieurs étapes logistiques : fabrication en Europe de l’Est, entrepôts européens, entrepôts français, puis les supermarchés. Nous, on supprime toutes ces étapes. Côté local, on a créé plus de 130 emplois en six ans dans une région où la production de couches avait quasiment disparu il y a dix ans. Aujourd’hui, il y a un bébé sur dix en France qui porte une couche Les Petits Culottés.
Transparence, absence de perturbateurs endocriniens, composition claire… Comment bâtit-on la confiance avec plus de 130 000 familles ?
M.B. : Ça repose sur deux choses. D’abord, il y a les prérequis. Pour les parents, c’est du bon sens : il faut que la couche soit plus absorbante. Si elle ne l’est pas, ils ne recommanderont pas. Donc c’est avant tout rationnel. Ensuite, il y a la question de savoir où on achète, chez qui, et ce que ça implique derrière. C’est presque un bulletin de vote. Les gens savent où c’est fabriqué, dans quelles conditions, et quel impact ça a. On crée de l’emploi, on fait travailler huit ESAT (Établissement et service d’accompagnement par le travail) à la production. Il y a une transparence totale sur ce que l’on fait.

Et aujourd’hui, avec ce qu’il se passe dans le monde, les tensions internationales avec les États-Unis, ça n’a plus vraiment de sens d’acheter une marque verte historique qui vient de l’autre bout du monde. Nous, on est un peu le petit Astérix qui vient mettre le bazar sur le marché des couches.
Vous réalisez aujourd’hui plus de ventes en ligne que les géants du e-commerce comme Amazon. Quel rôle joue votre engagement RSE dans cette performance ?
Est-ce un levier de différenciation ou une nouvelle norme que les consommateurs exigent désormais ?
M.B. : Aujourd’hui, tous les consommateurs veulent naturellement commander mieux, plus sain. C’est pour ça que même ceux qui vont lire l’article peuvent se dire qu’il y a des opportunités XXL à tous les niveaux, parce que les gens souhaitent ça. La vraie question, c’est : comment on rend ça accessible ? Il faut que ce soit viable financièrement pour que l’entreprise soit rentable, et en même temps, il faut que les parents puissent acheter moins cher que les marques historiques. C’est ce qu’on a réussi à faire.
Quand je parle de grande distribution, je pense aussi bien aux magasins physiques qu’à Amazon. Amazon prend 15 % de commission sur chaque vente, ce qui est supérieur à notre marge. Donc ce n’est même pas envisageable. Notre modèle ne permet pas les intermédiaires. Si on veut proposer le meilleur produit possible, il ne peut pas y avoir quelqu’un qui vienne marger dessus, que ce soit un supermarché ou une marketplace.

Comment mesurez-vous l’impact environnemental et sociétal de votre entreprise ?
Avez-vous mis en place des indicateurs spécifiques, des labels, ou des audits indépendants ?
M.B. : Il y a deux gros volets. D’un côté, il y a tout ce qu’on fait sur l’ACV (Analyse de cycle de vie). À chaque décision, on se demande si elle a vraiment un impact positif. Par exemple, si on veut remplacer le voile intérieur par un voile naturel à base d’amidon de maïs, est-ce que c’est réellement meilleur pour l’environnement ? Il y a parfois des idées reçues, alors on préfère vérifier. On l’a fait aussi sur le photovoltaïque : il y a quelques années, on pensait que c’était la solution, et aujourd’hui, on revient un peu dessus. Donc, on audite tout, on ne se contente pas de suppositions.
On travaille avec CorpoKarma, un auditeur qui a aussi travaillé avec l’Élysée. On leur donne toutes les informations, au-delà des analyses toxicologiques, au-delà des rapports d’absorption. On va au maximum de ce qu’on peut fournir.
Sur le plan sociétal, on a franchi une nouvelle étape en devenant entreprise à mission le 1er janvier. On a modifié nos statuts en assemblée pour inclure nos engagements, qu’ils soient sociétaux ou humains. Et maintenant, on est redevables : nous sommes audités à chaque fin de cycle pour vérifier que l’on tient nos engagements.

Votre engagement ne s’arrête pas à l’écologie. Vous soutenez aussi des associations. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre démarche sociétale ? Quel lien entretenez-vous avec les familles en difficulté, et quel rôle joue cet engagement dans votre mission d’entreprise ?
M.B. : Nous sommes très sollicités, notamment en cas d’urgence. Je me souviens d’une association qui nous avait appelés parce qu’ils avaient dû acheter des médicaments contre le cancer pour des nourrissons. C’était juste l’horreur, et ça coûte extrêmement cher. Ils n’avaient plus les moyens d’acheter des biens de première nécessité, comme des couches. Dans ces situations-là, on répond toujours présent, au maximum de ce qu’on peut faire. Le critère de choix, c’est l’urgence.
Par exemple, nous participons au Salon Baby de Lyon le week-end prochain. En fin de salon, il nous restera des couches que l’on mettra sur des palettes pour les envoyer à un orphelinat en difficulté. On a été contactés, et dès qu’on peut apporter un petit plus, on le fait.

On est aussi très investis dans le reboisement. Les forêts des Vosges et du Jura ont été touchées par une épidémie de scolytes, un insecte qui tue les arbres en moins de trois semaines. Il y a eu des programmes de reforestation, mais aujourd’hui, beaucoup de forêts sont plantées en mono-essence, ce qui empêche leur système immunitaire naturel de se développer. Nous, on replante systématiquement, avec plusieurs essences. Il y a quinze jours, on a replanté plus d’un hectare.
C’est directement lié à notre produit, puisque la cellulose qu’on utilise dans nos couches est issue du bois. On veut boucler la boucle : ce qu’on prélève, on le restitue.
Après les couches, vous avez lancé du lait infantile bio. Comment garantissez-vous que l’ensemble de votre gamme respecte les mêmes exigences RSE ? Est-ce un enjeu de croissance ou une nécessité pour maintenir la cohérence de votre positionnement ?
M.B. : La couche compostable, c’est un peu l’aboutissement de notre démarche. On veut aller jusqu’au bout. À terme, il y aura deux extrêmes : d’un côté, une couche entièrement synthétique, et de l’autre, une couche entièrement compostable, qui pourra être utilisée comme engrais ou même produire du gaz si elle passe dans un méthaniseur. On est les premiers à la sortir, mais pour l’instant, elle coûte encore trop cher à produire pour qu’on puisse la proposer à nos abonnés. On la réserve donc aux maternités.
Pour le lait, c’est un peu différent. Ce n’était pas prévu, c’est un sujet qui nous est tombé dessus. On s’est rendu compte que la réglementation sur les laits infantiles n’était pas assez stricte, même pour le bio. On a eu des parents qui nous ont dit : on ne vous demande même pas de faire un lait, on voudrait juste un lait sûr, qu’il n’y ait pas un retrait dans six mois qui nous fasse culpabiliser d’avoir empoisonné nos enfants.
Alors, on a commencé à creuser et notre lait est supérieur en terme de qualité pour une raison simpla : beaucoup de laits aujourd’hui sont très transformés et réalisés à partir d’une base appauvrie en lait auquel est ajouté du sucre et/ou des huiles végétales, donc du gras. Nous, on a fait l’inverse : un lait écrémé bio, que l’on vient rééquilibrer pour qu’il réponde à la formule du lait maternel, qui est une référence.
Et en matière d’impact RSE, on travaille avec la filière Biolait. Ce sont les éleveurs qui fixent eux-mêmes le prix du lait. On achète deux fois plus cher que le prix habituel. Chaque éleveur a 25 vaches, avec un hectare par vache, elles ne sont pas sous hangar et passent 300 jours par an dehors, alors que la moyenne est plutôt de 100 à 150 jours. Le bien-être animal est réel, et on le finance. Ça devrait être la norme, mais ce ne l’est pas.

Quels conseils donneriez-vous à un entrepreneur qui souhaite lancer une marque engagée, dans un secteur ultra-concurrentiel ? Face aux géants du marché, qu’est-ce qui vous a permis de tenir et de réussir ?
M.B. : S’il y en a qui ont des idées, il ne faut pas qu’ils hésitent à me contacter. Je peux les aider à titre de mentor, sans avoir de parts dans leur boîte. Il y a trop de groupes qui cherchent le profit avant la qualité produit. Avec Johan, mon associé, on peut vraiment filer un coup de main avec plaisir.
Il faut surtout repenser le modèle. Tout le monde dit qu’il faut être présent en grande distribution, dans les magasins bio, avoir des commerciaux… C’est un peu le modèle du passé. Aujourd’hui, quand un produit est réellement bon, le bouche-à-oreille fonctionne. Et si, en plus, la communication est un peu décalée, si ça nous fait marrer, c’est encore mieux. On le fait aussi pour se faire plaisir au quotidien.
L’impact RSE, l’impact environnemental, c’est juste la conséquence. On se lève le matin, on fait le max à notre niveau, on essaie de faire bouger les choses. Et derrière, il y a une vraie communauté de parents qui nous suit et qui nous donne confiance tous les mois.
Quels sont vos supports de communications privilégiés ? Avec quelles agences travaillez-vous ?
M.B. : Aujourd’hui, on travaille avec plusieurs agences, mais pas forcément dans le digital. On aimerait d’ailleurs diversifier nos canaux, ne pas rester uniquement dépendants du digital. On fait aussi de l’affichage en campagne, c’est important pour nous d’avoir une présence offline. L’agence avec laquelle on travaille actuellement, c’est Spark.

Quel est le secret d’une relation agence-annonceur réussie ?
M.B. : Pour nous, ce qui fait la différence, c’est de ne jamais s’installer dans une routine. Il faut toujours se remettre en question, tester de nouvelles choses, même si parfois ça ne fonctionne pas. L’idée, c’est de ne pas passer à côté d’une opportunité, d’être constamment en veille, de regarder ce qui se fait ailleurs.
C’est aussi une relation du quotidien. Si demain les agences avec lesquelles on travaille ne se mettaient plus à jour, on arrêterait naturellement de collaborer. Mais tant qu’on avance ensemble, de façon décomplexée, qu’on peut faire un meeting et bien rigoler, alors on continue.