Google est-il en train de perdre la bataille de l’information ?

Par Jérémy Lacoste le 25/06/2025

Temps de lecture : 5 min

Le social media, ce nouveau 20 heures.


Nous sommes ravis de retrouver Jérémy Lacoste, contributeur sur la Réclame .mark&tech. Jérémy est directeur général France de l’agence Eskimoz. C’est un expert du marketing digital, des martech et de la publicité en ligne. Il a pour grande qualité de partager chaque semaine ses analyses et observations, que ce soit sur LinkedIn, en tant qu’enseignant ou dans ses tribunes sur la Réclame.


L’information est tombée cette semaine. D’après une large étude menée par Oxford et Reuters auprès de 100 000 personnes reparties dans 48 pays, les réseaux sociaux sont désormais la 1ère source d’information. Inédit depuis que cette mesure existe !

Qu’en conclure ? Les logiques de construction et transmission de l’information se font de plus en plus au détriment des médias traditionnels et des moteurs de recherche, au profit de plateformes qui intermédient. Une tendance très marquée aux États-Unis, par exemple. 

On notera également la percée des podcasts aux États-Unis, à 15 % contre seulement 13 % pour la radio.

Même dynamique en France :

Un chiffre : 2/3 des personnes interrogées s’informent désormais via la vidéo sur les réseaux sociaux. Un basculement sans précédent qui impact directement ce qui a fait toute la légitimité d’acteurs comme Google dont le leitmotiv a toujours été « d’organiser la connaissance / l’information mondiale ». 

Pourtant, on voit bien qu’en fonction des générations, les pratiques s’oxymorisent : aux jeunes les réseaux sociaux, la vidéo et le podcast ; aux plus anciens la télévision, la radio et la presse écrite. Aucune surprise évidemment dans ces chiffres.

La fuite de l’information

Simplement, derrière ce glissement de la consommation de l’information sur les plateformes sociales, c’est le risque de la perte des annonceurs qui se profile pour Google & co. Les budgets vont là où se trouvent les audiences.  

Et les chiffres sont têtus : alors que l’utilisateur moyen passe 1 heure par jour sur TikTok, il fait en parallèle 4 requêtes journalières sur Google… Imbattable en termes de captation d’attention !

Le meilleur exemple : Unilever, 1ᵉʳ annonceur mondial, a décidé de réorienter ses budgets média vers les réseaux sociaux, pensant de 30 % à 50% sur les prochaines années. On parle de milliards. Avec une ambition simple : chercher à collaborer avec 20 fois plus d’influenceur.

Un ponte de chez eux le résume d’une phrase :  « Il y a 19 000 codes postaux en Inde. Le Brésil compte 5 764 municipalités. Je souhaite un influenceur dans chacune d’elles. »

Un véritable changement de paradigme, à l’heure où je le rappelle, malgré une croissance forte, l’influence marketing ne représente que 6 % des budgets d’après la dernière étude Gartner.

La question qui se pose en creux : la qualité d’une information partagée par un influenceur que l’on suit est-elle supérieure à celle qui est relayée sur Google (ou sur un média traditionnel) ?

Même si les moteurs de recherche conservent un très haut niveau de confiance si l’on en croit l’étude Ipsos et Eskimoz, le vernis commence à craqueler petit à petit.

Repenser le contenu

Après tout (et je suis bien placé pour le savoir), un résultat en top 1 SEO/SEA ne préjuge pas de la seule qualité de la réponse apportée à la requête, mais renseigne plus sur la qualité des équipes search de l’annonceur ou de son agence. Un écueil qui peut tout autant frapper les réseaux sociaux si l’on se rappelle l’expérimentation d’un journaliste britannique qui, grâce à des relais sur Instagram, a réussi à faire de son faux resto le N°1 sur le TripAdvisor londonien. Sans jamais avoir servi un plat ! 

1 partout, balle au centre ?

Néanmoins, pour le dire d’un mot, la standardisation et le formatage de l’information telle que traduite sur Google et consorts ne correspond plus forcément aux standards discursifs de la jeune génération qui va avoir tendance à plus investir une narration à la 1ère personne mêlant pathos, prise de position et vidéos à la clé. 

Le médium ne fait plus le média. Et Hugo Décrypte fait plus de vues que le JT de 20 heures. En parallèle, la plupart des médias US voient leur courbe de trafic Google s’effondrer depuis quelques années (ralentissement des usages de consommation de l’information ; paywall ; Discover aux règles arbitraires…) . Une tendance qui a pris un coup d’accélérateur depuis que la firme de Mountain View déploie AI Overview et AI Mode. C’est bien simple, en 3 ans Business Insider, le Huffpost ou encore le Washington Post ont perdu quasiment 50 % de visite venant de Google.

Exemple : la courbe de trafic SEO du Washington post

Au point que l’on peut se demander si après le moment Facebook Zéro qu’ont connu les éditeurs il y a 10 ans (la fin des visites depuis Facebook), ils ne vont pas connaître le Google Zéro bientôt ? C’est, en tout cas, le chemin que l’on semble prendre, en témoigne la bataille sur les droits voisins ou encore les résistances de certains à partager gratuitement leur contenu pour remonter dans les aperçus IA.

Quoi qu’il en soit, si les moteurs de recherche n’ont pas encore cédé aux sirènes de l’influence, il n’en demeure pas moins qu’ils n’ont pas non plus baissé les bras sur la bataille de l’information.

J’en veux pour preuve ces quelques éléments :
– Mise en avant du contenu produit sur les réseaux sociaux justement avec une surpondération de leur visibilité directement sur la SERP ou l’onglet ‘vidéos courtes’ ;
– Promotion des critères EEAT afin de valoriser la production de contenu de qualité et l’expertise de son auteur ;
– Déploiement de Google Discover sur desktop élargissant ainsi le panel de diffusion (et la dépendance des médias) ;
– Visibilisation des contenus communautaires produits et partagés sur Wikipedia, ou autres forums types Reddit, mais aussi plus globalement tout ce qui relève du testimonial ou de l’avis clients ;
– Priorisation des sources issues des médias d’autorité sur les AI Overviews et les premiers affichages dans AI Mode.

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