Pour 70 % des Françaises, c’est un grand NON.
Il est des sujets dont on sait qu’ils sont à éviter pour passer une bonne soirée entre amis ou un repas dominical sans escarmouches : politique, religion, performances du PSG en Ligue des champions et plus récemment Covid et vaccins, attention, vous avancez en terrain miné.
En cette année d’élection présidentielle, la politique est forcément au centre des débats, même si les débats entre candidats eux, ont brillé par leur absence. Les clivages entre militants des différents partis, notamment sur la toile, paraissent insolubles. Mais qu’en est-il au sein d’un couple ? Et les opinions politiques pèsent-elles dans le choix d’un.e conjoint.e ? Les contraires s’attirent ou l’adage « Qui se ressemble s’assemble » prévaut-il ? Plus directement : « Peut-on aimer un homme soutenant un candidat qui porte un discours ouvertement misogyne ? S’est-on déjà fait passer pour quelqu’un de progressiste (ex : féministe, LGBTfriendly…) afin d’arriver à ses fins ? De quelle façon les discordances d’opinion peuvent altérer ses relations affectives ? Les divergences de vote à l’élection présidentielle peuvent-elles être un motif de rupture au sein de son couple ? » Ce sont les thèmes volontairement aguicheurs de la dernière étude IFOP* pour Gleeden.
Alors qu’Eric Zemmour semble bénéficier d’une omniprésence médiatique à chacune de ses sorties (phénomène rappelant celui dont a bénéficié Donald Trump dans sa course à la présidence), cela ne semble pas bénéficier à ses électeurs : 64 % des Français refuseraient d’être en couple avec un zemmourien. Un ostracisme qui semble toucher tous les extrêmes, du RN (55 %) à la France insoumise (47 %).
« Les partisans de ce polémiste perçu comme sexiste (cf étude IFOP/Elle – 2021) font l’objet d’un rejet massif au sein de la gent féminine : 70 % des femmes (contre 57 % des hommes) refuseraient cette perspective avec un électeur Zemmour, dont un nombre particulièrement élevé de femmes de gauche (81 %), se disant très féministes (79 %) ou de confession musulmane (84 %) », pointe l’étude.
Les partisans de l’extrême droite (Zemmour et RN compris) sont ceux qui font l’objet du plus fort rejet pour une mise en couple ou un simple rapport sexuel. Dans une société où les questions d’égalité, de diversité et d’inclusion deviennent de plus en plus prégnantes, le conservatisme sociétal attribué à certains candidats semble donc rédhibitoire.
« Les électeurs Zemmour apparaissent toujours comme les électeurs paraissant les plus misogynes (43 %, contre 7 % pour électeurs Mélenchon) ou les plus homophobes (45 %, contre 6 % pour Marine Le Pen). De même, et il y a sans doute un lien de cause à effet, l’électeur d’Éric Zemmour apparaît aux Français(es) comme celui qui serait le “plus difficile à présenter” à leurs proches : 36 %, contre 8 % pour électeurs Mélenchon et 7 % pour Marine Le Pen. »
« Dans une société de plus en plus sensible aux droits des femmes, le soutien à un candidat aussi ouvertement misogyne qu’Éric Zemmour constitue un motif de disqualification sur le marché de la rencontre : le vote pour le polémiste suscitant une aversion dépassant largement l’hostilité traditionnellement affichée à l’égard des sympathisants d’extrême-droite, explique François Kraus, directeur du pôle “Politique / Actualités” et responsable de l’expertise “Genre, sexualités et santé” de l’IFOP. Véritables “épouvantails” sur le marché de la rencontre, les électeurs d’extrême-droite, et tout particulièrement ceux d’Éric Zemmour, semblent générer, en matière de choix matrimonial, une forme de “radical right marital gap” assez comparable au “radical right gender gap” qui, en sociologie électorale, désigne ce “sous-vote” qui affecte l’extrême-droite au sein de l’électorat féminin. »
Chez les jeunes, que l’on dit plus engagés que leurs aînés, les divergences d’opinions sont un frein plus marqué à toute relation. 50 % des moins de 25 ans disent avoir déjà renoncé à nouer une relation alors même que la personne leur plaisait ou à « ne pas en approfondir une » (56 %) pour ce motif. Chez les Français dans leur ensemble, cette part est beaucoup plus modérée, seulement 22 % et 38 %.
La politique peut donc être un sujet tabou entre amis, en famille, au sein du couple, mais aussi « dans la phase de séduction ». Une peur d’afficher ses opinions qui inciteraient certains à les dissimuler (19 %), se faire passer pour quelqu’un de plus ouvert qu’ils ne le sont réellement (11 %) ou à l’inverse de plus conservateur (11 %). Des stratégies de dissimulation de plus en plus courantes, baptisées « wokefishing ». Une pratique qui apparait majoritairement masculine d’après l’enquête.
Près d’un homme sur quatre (23 %, contre à peine 15 % de femmes) admet avoir déjà dissimulé leurs convictions politiques afin de séduire quelqu’un, et près d’un homme sur quatre (23 %, contre à peine 15 % de femmes) admet avoir déjà dissimulé leurs convictions politiques afin de séduire quelqu’un.
« S’il est sans doute symptomatique d’une forme de “conservative-shaming” pouvant exister dans les milieux progressistes, le “wokefishing” révèle surtout une prise de conscience croissante du fait que converger sur certains sujets (ex : société) contribue fortement au rapprochement des corps et des esprits… », explique François Kraus. Il nuance cependant : « Toutes les attitudes de dissimulation des divergences politiques dans le couple ne doivent pas forcément être placées sous le sceau du soupçon. On peut aussi y voir la trace de l’application d’un “principe de précaution” chez des sondés qui ne souhaitent pas activer des clivages potentiellement dangereux pour leur relation ».
De la même manière, une fois la relation établie, les Français interrogés préfèrent éviter les sujets qui fâchent : 48 % évitent de parler politique, 39 % présentent tout de même leur partenaire à leur famille en évitant de parler politique (bon courage pour les repas de fêtes) et 30 % ont au contraire fait le choix de ne pas le/la présenter à des proches ennemis raison de ses convictions politiques. 20 % des Français ont déjà rompu une relation pour ces raisons, une part qui grimpe à 48 % chez les 18-24 ans.
42 % des Français se disent même prêt à quitter leur moitié s’il/elle vote Zemmour, une part encore plus significative chez les femmes (42 %) et notamment celles de moins de 25 ans (57 %).
Bonnes soirées électorales à tous.toutes !
- Méthodologie : Étude Ifop pour Gleeden réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 14 au 17 mars 2022 auprès de 2 002 personnes âgées de 18 ans et plus.