Duolingo mise tout sur l’IA, ses utilisateurs crient à la trahison

Par Iris M. le 28/05/2025

Temps de lecture : 3 min

Et les investisseurs se ruent sur les actions.

Duolingo n’est pas qu’une application : c’est un phénomène. Et lorsqu’elle décide de faire table rase de ses réseaux sociaux, c’est tout Internet qui s’en émeut. La semaine dernière, ses millions de followers ont vu disparaître le contenu habituel – depuis revenu –, remplacé par un hibou sombre, à trois yeux, au look de dissident numérique. Cette version « rebelle » de la mascotte Duo a pris la parole pour dénoncer la direction de l’entreprise. Un storytelling de crise, tentant de faire passer la pilule après l’annonce d’un changement stratégique bien réel : le passage de Duolingo à une stratégie « AI-first ».

En avril, Luis von Ahn, PDG de Duolingo, a officialisé ce virage technologique. L’objectif : s’appuyer sur l’intelligence artificielle pour accélérer la production de cours, tout en personnalisant davantage l’expérience utilisateur. Un bouleversement que le dirigeant compare à la migration de Duolingo du web vers le mobile en 2012.

Mais cette transition ne fait pas l’unanimité. Selon l’agence CARMA, les réactions sont partagées. À l’échelle mondiale, 41 % des commentaires sont défavorables. Les utilisateurs historiques craignent une déshumanisation de l’apprentissage. Les mentions de « helpful » ou « love » sont peu à peu remplacées par « delete » ou « quitting ». Il suffit de regarder les commentaires des posts récents de la marque au hibou : une grande majorité des tops commentaires n’ont rien à voir avec le post en question et tout à voir avec ce passage à l’IA. 

Pour répondre à la critique, Duolingo a misé sur une mise en scène au ton dramatique : le hibou rebelle accuse la direction d’avoir tout détruit « avec un seul post sur l’IA ». Le coup de com’ fonctionne, mais les inquiétudes persistent. Pour tenter d’apaiser les tensions, une seconde vidéo met en scène un échange entre Luis von Ahn et la mascotte. Le PDG y défend sa vision d’une IA « assistante » plutôt que « remplaçante », et rappelle que les humains restent au cœur de la production. Preuve selon lui : 100 nouveaux cours créés en moins d’un an, grâce à l’IA… mais sous supervision humaine.

Ce discours ne convainc pas tout le monde, d’autant que Duolingo a déjà supprimé 10 % de ses prestataires début 2024. Une décision qui, sans toucher les employés permanents, a relancé les débats sur l’avenir du travail dans l’edtech. Et Duolingo n’est pas un cas isolé : Salesforce, Meta ou encore IBM ont, eux aussi, restructuré autour de l’IA, avec des conséquences sociales parfois lourdes.

Au-delà du débat sur l’IA, c’est l’architecture même de Duolingo qui questionne. Pensée comme un jeu mobile ultra-addictif, l’application capte l’attention des enfants à travers une mécanique de points, de récompenses et de classements. Ce système, redoutablement efficace, favorise l’engagement, mais peut détourner du réel objectif pédagogique. L’apprentissage devient secondaire face à la recherche de XP et de séries ininterrompues.

Le hibou militant n’a peut-être pas tort : à force de pousser toujours plus loin les mécaniques de gamification et d’optimisation algorithmique, Duolingo risque de perdre ce qui faisait sa force première — une approche ludique, mais humaine de l’apprentissage. 

À lire les commentaires, on a l’impression de revoir Jaguar avec son rebranding – mais à voir le cours de la bourse, c’est tout le contraire qui se produit. Ce dernier mois, l’action a augmenté de +140,66 $ (+36,60 %). Donc même si le grand public est résolument anti-IA, les investisseurs, eux, semblent y voir un gisement de future rentabilité.

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