Sans oublier la piste de la complémentarité avec le mobile.
Cette interview fait partie de notre newsletter DOOH.
Le DOOH poursuit sa montée en puissance dans les plans médias, fort d’une offre en pleine expansion, de nouveaux modes d’achat programmatiques et d’un positionnement stratégique entre branding et performance. Pour Havas Media Network, ce média, longtemps vu comme un simple prolongement digital de l’affichage classique, est désormais un levier à part entière, capable de répondre à des enjeux multiples – de l’impact visuel à la précision du ciblage.
Mais si les campagnes 100 % DOOH deviennent réalité, le média reste perfectible. En première ligne : la mesure, encore fragmentée, la créativité, sous-exploitée, et la data, dont l’usage reste à affiner. Théo Fontenit, Head of OOH de Havas Media Network, partage avec nous son diagnostic du marché et les chantiers à venir. Et nous témoigne de sa passion pour le DOOH, « un média ultra-dynamique » où les innovations émergent chaque mois.
Quelle est l’appétence des marques que vous accompagnez pour le DOOH ?
Théo Fontenit : Depuis l’émergence du DOOH sur le marché français, il y a environ une dizaine d’années, notre approche a été d’intégrer le DOOH au sein du pôle d’expertise d’affichage classique, et de travailler en complémentarité ces deux supports pour avoir, d’un côté, la puissance de l’affichage conventionnel, et de l’autre, les capacités de ciblage du DOOH. Nous avons ainsi recommandé à nos clients des dispositifs out-of-home omnicanaux depuis le début. Aujourd’hui, c’est naturel pour eux et pour nous de travailler les dispositifs de cette manière.
Il y a quelques années, il était impossible pour nous de construire des plans 100 % DOOH parce que l’offre n’était pas suffisante. Aujourd’hui, on a un tel déploiement de l’offre qu’on est en mesure de proposer des campagnes full DOOH, en multipliant les univers et les points de contact.
C’est un média ultra-dynamique, passionnant, parce que tous les mois, quasiment, une nouvelle régie ou une nouvelle offre arrive sur le marché. Cela rend le média très réactif aux attentes des annonceurs.
La croissance du DOOH a été spectaculaire en 2024. Comment l’expliquez-vous ?
T.F. : Pour moi, il y a trois leviers qui expliquent cet essor du DOOH.
Premièrement, la structure de l’offre. Je le disais en préambule : nous avons une multiplicité des offres, et régulièrement l’apparition de nouvelles offres et de nouvelles régies. Mécaniquement, cela fait croître la part du média. Le DOOH gagne des parts de marché par rapport à l’affichage classique.
Le deuxième levier, ce sont les nouveaux modes d’achat, notamment avec le programmatique. Cela nous permet d’aller chercher de nouveaux annonceurs qui n’activaient pas l’OOH, et qui étaient sur des mix full digital, ou télé/digital. Dans des logiques d’activation omnicanale, on arrive à faire entrer le canal DOOH dans des briefs sur lesquels notre pôle OOH n’était pas interrogé auparavant.
Troisièmement, des médias comme la TV ou la radio ont plus de mal à toucher certaines cibles, les jeunes par exemple. Cela favorise le DOOH qui permet d’atteindre ces cibles de manière très concrète.
Quid de la créativité ? Le GPCE n’a rien primé ou presque en DOOH cette année.
T.F. : Aujourd’hui, nous sommes encore loin de ce qu’on pourrait faire en termes de créativité en DOOH. D’abord, les formats des écrans ne sont pas exploités créativement au maximum de leur potentiel. Par exemple, dans les transports, le jeu créatif sur les grappes d’écrans pourrait être souvent optimisé.
Ensuite, c’est un média de contextualisation. Dans le cadre d’une campagne multi univers — gare, métro, salle de sport, outdoor, malls, une unique création va être livrée dans 90 % des cas. Alors que l’un des atouts majeurs du média, c’est justement sa capacité à s’adapter à chaque point de contact. Chaque visuel devrait être adapté à l’endroit où il va être diffusé. Nous en sommes encore loin. Il y a un vrai travail à faire auprès des agences créatives et des annonceurs.
Quelle est la part du DOOH dans les campagnes OOH de vos clients ?
T.F. : Aujourd’hui, le DOOH représente entre 21 et 22 % des investissements dans le média affichage sur le marché français. C’est une proportion plus élevée, à hauteur de 24% chez Havas Media Network.
Que représente le pDOOH au sein des campagnes DOOH ?
T.F. : Le DOOH programmatique représente entre 1 et 5 % du DOOH selon les agences du marché.
Pourquoi le pDOOH est-il encore si confidentiel ?
T.F. : Je sens qu’il y a un shift qui s’opère cette année, en tout cas chez Havas Media Network. Nous constatons un regain d’intérêt pour le programmatique DOOH. Je l’explique notamment par un facteur : nous arrivons à proposer et à commercialiser des campagnes programmatiques DOOH plus aisément lorsqu’elles sont intégrées dans des logiques omnicanales.
Avec le pDOOH, c’était auparavant séduisant de se dire : « nous allons faire une campagne météo-sensible, et dès qu’il fera plus de 25 degrés, le message pourra être diffusé ». Dans la réalité, les clients ne le font pas, ou le font une fois pour tester, mais ils n’y reviennent pas.
Le problème est que si on opère le programmatique DOOH de manière isolée, on doit être en mesure de justifier l’efficacité du média. Et l’approche programmatique coûte plus cher. Les CPM sont plus élevés, on ajoute des couches de data, des frais de plateforme, du trading… Et si je ne peux pas prouver que ça a été efficace, le client ne reviendra pas. Or, les DSP ne nous donnent aucun bilan précis sur les performances liées au ciblage comportemental.
Ce qu’on essaie de faire maintenant, c’est d’intégrer le programmatique DOOH dans des logiques omnicanales, et de mesurer l’efficacité de la complémentarité des leviers. Par exemple, on a activé du programmatique audio avec du programmatique DOOH, et ça a été efficace. Nous travaillons avec des DSP comme The Trade Desk, qui sont capables de fournir des études d’efficacité.Nous avons mené une campagne pour Optic 2000, et les résultats étaient très probants et le client très satisfait.
Cette approche nous permet de récupérer des budgets digitaux, sans cannibaliser les budgets DOOH classiques. C’est tout bénéfice pour nous.
Ce qui manque encore aujourd’hui, plus globalement sur le média DOOH, c’est une mesure unifiée de la performance entre les différents univers. Chaque univers – transport, mall, outdoor – a sa propre méthodologie, et nous sommes incapables de donner une audience globale unique. C’est l’étape suivante qu’on attend tous avec impatience.
Le DOOH, qu’on appelait au départ affichage digital, a connu débuts rocailleux, car il était vu comme un média énergivore et peu écoresponsable. Est-ce toujours un sujet ?
T.F. : Oui, les médias en parlaient beaucoup. Le DOOH a été montré du doigt parce que c’est un média très tangible et visible. Tout le monde y est exposé, donc forcément, il suscitait des questions.
Il y a eu tout un travail qui a été mené par l’UPE, l’Union de la Publicité Extérieure, pour démontrer que le média n’était pas aussi énergivore qu’on le pensait, et qu’il était même plutôt RSE compatible et citoyen. Ils ont montré que le DOOH était un média qui avait sa place comparé à d’autres, notamment par son rôle dans le financement d’infrastructures publiques.
Ce qui a surtout inquiété les annonceurs à l’époque, ce n’était pas tant le fond du sujet, mais la crainte d’une mauvaise perception citoyenne. Ils se disaient : si je communique en DOOH, est-ce que cela va me retomber dessus sur les réseaux sociaux ? Nous avons répondu à ces inquiétudes, et le sujet n’est plus vraiment évoqué aujourd’hui.
Mais cela ne veut pas dire que les régies ne font plus rien. Mediatransports a un objectif de -70 % d’émissions de carbone entre 2020 et 2030 grâce à la digitalisation de son offre. JCDecaux a un objectif de -30%. L’affichage est aussi le seul média soumis au ministère de l’Environnement, il est scruté de très près.
Quelle est l’étape d’après pour le DOOH ? Sur quelle innovation avez-vous envie de parier ?
T.F. : Je pense que l’innovation du média passera avant tout par l’utilisation de la data. Sur la construction des campagnes, sur leur réactivité et surtout sur leur mesure d’efficacité.
Après, je pense aussi que nous devons nous attendre à des innovations technologiques à moyen terme, notamment sur la capacité du DOOH à être plus créatif. Il y a les sujets autour de la 3D, dont on commence à parler.
Il y a aussi le sujet de la personnalisation des messages en DOOH. Là, nous sommes plutôt sur des enjeux liés au RGPD, mais l’idée serait que, selon la personne qui passe devant l’écran, il soit possible de pousser une publicité vraiment personnalisée.
Je vois aussi les offres de complémentarité DOOH / mobile émerger à terme. On en parlait il y a quelques années, mais c’était sans doute encore un peu tôt. Il y a de vraies choses à imaginer dans la complémentarité, particulièrement en termes de créativité et d’interactivité. Comment on utilise l’écran DOOH pour capter l’attention, pour engager les gens, notamment sur des écrans situés dans des zones d’attente : quais de métro, halls de gare, aéroports…