Les grands défis de Google en 2025

Par Jérémy Lacoste le 06/11/2024

Temps de lecture : 7 min

Un leadership menacé par Amazon, TikTok et l'IA.

Nous sommes ravis de retrouver Jérémy Lacoste, contributeur sur la Réclame. Jérémy est Head of Acquisition, Web Analyse & CRM Marketing de Meilleurtaux. C’est un expert du marketing digital, des martech et de la publicité en ligne. Il a pour grande qualité de partager chaque semaine ses analyses et observations, que ce soit dans son podcast Déclick, sur LinkedIn, en tant qu’enseignant ou désormais dans ses tribunes sur la Réclame.

Google vient de réaliser un trimestre record avec 88 milliards de dollars de revenus et une courbe de croissance de 15%, porté par le cloud (+35%), mais aussi par ses activités historiques comme le search (+10%) et YouTube (+12%). Loin finalement du narratif ambiant prédisant à chaque article le déclin prochain du géant de Mountain View.

De là à penser qu’il n’y a plus de nuages à l’horizon ? Le déploiement grand public cette semaine de SearchGPT, le moteur de recherche d’OpenAI est venu rappeler que les positions ne sont pas figées et que 2025 est une année charnière pour la firme de Sundar Pichai.

Revue des enjeux :

1 – Conserver son leadership

Si Google continue d’assoir son ultra domination sur le marché du search, force est de constater que depuis un an, le moteur de recherche commence à enregistrer une très légère décroissance : -2 points. Aujourd’hui, il est même repassé en dessous des 90% de parts de marché. Un score qui reste soviétique, mais qui doit sûrement interroger au Comex du géant de Mountain View.

Source : Statcounter

Pire, la dernière étude d’Emarketer a levé un secret de polichinelle : Google représente aujourd’hui moins de 50% des investissements réalisés en search, concurrencé de plus en plus par des acteurs comme Amazon ou Apple. Un fait d’ailleurs sur lequel s’était appuyée la défense de Google lors du procès antitrust pour montrer justement que l’entreprise n’était pas en situation de monopole.

Avec 8,5 milliards de requêtes journalières et 400 milliards de pages indexées, Google dispose d’une profondeur de marché énorme. Seulement, aujourd’hui, au-delà des chiffres qui tendent à montrer qu’un plateau a été atteint sur les usages, il semblerait y avoir une toute relative désaffection des internautes pour le moteur de recherche.

Prenons 3 exemples :

– L’enquête annuelle de l’American Customer Satisfaction Index (ACSI) Search and Social Media Study 2024 montre que depuis 2016, la satisfaction vis-à-vis du moteur de recherche tend à décroître et qu’une majorité des personnes interrogées disent devoir passer plus de temps qu’avant pour trouver l’information recherchée.

– Plus d’un jeune sur deux aux États-Unis déclare préférer utiliser TikTok que Google lorsqu’il a une recherche à faire.

– Plus d’un Américain sur deux passe directement par l’application Amazon pour réaliser ses achats.

Attaqué donc sur la pertinence de son expérience utilisateur et même sur la qualité de ses recherches, Google a déjà commencé à réagir pour inverser la tendance : intégration des vidéos shorts dans les résultats de recherche ; indexation des contenus venant des réseaux sociaux/forums de discussion ; optimisation de l’expérience retail avec des refontes autour de ses produits phares comme le Merchant Center et Google Shopping.

Mon point de vue : On se retrouve donc dans une dynamique où Google semble pris en tenaille avec d’un côté les réseaux sociaux qui capteraient de plus en plus les requêtes informationnelles/signaux faibles et de l’autre les marketplaces leader qui driveraient toutes les requêtes commerciales. 

La clé, me paraît-il, pour Google est d’abord de miser sur YouTube comme réponse à ce besoin d’interaction émis pour l’audience jeune. Et c’est d’ailleurs ce que fait très bien le groupe depuis 2 ans en développant fortement la plateforme autour de nouveaux formats : live, podcast, TV connectée.. 

Mais aussi de basculer sur une approche marketplace et là, nous en sommes loin. Tant que Google n’aura pas cracker l’irritant du paiement multiplateforme, les acteurs comme Amazon et consorts auront une longueur d’avance

2 – Accroître son inventaire

Face à une relative stagnation de sa base utilisateurs, Google est confronté au défi d’améliorer la qualité et la profondeur de son inventaire publicitaire. Aujourd’hui, son revenu moyen par utilisateur (ARPU) est de 50$ sur son moteur de recherche et de 12$ sur YouTube. Pour améliorer ce KPI, Google semble avoir trouvé la martingale et suit une stratégie en 3 points :

La vente cachée : en lançant Performance Max il y a 3 ans, une campagne 100% automatisée qui permet d’être diffusée sur l’ensemble des inventaires du géant de Mountain View ; Google a trouvé la parade pour vendre des inventaires moins sollicités. Une aubaine puisque le taux d’adoption par les annonceurs est conséquent.

La profusion de formats : En parallèle, Google a aussi multiplié le lancement de nouveaux formats publicitaires pour absorber la demande croissante des annonceurs en témoigne par exemple, tout le travail réalisé autour des vidéos Shorts ou de la monétisation à outrance de Discover.

L’irrésistible montée des CPC : Difficile de collecter cette donnée de façon exhaustive tant la régie ne communique pas dessus, mais en agrégant les études réalisées ça et là, une tendance se dessine clairement : le CPC semble s’apprécier de +10% annuellement, sous l’effet naturellement de la hausse de la pression concurrentielle. Mais les dernières révélations du procès antitrust n’ont pas manqué d’interroger sur les pratiques internes pour manipuler ce KPI afin de remplir les objectifs business de l’entreprise.

Source : Search Engine Land

Mon point de vue : La récente nomination de Prabhakar Raghavan au poste de CTO Google est un signal clair que l’entreprise va concentrer ses efforts sur l’amélioration de l’efficacité publicitaire de son moteur de recherche, lui qui a justement piloté ce département ces dernières années. 

Je ne serais pas étonné de voir se multiplier ces prochains mois une pression publicitaire plus accrue avec des formats de plus en plus natifs, les confondant presque avec l’organique.

3 – Prendre la vague du moment

D’abord le légal. Depuis 2 ans, Google est embarqué dans une série de procès monstres visant tout à tour à démontrer sa position hégémonique sur le marché des navigateurs et sur celui de l’écosystème publicitaire. En 2025, c’est ce dernier qui devrait occuper les avant-postes avec un risque majeur à la clé : un possible démantèlement de l’entreprise entre ses activités d’achat média (Google Ads, YouTube, etc.) et la partie monétisation (Google AdSense, etc.)

En parallèle, il ne nous aura pas échappé que les directives types RGPD et plus récemment DMA impactent aussi directement la trajectoire de la firme de Mountain View. 2 exemples : 

  • Depuis début 2024, Google Maps n’est plus accessible directement depuis la SERP desktop de Google.
  • Les annonceurs ont dû déployer à marche forcée le suivi avancé des conversions et le consent mode V2 pour continuer à pouvoir tracker la performance de leurs campagnes.

Ensuite, les nouveaux entrants sur le marché du search. On l’a déjà dit et écrit : Google a clairement manqué d’anticipation sur le lancement de l’IA générative grand public. Lui qui a pourtant racheté Deepmind en 2014, qui a créé les modèles Transformers sur lesquels se basent les LLM aujourd’hui, qui a compté dans ses rangs 3 des 4 derniers prix Nobel de physique récompensés cette année…

Depuis 2 ans, Google s’est mis en ordre de marche pour investir dans l’IA générative avec un plan de financement massif fait de construction de datacenters et d’achat de GPU. En parallèle, depuis 18 mois, le moteur déploie progressivement IA Overviews sa réponse à ChatGPT et consorts. Enfin, notons que les annonceurs ont à leur disposition de plus en plus d’outils IA pour lancer et piloter leurs campagnes payantes directement dans Google Ads : génération d’ annonces ; création d’assets créatifs ; pilotage au smart bidding optimisé, etc.

Force est de constater pourtant que ChatGPT et dans une moindre mesure Perplexity bénéficient d’une hype incroyable, le privilège des outsiders. Au point que le mois dernier d’ailleurs, avant même le lancement de SearchGPT, OpenAI générait plus de trafic que Bing…

Mon point de vue : Une question demeure : aujourd’hui, ces acteurs ne visent pas la rentabilité. Que va-t-il se passer demain lorsque les investisseurs leur demanderont un bilan positif ou qu’ils devront montrer patte blanche sur la qualité des résultats proposés ? On voit déjà Perplexity accumuler les procès pour non respect du droit à la propriété intellectuelle et lancer ces prochaines semaines du SEA sur sa plateforme. Il y a de fortes chances qu’OpenAI en fasse de même. Et à ce moment-là, la lune de miel continuera-t-elle avec les early adopters et les médias ? Rien n’est moins sûr.

Sur l’IA générative, Google me semble paradoxalement bien positionné avec un historique qui parle pour lui, une capacité d’investissement hors norme et surtout une prise de conscience immédiate par le top management que l’entreprise avait manqué d’initiative sur le sujet. Demain, lorsque AI Overviews sera déployé pour le grand public, la donne changera.

En 2021, nous avions tous enterré un peu trop vite Meta et son tournant vers le metaverse. Le même jugement hâtif semble s’imposer aujourd’hui à Google. Pour le même résultat ?

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