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News de l'agence CHANGE

Change soutient les marques participatives et les consommacteurs #Cquilepatron

Consommateurs taille patron

En invitant les consommateurs à créer leurs propres produits via un questionnaire en ligne, Nicolas Chabanne a réhabilité le « consommacteur » et rebattu les cartes du marketing.

Exit la marque de distributeur, voici la marque du consommateur. Sans aucune communication, le lait du consommateur – de marque C’est qui le patron?! – a déferlé en un an dans les rayons des plus grands distributeurs: Carrefour, Casino, Auchan, Intermarché… Les observateurs disent que c’est la première vraie marque participative: ce sont les clients qui établissent le cahier des charges des produits sur internet et ce sont eux qui détiennent la société, une coopérative d'intérêt collectif. En un an, 22 millions de briques de lait ont été écoulées. Une goutte dans le marché [2,3 milliards de litres sur l'année écoulée, selon Iri], certes, mais un décollage énorme, en décalage avec la déconsommation tendancielle du lait, de -3,5% sur les neuf premiers mois de 2017, toujours selon Iri. Nicolas Chabanne, l’homme qui a suggéré l’idée en pleine crise du lait à l’été 2016 et l’incarne dans les médias aujourd’hui, aime à dire que son lait est «le produit issu d'une nouvelle marque le plus vendu depuis 30 ans» . Alors qu’il a fallu à peine 10 000 euros pour créer le modeste site internet et le logo, «conçu en une nuit par un cousin en Inde» , voilà la marque propulsée dans l’émission La Quotidienne de France 5, qui va inviter ses téléspectateurs pendant un an à cocréer vingt produits. C’est qui le patron?! va même devenir un logo apposé sur des yaourts et fromages blancs de grandes marques. Pas un label, mais la caution du consommateur.

La recette du succès

L’idée de cette marque collaborative naît dans l’esprit de Nicolas Chabanne en 2013 en plein scandale des lasagnes Findus à la viande de cheval. Les «consos» étaient effarés «qu’on ne sache pas ce qu’il y a dans nos produits». Plutôt que de chercher l’information chez les industriels, Nicolas Chabanne [ex-responsable de la com' d'Avignon, qui a notamment promu les fruits et légumes moches avec les Gueules cassées] pense que «le plus simple est de décider ce qu’il y a dedans». Trois ans plus tard, une nouvelle crise, celle du lait. Un conseiller du ministre de l’Agriculture l'appelle et lui demande «une idée» face aux producteurs réclamant une hausse de leur rémunération. La réponse est 8 centimes en plus par litre de lait. « C’était un soir d’août, Nicolas Chabanne est venu me voir avec une idée de lait du consommateur, un questionnaire fait sur Word et un logo de smiley qu’il m’enverra par SMS », raconte Bertrand Swiderski, directeur monde de la RSE de Carrefour, le premier à lui avoir fait confiance. «S’il obtient au moins 6 000 réponses, je référence le produit en rayons» , lui promet-il. Deux mois plus tard, les 5 600 magasins du groupe référencent le fameux lait. «Pour nous, c’était une première de déployer un nouveau produit en si peu de temps.»

Une marque à un carrefour

Ce coup de pouce initial n’est pas étranger au décollage fulgurant des ventes. Pour Bertrand Swiderski, «si Carrefour n’avait pas ouvert ses magasins dans tout le pays, la croissance des ventes n’aurait pas permis l’émergence de la marque, car Nicolas Chabanne communique sur les réseaux sociaux de façon nationale, il fallait donc une distribution, elle aussi, nationale» . Le bouche-à-oreille amplifie le phénomène. Yves Marin, consultant au cabinet Wavestone, explique ce succès par «un positionnement au carrefour de plusieurs phénomènes sociétaux déjà présents, comme le collaboratif, l’équitable et la défiance vis-à-vis des industriels» . Du côté des distributeurs, ce lait est, selon lui, «une bonne façon de revivifier un rayon sur lequel on n’avait plus grand-chose à dire. Après le sans lactose, voilà le prix» . «C’est aussi une façon de montrer notre solidarité avec les producteurs» , souligne Gérard Pradier, acheteur produits frais pour le groupe Casino. «Sa grande force est de reposer sur la double volonté du consommateur de mieux connaître ce qu’il mange et de davantage respecter le producteur et l’animal» , analyse Charles Collard, directeur marketing et commercial de l’agence Sopexa. La presse joue aussi un rôle moteur. «On n’a jamais fait aucun communiqué» , tempère Nicolas Chabanne, qui dit préférer les SMS et e-mails factuels. À l’image de la marque, cette com’ a minima est «roots» . Mais tellement assumée, qu’elle en devient une vraie force de frappe.

C’est vous le produit

Malgré la volonté de ne pas faire de marketing, pour Charles Collard, de Sopexa, il s’agit «d’un excellent marketing, car il répond à un besoin clair de façon différenciante. Beaucoup rêveraient d’avoir un tel succès aussi rapidement, compte tenu du taux d’échec de 90% pour un lancement de produit». Que dire de la spontanéité de la marque, C’est qui le patron?!, qui n’est pas née sur le paperboard d’une agence de naming, mais est malgré tout «le prototype même d’une marque, hyperoriginale, facile à mémoriser et promettant de la qualité» , estime Charles Collard.

Plus qu’une leçon de marketing, la marque instaure une nouvelle relation client.

Séduit par la démarche, Patrick Mercier, patron de Change, propose gratuitement ses services à Nicolas Chabanne. Son agence ne veut «pas retoucher au logo authentique» , mais planche sur la stratégie digitale et l’adaptation de la plateforme participative aux marques intéressées (une dizaine), pour qu’elles créent à leur tour leurs produits du consommateur. La démarche vire-t-elle, cette fois, au marketing? «C’est un gros mot et je me bats contre» , défend Patrick Mercier. Pour lui, un «rééquilibrage» est en train de s’opérer. «Les gens ont un décodeur, on ne peut pas leur dire n’importe quoi» , estime-t-il. Alors, la plus «belle histoire à raconter» , ce serait celle que les clients coécrivent eux-mêmes avec la marque.

Chiffres clés: 22 millions.Nombre de briques de lait écoulées en un an, dont 15 millions par Carrefour.

8. Nombre de produits référencés, dont le jus de pomme, la pizza et le beurre.

20. Nombre de produits prévus dans le cadre de l'émission La Quotidienne .