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Le paradoxe des postures en communication RSE – Tribune de Patrick Mercier, CEO Change

Toutes les marques, tous les dirigeants, toutes les directions marketings et RSE s’accordent sur le fait que s’engager dans des programmes RSE, de durabilité et de responsabilité est devenu un prérequis à la fois pour notre société et son environnement mais aussi pour créer une différence positive pour les acheteurs ou les consommateurs. N’oublions pas au passage les fonds d’investissements qui en font un élément de valorisation corporate.

Les consommateurs déclarent en grande majorité leur sensibilité sur ce sujet qu’il s’agisse de la provenance des produits et des engagements de la marque.

Bref tout le monde est en phase mais dans le même temps, le sujet majeur n’est plus simplement de faire mais de faire percevoir ce que l’on fait. Et c’est là que les problèmes commencent. En réalité, quel est le montant accordé à la communication des programmes RSE par exemple si on le compare aux budgets de communication commerciale, certes nécessaire, mais qui pour la plupart ne véhiculent pas de points de différence majeurs ?

Le rôle de la publicité est de trouver des angles, des points de vue, avec un peu de chance des insights pour rendre intéressant ce qui dans l’absolu ne l’est pas toujours. C’est sa force et sa limite, et ce n’est pas toujours possible ou crédible. Alors que dans le même temps, il y a des trésors de différence et de valeur ajoutée dans les actions responsables qu’entreprennent les marques et ou les entreprises qui ont ainsi un très fort potentiel pour intéresser les consommateurs et citoyens que nous sommes. C’est un paradoxe dommageable pour tout le monde.

Que se passe-t-il ?

La réalité est simple : les montants en communication investis en RSE sont insuffisants pour avoir une chance d’être perçus et donc valorisés. Ce qui n’est pas perçu, n’a aucune valeur. Perception is reality. Les entreprises font, dans la grande majorité, plutôt bien, mais restent très conventionnelles ou « petits bras » dans les stratégies d’investissements. A nouveau si on observe les budgets de communication des marques, la part consacrée à la communication RSE est très très faible alors que c’est le point le plus attendu. La raison est que les directions générales n’ont pas encore fini leur mutation sur ce sujet. Pourtant il serait très simple de remplacer deux spots TV en prime time par de vraies actions de communication sur ces sujets RSE. L’efficacité sur la marque en serait démultipliée. Observons les retombées médiatiques de la campagne de Patagonia « dont buy this jacket» pour comprendre la puissance potentielle de cette inflexion budgétaire.

Les marques pourraient envisager d’investir différemment en acceptant le fait que donner de l’espace à ce qu’elles font de bien est plus important parfois que leurs produits. L’idée n’est pas d’opposer mais de trouver de nouveaux équilibres budgétaires.

Il y a un deuxième paradoxe, c’est celui de la tarification du conseil en stratégie et communication RSE. On n’est pas loin d’une forme de scandale vu les sommes attribuées dans les honoraires de conseil. Le marché des spécialistes en communication RSE s’est tiré une balle dans le pied quand il s’est installé en France, y compris pour les plus experts. Là aussi on est face à une contradiction entre l’importance du sujet et les moyens investis. Les choses avancent dans le bon sens, mais assurement pas assez vite.

Au-delà de nouvelles stratégies d’investissements indispensables, il devient nécessaire de mieux connecter RSE et commerce dans une optique de croissance responsable et maitrisée. C’est un axe stratégique majeur pour les marques et entreprises que nous orchestrons et faisons vivre chez Change avec notre positionnement sur la benevolence. La benevolence qui peut se résumer par « être toujours du côté des clients » est une orientation et une inflexion que nous considérons comme une nouvelle solution pour les marques et entreprises qui souhaitent se transformer.

Comment la RSE s’est mise dans un coin et comment peut-elle en sortir ?

La RSE a connu un âge d’or du côté des dirigeants d’entreprises de toutes tailles. Attendue par les investisseurs, souhaitée par les collaborateurs, en ligne avec les consommateurs, la RSE était perçue comme un trait de modernité incontournable, au même titre « qu’être sur les réseaux sociaux ».

Si l’élan n’est pas totalement rompu, on observe néanmoins qu’il est questionné : est-ce vraiment prioritaire ? Qu’est-ce que ça apporte concrètement ? Qui sait ce qu’on fait ? Est-ce que ça crée de la différenciation ou de la préférence ? N’y a-t-il pas des priorités plus prioritaires ?

Bien qu’elles puissent choquer, ces questions sont légitimes : dans notre
dernier « benevolence index », aucune des 120 marques observées ne se démarque par sa responsabilité. Au contraire, les marques bien notées globalement le sont aussi en responsabilité, tandis que les marques mal notées sont jugées moins responsables. Le poids réel de la stratégie RSE est donc minime.

Si la RSE est aujourd’hui dans une interzone pour de nombreuses entreprises, c’est pour plusieurs raisons concomitantes.

1. Par rigueur morale et volonté de montrer patte blanche, la RSE s’est le plus souvent installée comme un centre de coût plutôt qu’un centre de profit pour l’entreprise. Cette louable intention a eu un impact négatif sur l’investissement dans la stratégie RSE : on met difficilement 50 000 euros dans une stratégie RSE qui aura une valeur diffuse, mais on met facilement 10X plus dans une stratégie de réduction du nombre de click avec la garantie de gagner des millions en e-commerce. Les stratégies RSE sont donc « sous investies ».

2. Par crainte du greenwashing, la RSE n’est pas suffisamment valorisée.La plupart des entreprises refusent la palette qui rend une publicité efficace : insights, narration, surprise, humour... au profit d’un contenu et d’une tonalité informative aux limites du soporifique. Parce qu’elles ne sont-elles mêmes pas convaincues de l’intérêt des messages, elles les diffusent peu. Moins d’impact, moins d’investissement... moins d’efficacité.

3. La RSE est théoriquement pensée pour monter en puissance dans le projet d’entreprise jusqu’à devenir centrale. Malheureusement, les premières marches timides la rendent décevante et la font stagner en marge du commerce, du marketing et de la création de valeur. La plupart des entreprises qui se posent des questions sont celles qui sont restées coincées au milieu du gué.

Ces 3 raisons se corrèlent et s’amplifient pour former un magnifique cercle vicieux : on n’en fait pas assez pour que ça marche et moins ça marche moins on a envie d’en faire.

Doit-on en conclure qu’il faut s’appeler Patagonia, Camif ou Biocoop pour créer de la valeur avec son engagement ?

Nous sommes persuadés du contraire, à condition de rompre le cercle vicieux et remettre les choses dans l’ordre.

D’abord le travail sur la stratégie RSE doit être plus important, plus gros, plus cher, parce que sa première valeur est dans le chemin, dans l’implication des collaborateurs. Toutes les entreprises veulent se transformer, beaucoup se demandent comment mettre en mouvement les collaborateurs : le diagnostic RSE ainsi que la recherche de solution sont des sujets extraordinairement fédérateurs. La RSE « n’emmerde » pas l’entreprise, elle accélère sa transformation et l’adhésion, à condition d’être visible et partagée.

Ensuite, une bonne stratégie RSE doit se montrer aussi empathique qu’éthique. Elle doit parler au consommateur avant d’aller chercher le citoyen derrière. Bien sûr il faut traiter les impacts majeurs de l’entreprise, même s’ils sont techniques et peu communicables. Mais il faut surtout valoriser ceux qui ont un sens par rapport au commerce. La hiérarchie des prioritésd’investissement doit être décorrélée de la hiérarchie des priorités à valoriser.

Enfin, un bon engagement de marque ne doit pas avoir peur de faire de la publicité pour créer de la préférence et de la différenciation. Par nature, la RSE lisse les entreprises d’une même catégorie. Tous les fabricants de biscuits ont peu ou prou la même matérialité, c’est-à-dire les mêmes risques et enjeux sociaux et écologiques. Leurs efforts doivent les conduire vers lesmêmes réponses et les mêmes engagements. C’est donc bien la mécanique publicitaire qui peut donner une saillance particulière, un esprit, un impact qui va faire la différence et créer la valeur qui permettra d’aller plus loin.

En résumé, questionner la performance de la RSE et la poursuite de la démarche, c’est questionner l’investissement dans tous les sens du terme, de la démarche à l’adéquation entre cet investissement et les résultats. C’est aussi se projeter sur l’impact d’un investissement supérieur et sur les synergies attendues. Finalement, une « petite stratégie RSE » coûte plus cher qu’une grande, parce qu’elle ne fait que coûter, quand la grande peut rapporter de la valeur.

Comme le disait Jean Claude Gaudin à Franck Mc Court au moment du rachat de l’OM : « maintenant, il va falloir mettre des sous. Alors comme vous en avez, c’est ce que vous ferez.»

Investir pour sortir du ventre mou du championnat. Simple comme du foot.

 

Patrick Mercier - Président Fondateur de Change