News de l'agence CHANGE
Une expérience client mémorable : comment être toujours du côté des gens par la créativité ?
Tribune de Patrick Mercier, Président - Fondateur Change
Au fil des années s’est construit une observation personnelle qui n’a pas lieu de provoquer ou porter un jugement, mais plutôt d’encourager de nouvelles initiatives. Cette observation se résume par ce que l’on pourrait appeler : le paradoxe des efforts de créativité dans l’expérience clients des marques.
Tout le monde est d’accord : l’expérience client c’est important.
Tous les comex et direction marketing de toutes les sociétés sont alignés sur un point : il est essentiel de proposer une expérience client unique et différente, créatrice de valeur et mémorable. Le nombre quasi incalculable d’articles sur ce sujet et notamment le numéro spécial des Echos en avril formalisent cette préoccupation. Dans ce contexte, l’IA peut jouer un rôle sans nul doute, simplifier, automatiser, accélérer, rationnaliser... mais ne constitue pas la solution miracle pour se différencier.Car l’expérience mémorable est celle qui crée de la différence, de l’identité, de l’image et générer une croissance saine et durable dans un contexte concurrentiel de plus en plus violent. Force est de constater que beaucoup de propositions commerciales et servicielles sont identiques ou sans aspérité fortes. La « neutralité » de ces expériences se reflète dans la neutralité de leurs publicités. Pour devenir plus utile (et rentable) une campagne a besoin de se faire la chambre d’échos d’une nouvelle expérience, étonnante et surprenante, qui donnera sa valeur au message.
Tout le monde est d’accord, mais on se contente encore trop souvent à un « océan de similitudes » dans laquelle parfois les marques payent cher leur conformité et leur manque de différences.
Les baisses de prix, les promotions successives, les vraies fausses innovations, ne peuvent durablement être une parade à cette nouvelle exigence relationnelle.
Tout le monde est d’accord sur l’importance d’une expérience mémorable, et pourtant.
Au même titre que la RSE, il existe un gap entre le crédit accordé à l’expérience client et les investissements consentis pour la rendre créative et différente.
Bien sûr les marques investissent dans l’expérience client, un dû sensé améliorer le contrat de base. C’est incontournable, mais insuffisant.
Si on compare la créativité recherchée dans des dispositifs de communication, les plans médias, les campagnes de publicité et les activations digitales et à celle développée en expérience client, on voit un petit gouffre.
Ce n’est pas volontaire, cela fait des décennies que l’on juge les directions marketings sur la créativité publicitaire et sur la performance de l’expérience client... une performance technique, qui exclut la créativité.
Peut-être que ce constat pourrait servir la cause de nouveaux équilibres d’investissements vu son importance stratégique.
Pour bien préciser les choses et éviter toute confusion, je parle bien du temps passé en recherche et créativité pas des budgets de mise en place de services et ou d’expériences. Le sujet est bien la créativité, l’étonnement, l’empathie liée à une nouvelle expérience de marque.
En réalité, si on est objectif dans notre vie quotidienne de clients, l’effet waouh dû à une expérience est assez rare, à tel point que lorsqu’on vit un petit quelque chose de différent, on a envie spontanément de la raconter à sa famille, ses amis ou ses voisins.
Darty a su, depuis des décennies, mailler son expérience client d’icônes comme le contrat de confiance, le bouton Darty ou Darty+.Imaginons le ROI.
Le problème, comme dans tout acte créatif est de trouver de nouveaux ressorts. Car ce qui a déjà été fait, peut offrir de la performance commerciale, mais pas de l’étonnement. Le satisfait ou remboursé était un acte créatif en lien avec un point de tension résolu : il fonctionne toujours mais n’a plus autant d’impact. Nous y reviendrons.
La communication sait parfaitement raconter l’intention relationnelle d’une marque, le rôle qu’elle souhaite jouer dans la vie des gens, mais seule l’expérience client porte la preuve factuelle de cette volonté relationnelle. D’ailleurs cette preuve, intégrée à la communication, révèle tout son potentiel. On passe de l’intention à l’action.
Récemment, j’ai lu un article passionnant de l’agence Huge aux USA : le coût d’une expérience ennuyeuse.
S’il rappelle la nécessité de la créativité dans l’expérience que propose les marques à leurs clients, il insiste surtout sur la grande banalité des expériences dans l’ensemble des industries et services et donc de leur impact négatif. L’expérience mémorable n’a pas seulement de la valeur : son absence a des conséquences négatives, trop souvent ignorées.
Est-ce si complexe d’identifier et d’imaginer une expérience client mémorable ?
Ce qui suit n’a pas l’ambition d’être une solution miracle, il s’agit de l’état d’esprit avec lequel on peut activer cette recherche. Une solution simple, exécutable demain. Mais pour se convaincre de faire différemment, il suffit parfois de faire des captures d’écrans des expériences proposées aux clients. Finalement sans parler de la forme sur le fond, beaucoup d’expériences sont identiques.
Etape 1 : réfléchir et agir en étant toujours du côté des gens, résolument et sans concession.
Être du côté des gens, c’est à la fois être utile, sincère, faire preuve d’écoute, d’empathie et agir. C’est vivre la vie des gens et faire preuve de benevolence dans leur quotidien. C’est à la fois simple, engageant et terriblement efficace.
Voici deux exemples formidables de simplicité et d’efficacité.
Le premier est tiré d’un secteur dans lequel le service est capital. L’hôtellerie. Il est symbolique car il porte en lui la démarche idéale et la méthodologie parfaite en matière de créativité d’expérience clients. Arts Hotels. Cette petite chaine d’hôtel de luxe a été la première à proposer à ses clients le deal suivant : si votre chambre n’est pas louée après vous vous pouvez y rester toute l’après-midi. Appelée “Late Check out” ce service vient lever la zone de stress, le check out de 11h et démontrer l’attention client.
Deuxième exemple : Best Buy. La chaîne d’équipement américaine a créé un lien direct entre ses vendeurs en magasins (tous les magasins) et les questions de clients posées en ligne. Via Twitter, tout vendeur peut répondre à un client. C’est un gage de réactivité, d’agilité mais surtout de crédibilité pour les équipes, de satisfaction pour les clients et peut être même, in fine, une économie pour l’enseigne
Qu’apprend-on de ces deux expériences ?
Tout d’abord, Arts Hôtels en supprimant le check out la marque se met du côté des gens, elle supprime un point de tension universel observé dans toute l’hôtellerie mondiale, toujours constaté mais jamais résolu. La marque illustre aussi le courage des dirigeants à surmonter les problèmes opérationnels. On peut facilement imaginer les freins au changement pour les équipes. Cette expérience vient attester qu’une expérience client forte génère de la valeur, de la préférence et possède un pouvoir depropagation très puissant dans les médias. Le ROI est au rendez-vous.Dans le parcours client, tous les experts marketings sont en mesure de détecter le ou les points de tension les plus importants. Dans notre relation quotidienne avec les marques, ces points de tension sont autant de points de réconciliation avec les clients (c’est-à-dire nous) qui en définitive ne demandent pas grand-chose sinon un peu de considération dans des moments clés.
Résoudre un point majeur de façon spectaculaire et créative peut devenir totem de l’image de la marque, la fierté de l’interne et permet d’engager l’ensemble de l’entreprise dans une démarche vertueuse et durable.
La question devient quel est le point de tension est le plus important à traiter pour faire un effet de levier durablement sur l’image de la marque ?
Best Buy est un magnifique exemple d’une marque attentive à ses clients et qui a su mobiliser tout un réseau autour d’une réponse simple qui est devenu une expérience mémorable, disposer de la bonne information au bon moment. Être toujours du côté des gens, c’est parfois aussi simple que d’écouter et répondre au bon moment. On donne ainsi un sens concret à la notion de service.
Nous connaissons tous le fameux Black Friday depuis quelques années. Cette opération commerciale qui est en fait un poison commercial a séduit de nombreuses enseignes en France et dans le monde. Il existe aux USA une enseigne de sport outdoor, REI, qui a eu le courage de proposer une expérience incroyable (donc mémorable) qui est de fermer tous ses magasins le jour du Black Friday et suggérer via son site internet et un peu de publicité des programmes de randonnée autour de chacun de ses magasins.
Pour se rendre bien compte, c’est comme si une enseigne de sport en France fermait tous ses magasins le premier jour des soldes. Les résultats sur l’image mais surtout sur le business ont été spectaculaires puisque REI a constaté une augmentation de son chiffre d’affaires le mois suivant compensant très largement le CA du jour de fermeture et les suivants, et une explosion de demandes de cartes de fidélités et de newsletters.
Expérience créative, contre-intuitive, mémorable. Succès d’image, de réputation et de business.
Être résolument du côté des gens, c’est leur proposer ce qu’ils ne demandent pas, anticiper, lire dans leur cerveau, être attentif mais surtout montrer qu’on les respecte, qu’on les écoute. REI démontre cela de façon brillante et efficace. Être coté des gens c’est parfois savoir agir dans ce que l’on appelle le trou noir de la relation client. Le trou noir c’est quand la marque disparait après l’acte d’achat. Prenons l’exemple des cuisines. Les marques redoublent d’efforts dans l’avant-vente, de l’inspiration à la vente de la cuisine en magasins. Curieusement la marque disparait le jour de la pose (la majorité des poseurs de cuisines ne sont pas des salariés de la marque) et jusqu’à la date anniversaire de l’achat, alors que c’est dans ces deux moments que les gaps de considération semblent plus faciles à opérer. Il en est de même dans l’hospitality et particulièrement dans le camping. Quand on connait le faible taux de fidélité aux marques de campings, n’y aurait -il pas dans cet espace-temps de formidables opportunités pour imaginer une expérience mémorable.
Etape 2 : faire preuve de créativité et d’audace dans la réponse
On associe trop souvent la créativité à la seule publicité. En réalité nous devrions généraliser l’effort de créativité au-delà des seules campagnes publicitaires pour l’étendre aux expériences de marque tout canaux confondus. D’ailleurs est-ce que l’avenir des agences nouvelles générations ne serait pas de trouver un nouvel équilibre entre la communication et la création de nouvelles expériences clients ? Les agences ont une sensibilité très forte aux insights et comprennent bien les mouvements de sociétés.
Une étude de la Harvard Business Review, intitulée « The Business Case for Curiosity » (Gino, 2018), a révélé que les entreprises favorisant la créativité surpassent leurs homologues en matière de croissance des revenus sur le marché. Nielsen a trouvé des résultats similaires dans leur analyse du « ROI de la créativité et de l'innovation » (2019), montrant que les marques qui donnent la priorité aux stratégies de marketing créatives voient un retour sur investissement nettement plus élevé, contrant ainsi le risque économique de la conformité.
Cette analyse est valable en matière d’expériences clients. Ce qui surprend est ce qui va marquer les mémoires et faire le « buzz » souvent attendu dans les briefs clients.
Une fois encore les agences ont un rôle à jouer car nous sommes à la frontière de publicité, la créativité et l’expérience.
In fine, c’est presque du bon sens pour les marques.
Dans des marchés saturés, les expériences de marque banales nécessitent beaucoup plus de ressources pour être performantes et ne délivrent jamais la valeur d’image inattendue.
A nouveau passer du temps en créativité est une garantie de différenciation.
Les recherches récentes du consultant en marketing Peter Field sur le « réel cout de la banalité » estiment qu'il coûte en moyenne 12 millions de dollars par an aux USA aux marques pour les actions qui ne se démarquent pas.
Des campagnes innovantes, en revanche, peuvent atteindre des résultats bien meilleurs pour chaque dollar dépensé, soulignant la valeur de la créativité et la différenciation dans la l’optimisation des budgets de commercialisation.
Pourquoi ?
Parce qu’en matière d’expérience client, l’argent investit dans la créativité sert 3 fois :
- Pour le client, elle sert à offrir une expérience plaisante et mémorable qui le fidélisera.
- Plus tard dans le parcours, elle sert à générer des avis positifs et eux-mêmes mémorables qui convertiront des hésitants
- En phase de recrutement, l’expérience client créative est un magnifique outil de prospection : la meilleure preuve pour générer de l’impact et attirer l’attention
De l’investissement qui sert 3 fois... qui dit mieux ?
Pour créer de la valeur, changeons pour une expérience client unique et mémorable.
Tribune de Patrick Mercier, Président - Fondateur Change