Et ajuster la douloureuse au meilleur prix.
Nous sommes ravis d’accueillir Jérémy Lacoste comme nouveau contributeur sur la Réclame. Jérémy est Head of Acquisition, Web Analyse & CRM Marketing de Meilleurtaux. C’est un expert du marketing digital, des martech et de la publicité en ligne. Il a pour grande qualité de partager chaque semaine ses analyses et observations, que ce soit dans son podcast Déclick, sur LinkedIn, en tant qu’enseignant ou désormais dans ses tribunes sur la Réclame. Vous l’aviez déjà remarqué pour son interview sur l’intérêt des martech « made in France ».
Il y a un fait indéniable : à mesure que le panorama des solutions marketing se densifie d’année en année, le brouillard se fait de plus en plus épais sur les différents modèles de pricing. C’est bien simple : à chaque solution, sa formule. Alors après, bon courage pour les comparer.
Car ce flou ne profite in fine qu’aux solutions martech, au point qu’il est à se demander si elles ne sont pas actives dans l’entretien de cette ambiguïté.
Songeons aux prix catalogues qui finissent bien souvent par être divisés par 5.
Songeons également à la bascule récente des modèles basés sur du stockage vers des modèles basés sur du compute, c’est-à-dire des requêtes avec toutes sortes de pondérations imbitables.
Songeons aussi à la non-transparence des prix : rares sont encore les SaaS à afficher sur leur site la grille tarifaire et pour cause ! Si le service est industrialisé, la tarification se veut personnalisée… alors même qu’en théorie, le coût marginal d’intégration d’un nouveau client tend vers zéro pour ces solutions.
Songeons enfin à une camaraderie timide entre annonceurs qui rechignent parfois à partager les tarifs obtenus quand on les sollicite : essayez autour de vous, les réticences sont surprenantes.
Pour s’en sortir dans l’exercice du pricing, il existe tout de même quelques ficelles à utiliser.
Dimensionner au plus juste
C’est là qu’entre en jeu la FinOps, cette discipline qui consiste d’abord à “sizer”, puis monitorer au cordeau les coûts associés au projet martech.
Sur le volet dimensionnement, il s’agit en lien avec l’IT et les métiers de modéliser des projections de consommation en faisant tourner des petits modèles qui doivent être les plus réalistes possibles et prendre en compte naturellement la courbe de croissance.
Sur le volet pilotage, il s’agit de s’assurer d’avoir les bons outils à disposition pour assurer un suivi millimétré des consommables, tout en ayant le bon niveau d’alerte en cas de dépassement. Nombre de solutions martech proposent encore ces données uniquement sur demande.
Tout l’enjeu est d’arriver in fine à une gouvernance de la donnée qui soit à la fois intelligible et assimilée par le plus grand nombre afin que le coût de chaque requête soit maitrisée.
Une même grille d’analyse pour tous
Chaque éditeur de solution possède un modèle de pricing qui mis bout à bout est souvent difficilement comparable. Certains sont sur de l’embarqué, d’autres du consommable ou quand d’autres encore uniquement sur du compute… Pas facile de trouver un terrain d’entente.
Pour s’en sortir et prendre la décision la plus éclairée, mon conseil est de construire une même grille de travail en partageant à tous les mêmes projections sur le réel à date et sur la trajectoire de croissance.
Mieux, une fois la décision prise, c’est important de partager aux métiers le modèle économique. Il y a encore trop d’organisations ou de managers qui gardent confidentiel ces éléments pour une raison qui m’échappe. Jouons la transparence afin de sensibiliser tout le monde.
Intégrer des personnes tiers
Pour les deals structurants, il me semble important de sortir du schéma fournisseurs – consommateurs directs de la solution afin d’éviter tout un tas de biais.
Le premier reste le copinage professionnel. en tant qu’utilisateur de la solution, il peut y avoir une propension naturelle à payer le prix fort ou a minima ne pas trop challenger la proposition, car cette solution reste notre outil au quotidien. À cela s’ajoute la connivence entre gens du métier qui peuvent être un frein à cet exercice de pricing.
Le deuxième est l’effet d’habitude. cette solution a toujours été utilisée dans l’entreprise, sa place dans l’organisation n’est même plus questionnée. Or, il peut y avoir potentiellement des rapprochements avec d’autres solutions utilisées dans les filiales ; des économies d’échelles à faire en prenant différents services auprès du même fournisseur ; des modules finalement pas consommés à arrêter ; une négociation groupe à mener.
Le troisième est l’affect. Pour dépassionner ce type de discussion, l’intégration d’acheteurs rodés à l’exercice me paraît être une bonne idée. Parfois, les experts métiers oublient que la négociation et la structuration contractuelle est une vraie compétence, malheureusement pas forcément toujours partagée. Misons sur les expertises en interne !
Faire baisser la douloureuse
Quels sont les leviers à disposition pour optimiser la facture. J’en vois 4 :
1. Jouer sur la durée de contrat. Le KPI n°1 des éditeurs est de lutter contre le “churn” [l’attrition en français, NDLR]. Et quoi de mieux que des deals sur 3 ans par exemple pour garantir du revenu récurrent. C’est pour cette raison que beaucoup de solutions peuvent casser leur prix dans ces conditions. Reste qu’il est toujours délicat pour les annonceurs de se projeter à long terme. Ma recommandation : prévoir des clauses de sortie ou a minima d’aménagement afin de l’adapter à l’évolution du contexte
2. Jouer sur les consommables. De plus en plus, les martechs vendent des paliers de consommables associés à des prix unitaires décroissants. Résultat, par confort (et par manque de pilotage), les organisations sont souvent incitées à sur-estimer leur consommation, au risque d’en laisser sur le côté. Il faut inclure alors la possibilité d’avoir un avoir ou de repositionner les consommables non utilisés sur le prochain exercice
3. Jouer sur la couverture fonctionnelle. On le sait peu, mais les commerciaux sont objectivés aussi sur l’extension du “footprint” client, c’est-à-dire sur la vente de modules additionnels. Un bon moyen d’obtenir un pricing intéressant est donc paradoxalement aussi de se positionner sur des “features” (fonctionnalités). Cela augmente le panier moyen et élargit l’assiette fonctionnelle, deux éléments que vont aller travailler en priorité les sales.
4. Jouer sur la légitimité. Recommandations, cas pratiques, communications brandées, témoignages… autant d’assets qui peuvent peser dans la balance lors de la phase de négociation. Les éditeurs sont en quête de reconnaissance et rien ne vaut les mots de clients satisfaits. Aussi, je ne saurai que trop recommander d’aller chercher un effort financier en échange d’une prise de parole lors d’une conférence ou sur un média de référence comme la Réclame par exemple ;-)
Bonne chance pour vos prochaines négociations !