Du slogan de 1984 à JUL : Reebok veut rimer avec son époque

Par Élodie C. le 24/03/2022

Temps de lecture : 11 min

L'interview de Brice Lefevre, senior brand director de Reebok.

Marque de sport pionnière fondée en 1895, Reebok a vécu mille vies et en commence une nouvelle sous bannière étoilée (adidas a finalisé sa vente en août dernier). Après un retour aux sources opéré à travers son logo en 2019, la marque revisite un ancien slogan dans sa nouvelle campagne « Life is not a spectator sport » pour faire vibrer l’ADN de la marque avec son époque et de jeunes générations en quête de sens, d’authenticité et d’inclusion. Back to basics, voire plutôt Classic pour Reebok (des spikes aux Pump à la Leather).

Dans ce nouveau Parole d’annonceur, Brice Lefevre, senior brand director de Reebok, nous explique ce (re)positionnement qui s’affiche autant dans la collaboration de la marque avec le rappeur ultra populaire JUL, que dans cette nouvelle campagne globale intégrant des ambassadrices locales.

Quels sont les défis de communication de Reebok en tant que marque aujourd’hui ?

Brice Lefevre : Les opportunités de communication se situent surtout dans la façon de travailler les nouveaux formats et nouvelles plateformes de plus en plus digitales. Reebok suit cette accélération de communication via les réseaux sociaux. Nous privilégions les plateformes comme Instagram, Snapchat, TikTok ou Twitch pour nos prises de parole. Nous sommes sur des dispositifs digitaux de création et partages de contenu, et moins sur des formats classiques d’affichage, même si on le fait sur des événements importants.

Le défi c’est d’être en adéquation avec les nouveaux formats de consommation et d’être toujours connecté au plus près de la génération Z et alpha nées dans un temps où les réseaux sociaux ont dominé les autres univers de communication. C’est ceux-là qui nous intéressent aujourd’hui dans tous nos formats d’échange et de communication sur la marque Reebok, et ce sont ceux qu’on privilégie.

Comment la marque entend se positionner et se différencier en France sur le secteur concurrentiel du streetwear ?  

B.L. : Il est important pour nous d’avoir un point de vue. Notre marque a toujours suscité l’inspiration, et a toujours voulu rester très connectée à la nouvelle génération et développer des produits d’excellence pour nos athlètes et consommateurs du monde entier. 

Reebok est enraciné dans le sport, nous évoluons dans un monde tourné vers la « culture sneakers », c’est donc important pour la marque de la travailler avec une proposition de gamme toujours revisitée, pas simplement au travers de collaboration, même si nous avons eu l’opportunité de le faire avec puissance – Maison Margiela, Cardi B, JUL en France. 

Dans un précédent dossier — Quelle est la plus belle marque du rap français ? – nous analysions les relations étroites qu’entretiennent le rap et ses représentants avec les marques. Orelsan a lancé sa propre marque, Booba collabore avec Puma, Moha La Squale et Roméo Elvis avec Lacoste… En début d’année, Reebok a dévoilé une collaboration avec le rappeur marseillais Jul. Quelle est la genèse de cette opération et quels en étaient les contours ?

B.L. : Nous avons sollicité Jul en 2020, notamment parce qu’il portait déjà les produits de la marque et affectionnait Reebok depuis de nombreuses années. Nous avons notamment pu le constater sur la pochette d’un album sans la moindre collaboration. C’est ce lien qui existait déjà entre l’artiste et la marque qu’il nous a paru intéressant de développer. Lorsque nous nous sommes rapprochés de lui et de ses équipes pour évoquer une collaboration, il a été très réceptif à cette possibilité. Cela a paru naturel à tout le monde d’avancer sur cette collaboration.

L’authenticité est très importante pour nous sur ce type de sujets là, il y avait une grande symbiose entre Reebok et Jul. Reebok est une marque populaire qui s’adresse au grand public, avec des produits sport et lifestyle accessibles au plus grand nombre quelles que soient leurs origines sociales, c’est notre ligne de conduite et un aspect également fondamental dans les valeurs de Jul. 

Nous apprécions que les personnes avec qui nous collaborons s’investissent à fond dans le projet : Jul a apporté son point de vue à chaque étape de la réalisation des produits, il a pu nourrir la DA avec son propre univers, comme ses symboles, dont l’ovni, ou son signe emblématique réalisé avec ses mains pour former JUL. On a trouvé un terrain stylistique commun, le motor sport, mais aussi utilisé un vocabulaire qui lui est propre — la machina par exemple — pour se rapprocher de son ADN et employer ses propres codes dans la création des produits et visuels de communication. C’est une collection qu’on trouve très authentique, à l’image de notre marque et de l’artiste, grâce au travail commun de nos équipes (design et produit) et de la sienne.

La collection est donc très large (10 produits : chaussures, pantalon, t-shirts, claquettes, accessoires, casquettes, chaussettes). C’est la première fois que nous opérons une collaboration avec un artiste français de cette envergure, à qui on donne les pleins pouvoirs. C’est l’artiste incontournable de la nouvelle génération, le rappeur qui a vendu le plus d’albums dans l’histoire du rap français (4 millions d’albums vendus, 2e plus gros vendeur en France — tous genres confondus — de la décennie, derrière Johnny Hallyday, NDLR).

Qu’avez-vous mis en place pour promouvoir cette collaboration inédite ?

B.L. : Nous avons déroulé un plan marketing à partir d’une phase de teasing dévoilée l’année dernière où nous avons pu nous intégrer dans le partenariat existant entre Jul et EA Sports. Pour la première fois, les produits Reebok sont inclus dans le jeu FIFA 2022, via les modes Ultimate Team et Volta Football : les joueurs peuvent équiper leurs personnages avec cette collection.

Nous avons également réalisé un partenariat promotionnel pour la conception d’une fresque géante à Marseille peinte par l’artiste Hoveh. Et dans un 2e temps, le lancement de son triple album, Le Classico organisé, où il a réuni, pour la première fois dans l’histoire du rap, 157 artistes marseillais et parisiens, pour travailler ensemble sur un projet de cet acabit. Dans le clip du focus track de l’album, JUL porte les produits de la collection en avant-première. Nous avons ensuite annoncé officiellement la collaboration sur les réseaux sociaux, sur lesquels nous avons obtenu énormément de reach et d’engagement. 

Dans la foulée, nous avons travaillé cet engagement au travers d’une pré-commande sur le site doretdeplatine, puisque JUL a également. sa propre ligne de produits au nom de son label. Pour cette opération de pré-commande nous avons développé une expérience d’achat 360° tirée de l’univers créatif de la campagne.

Après l’annonce de cette collaboration et de la disponibilité des produits sur le site doretdeplatine, nous avons mis en place un plan d’activation pour commercialiser la collection avec impact : nous avons distribué un civil kit qui prenait la forme d’un porte-casque customisé avec des éléments graphiques de la collection, avec à l’intérieur différents produits de la collab. Nous l’avons distribué à plus de 300 talents issus du milieu créatif et culturel de l’écosystème Reebok ainsi qu’aux proches de JUL. 

Le 31 janvier, nous avons poursuivi notre plan media et display, avec des takeover de Twitch et de la playlist Touchline sur Spotify, mais aussi des formats pré roll sur YouTube et un plan d’affichage massif OOH et DOOH dans le métro et les centres commerciaux de Paris et Marseille, et de l’habillage événementiel sur le tramway à Marseille. Chez Courir, notre retailer, la collection était disponible dans les 300 magasins du réseau avec un dispositif dédié – transformation des vitrines, PLV dans les magasins, habillage du site internet de Courir, doretdeplatine et Reebok.fr.

Quels sont les premiers résultats de cette campagne ?

B.L. : Je ne peux pas donner de chiffres, mais nous sommes très satisfaits des résultats générés au travers de cette pré-commande ou du lancement en général de cette collection.

Dans sa toute dernière campagne de marque globale « Life is not a spectator Sport », Reebok réinterprète son tout premier slogan datant de 1984 après avoir signé un retour aux sources avec son rebranding de logo datant de 1992 (en 2019, NDLR). Nostalgique ? Quel est le message de cette campagne ?

B.L. : C’est un retour aux sources. Cette campagne fait écho au slogan « Because life is not a spectator sport » de 1984, en effet, nous avons voulu signer un véritable retour aux sources pour la marque en réintroduisant cette philosophie de presque 40 ans. Nous positionnons la Classic Leather, produit star et intemporel chez nous, au cœur de cette campagne. Elle symbolise parfaitement l’ADN de Reebok : une marque ancrée dans le sport et dans la culture. Son design a traversé les générations depuis son lancement en 1983. 

Dans ce nouveau chapitre, on encourage la nouvelle génération à s’impliquer dans tout ce qui la fait vibrer, à vivre pleinement ses passions et revendiquer son individualité. On renoue ainsi avec un message fort, authentique et précurseur, qui fait plus que jamais sens auprès des jeunes générations en recherche d’une offre produit plus en adéquation avec des valeurs justes.

La campagne va intégrer des partenaires locaux en plus du contenu global développé par les équipes internationales dans lequel on retrouve des ambassadeurs de la marque comme Allen Iverson ou encore Lolo Zouaï. En France, nous avons souhaité soutenir cette campagne en y intégrant des partenaires locaux, comme l’association Safe place, qui défend le droit des femmes et des communautés LGBTQIA+ : deux ambassadrices de cette association, la DJ Barbara Butch et la journaliste et activiste Elvire Duvelle-Charles, seront égéries de cette campagne et mises en avant dans tous les éléments de communication.

Le message de cette campagne et le choix de ses ambassadeurs.rices s’inscrivent-ils dans une démarche RSE, et une volonté de répondre aux attentes des jeunes générations pour plus d’inclusion ? 

B.L. : Les deux. Reebok est une marque qui a voulu et souhaite avoir un point de vue fort sur les sujets de société. On lutte au quotidien dans le développement de nos produits pour protéger l’environnement au maximum étant bien conscient des enjeux environnementaux. C’est pourquoi nous développons depuis de nombreuses années des produits utilisant des matériaux recyclés et/ou naturels, c’est l’objectif de nos programmes ReeCycle et ReeGrow de s’inscrire dans une volonté de réduction de notre impact carbone et sur la planète en général.

Pour être force de proposition face aux enjeux sociétaux, nous avons choisi de travailler avec Safe Place car le combat que l’association déploie pour défendre le droit des femme et des communautés LGBTQIA+ est en parfaite adéquation avec nos valeurs et nos croyances d’entreprise et le sens que l’on veut avoir dans nos actions locales.

Comment avez-vous choisi les artistes et sportifs présents dans cette campagne ?

B.L. : Allen Iverson est un ambassadeur à vie de Reebok : c’est une légende du basket originaire de Virginie, intronisée au Basketball Hall of Fame et surnommée the Answer. Il fait partie des plus grands attaquants et des meilleurs dribbleurs, notamment connu pour son célèbre crossover. Il a marqué l’histoire de la NBA et a longtemps été considéré comme plus petit et plus frêle que ses adversaires de l’époque, mais c’est lui qui a enregistré des records historiques et qui est devenu une icône du basket en gagnant le titre de MVP pour la saison 2000-2001. Un athlète qui a toujours été associé à la marque Reebok.

Ensuite Lolo Zouaï, est une chanteuse, compositrice et productrice d’origine américaine, française et algérienne. Elle s’essaie dans la musique aux USA et a voulu se faire une place par la voie traditionnelle des majors, mais elle a vite déchanté puisqu’elle y a trouvé un univers toxique dans son parcours. Elle en a parlé dans son titre High Highs to Low Lows où elle décrit sans langue de bois les coulisses de cet univers assez cynique. C’est une artiste indépendante qui s’est autorisée une liberté artistique totale, très loin du formatage de la musique et du marché musical actuel. 

Ensuite Lolo Zouaï, est une chanteuse, compositrice et productrice d’origine américaine, française et algérienne. Elle s’essaie dans la musique aux USA et a voulu se faire une place par la voie traditionnelle des majors, mais elle a vite déchanté puisqu’elle y a trouvé un univers toxique dans son parcours. Elle en a parlé dans son titre High Highs to Low Lows où elle décrit sans langue de bois les coulisses de cet univers assez cynique. C’est une artiste indépendante qui s’est autorisée une liberté artistique totale, très loin du formatage de la musique et du marché musical actuel. 

La question traditionnelle de la rubrique : quel est le secret d’une relation annonceur-agence réussie ?

B.L. : En France, nous travaillons avec différentes agences que nous sollicitons en fonction des sujets et expertises (sport, culture, lifestyle, mode, etc.). La principale aujourd’hui c’est MediaCom (GroupM) et pour la campagne de JUL nous avons collaboré avec Dcontract.

Ensuite, la magie opère lorsque la réalisation est en adéquation avec les attentes et que les dispositifs mis en place sont capables de diffuser les messages de communication souhaités par la marque avec un certain impact. C’est fondamental et évident, mais cela reste pour nous très pertinent. 

Nous n’avons pas forcément les clés ou les recettes du succès dès le départ, c’est toujours essentiel de se poser les bonnes questions en amont d’une campagne et de comprendre quel est le parcours consommateur et les leviers nous permettant de créer de la saillance et de l’impact. Surtout, au-delà de travailler le magistral ou l’événementiel, il s’agit de plus en plus d’avoir une communication qui a du sens et qui parle plutôt que d’être dans une simple théâtralisation.

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