Comment Meilleurtaux se prépare à la disparition des cookies tiers ?

Par Jérémy Lacoste le 09/10/2024

Temps de lecture : 5 min

Il vaut mieux prévenir que guérir.

Nous sommes ravis de retrouver Jérémy Lacoste, contributeur sur la Réclame. Jérémy est Head of Acquisition, Web Analyse & CRM Marketing de Meilleurtaux. C’est un expert du marketing digital, des martech et de la publicité en ligne. Il a pour grande qualité de partager chaque semaine ses analyses et observations, que ce soit dans son podcast Déclick, sur LinkedIn, en tant qu’enseignant ou désormais dans ses tribunes sur la Réclame.

Depuis des années, les éditeurs et plateformes média partagent à foison leurs bons conseils pour anticiper la fin des cookies tiers. Puis, il y a la réalité marché : celle des annonceurs qui doivent avancer à vue dans un contexte toujours flou et jongler avec 1 000 autres priorités.

Comment adresser opérationnellement ce sujet ? Retour d’expérience de Meilleurtaux.

1. Les cookies, combien de divisions ?

En 2018, j’écrivais déjà un papier sur la fin des cookies tiers. En 6 ans, que s’est-il passé ? Pas grand-chose finalement, ou beaucoup. Tout dépend du prisme observé.

Un chiffre déjà : aujourd’hui, moins de 50 % du trafic web est cookifiable. La faute aux adblockers ; à l’environnement app cookieless ; aux usages cross-device rendant le tracking ardu ; mais aussi à Safari et Mozilla qui ont supprimé les cookies tiers (35% de part de marché monde)…

À cette première limite technologique, s’ajoute une méfiance des utilisateurs finaux vers toute forme de tracking et qui transparaît avec le cadre réglementaire autour du RGPD et de DMA plus récemment. 

Il faut dire que les scandales autour d’usages détournés de nos données personnelles se sont succédé ces derniers temps : Cambridge Analytica avec Facebook ; lecture des communications Gmail par Google ; utilisation du contenu Whatsapp pour alimenter les algorithmes publicitaires de Meta…

2. Des alternatives en maturation

Quand Google a décalé la fin des cookies tiers sur Chrome à horizon 2025, il y a eu un immense ouf de soulagement dans l’industrie. Une réaction qui m’interroge.

Car si côté éditeurs, cet ID est clairement structurel dans la génération de revenu et qu’à date les alternatives proposées par Google avec la Privacy Sandox sont plutôt synonymes de destruction de valeur ; pour les annonceurs, l’impact me paraît sinon résiduel, du moins contenu.

Pourquoi ?

– D’abord, car les ¾ des investissements digitaux des annonceurs français sont concentrés dans des walled gardens (Google, Facebook, Amazon..), insensibles à ce mode de tracking.

– Ensuite, car de plus en plus d’annonceurs positionnent le pilotage de leur mix-marketing avec leurs données CRM. Manière de prendre du recul sur les hallucinations fournies par les outils de web analyse ou les régies publicitaires dans un monde où le taux de consentement frise les 50%.

– Enfin car des alternatives émergent ci et là : server-side ; ID communs entre opérateurs ; First ID ; Universal ID ; protocole mix marketing modelling. Encore balbutiantes, elles pourraient devenir pourquoi pas dominantes dans les prochaines années.

3. Et chez Meilleurtaux ?

Pour s’adapter à cette nouvelle configuration de marché, chez Meilleurtaux, nous avons identifié 4 réponses

1 – Accélérer sur la collecte 1rst party : La donnée propriétaire est clairement l’actif le plus précieux d’une entreprise et c’est là-dessus que nous avons décidé de capitaliser. Comment ? 

– En proposant des dispositifs de lead magnets : des baromètres, simulateurs, guides sont mis à disposition gratuitement de notre audience et nous permettent le cas échéant de capter de la donnée déclarative.

– En mettant un effort particulier sur la collecte et l’animation des données de contactabilité. Résultat, en 3 ans, le canal e-mail est passé de 2 à 10 % du sourcing du groupe.

– En fiabilisant la collecte de contactabilité via des outils de data quality management s’assurant de la validité des e-mails / numéros de téléphone ainsi renseignés.

2 – Capitaliser sur la technologie : Dès 2020, une partie de notre stack analytics répondait aux exigences de la CNIL, en témoigne notre choix par exemple de déployer sur l’ensemble des applicatifs du groupe la solution Piano Analytics qui bénéficient de l’exemption Cnil.

Néanmoins, sur le volet publicitaire, il a fallu s’adapter à marche forcée. Alors que nous activons près de 50 partenaires à l’échelle du groupe, nous avons fait le choix logique de concentrer nos efforts sur les 80/20 qui généraient du revenu. Sans surprise, nous avons donc travaillé avec Google, Microsoft, Meta pour mettre en place les rustines qu’ils proposaient : consent mode V2 ; suivi avancé des conversions ; CAPI [Conversion API de Meta, NDLR], etc.

Reconnaissons que pour une fois, les éditeurs américains étaient moteurs dans ce type de déploiement.

3 – La création d’une data plateforme : Sur les dernières années, Meilleurtaux s’est construit sur de la croissance externe. Et comme on le sait, les rachats d’entreprises s’accompagnent de tout un travail d’interopérabilité souvent fastidieux des systèmes d’information.

Dans le contexte de diminution des trackers web, ce besoin de rapprochement de la donnée a donc trouvé facilement un écho en interne. Résultat, depuis 1 an, les équipes travaillent à la création d’une data plateforme groupe composée de Google Cloud Platform en brique Datalake et d’Imagino en brique CDP.

Tout l’enjeu ici est de réussir à construire des profils clients  exhaustifs sur l’ensemble des points de contact du groupe et de les activer ensuite sur nos canaux de communication

4 – Et le server-side ? Les avantages du server-side sont connus : densité de la collecte de donnée ; insensible aux adblockers ; non soumis au régime de la fin des cookies tiers ; mieux-disant sur la sécurisation de la donnée ; sans impact sur le temps de chargement des pages du site… seulement aujourd’hui, chez nous, c’est encore essentiellement un sujet de réflexion plus que de réalisation.

Des tests ciblés sont menés ça et là, mais la dynamique ne prend pas encore. Et ce pour 3 raisons : 

– Le manque de maturité de l’écosystème : si certaines solutions proposent du server side, ce n’est pas le cas de la majorité de nos partenaires. Et il est assez complexe de gérer deux protocoles de collecte.

– La perte de maitrise ou d’autonomie du marketing : C’était d’ailleurs le gros avantage des tags client-side intégrés directement dans un TMS. En basculant sur du server-side, le marketing se créé une dépendance avec l’IT.

– L’absence de contrainte : Aujourd’hui, il existe pléthore d’alternatives qui permettent aux annonceurs de continuer à tracker leur mix-marketing bon an mal an. Pourquoi s’imposer un projet lourd, parfois incertain, alors que ça tourne en l’état ?

Ma conviction profonde est que la bascule du marché ne viendra pas de l’impulsion des directions analytics, souvent moins influentes dans les organisations, mais uniquement si demain Google, Meta and co font du server-side un pré-requis au pilotage de leurs campagnes.

L’argent draine les priorités.

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