Les secteurs du spectacle vivant, de la restauration et du tourisme ont connu une nette baisse d’activité suite aux terribles attentats de novembre dernier.
Les salles de spectacle ont cependant pu réagir grâce au Prodiss et à l’agence FRED & FARID. Retour sur le succès de l’opération « Ma place est dans la salle » en compagnie de Laurent Bentata, directeur général de Stage Entertainment France, et de Farid Mokart, creative CEO et co-fondateur de l’agence FRED & FARID.
Le brief
Suite aux attentats de novembre dernier à Paris, les salles de spectacle ont connu une baisse de fréquentation de -30 à -50%.
Comme l’explique Laurent Bentata, le ministère de la Culture a alors réuni tous les acteurs de la profession pour tenter d’identifier « comment le secteur pouvait se mobiliser, faire front, et – permettez-moi l’expression – ne pas se laisser tuer 2 fois ».
Il y avait pour le directeur général de Stage Entertainment France urgence à réagir « avant les fêtes » tant cette période est clé pour les arts du spectacle. 3 agences ont été consultées fin novembre – La Pac, BETC Paris et Fred & Farid – avec à la clé un calendrier extrêmement serré : 2 semaines de l’idée à la diffusion. Mais comme s’en amuse Laurent Bentata « impossible n’est pas Fred & Farid !»
La réponse de l’agence
Pour Farid Mokart, « un tel projet se devait d’être, non pas communiquant, mais communiant ». Tous les leviers habituels ne pouvaient être mis en place : « les délais étaient trop courts pour concevoir un film, un teaser, une campagne d’affichage ou des partenariats médias classiques. » De plus « la période incitait à la prudence, et le public et les célébrités se posaient légitimement des questions avant de soutenir une cause. » Ce qui peut mener à l’inaction, mais pas ici !
L’agence Fred & Farid Paris s’est donc mise en tête de trouver « une idée généreuse » mais non publicitaire. Car comme l’explique Farid Mokart « le spectacle est un acte généreux. Même si c’est un acte marchand, c’est un espace de liberté dans la cité. Il y avait urgence à aider la profession, mais aussi à défendre nos valeurs quand la barbarie frappe de façon aveugle. »
Si l’envie était là, attention à trouver le ton juste, dans un contexte de forte émotion, où chacun vit le drame à sa façon : « l’idée de la campagne se devait d’être militante, mais pas provocante ». Pour y parvenir, l’agence a eu l’idée d’impliquer toute la chaîne des acteurs du spectacle « pour que le temps d’un week-end, toute une industrie parle d’une même voix » selon son co-fondateur. Or le pari était de taille selon Laurent Bentata, tant ce secteur est composé « de différents acteurs qui ne se parlent pas toujours, entre théâtres privés et publics, ou entre producteurs concurrents ».
La campagne
Le principe de la campagne ? Le 18 décembre, tout spectacle souhaitant soutenir son secteur s’est renommé « Ma place est dans la salle ». Ce qui a constitué un leitmotiv pour le public mais aussi « pour toutes les personnes œuvrant pour le spectacle : acteurs, producteurs, régisseurs, ouvreurs » comme l’explique Farid Mokart
Quelques théâtres parisiens y ont participé au départ, vite rejoint par 150 spectacles au total. « Ce qui a constitué un véritable défi logistique pour l’agence » selon Laurent Bentata, puisque plus de 200 affiches ont dû être retouchées et modifiées physiquement en moins de 15 jours.
Gad Elmaleh a été le 1er artiste à soutenir l’opération via une vidéo produite par l’agence, vite rejoint par 200 artistes, « le tout avec beaucoup d’humilité » selon Farid Mokart. Ces ambassadeurs ont représenté le média de lancement idéal de la campagne, avant que la presse ne prenne le relai.
L’opération a été rendue publique grâce à un unique communiqué de presse envoyé le 16 décembre en fin de journée.
L’opération n’a pas connu d’investissement média, mais a été soutenu par des « entreprises qui avaient envie de soutenir la campagne telles que JCDecaux et des régies radio » selon Farid Mokart.
L’engouement des médias a été réel avec des passages en TV, en presse, en radio, le tout sur les 48h précédant le week-end visé par l’opération.
Pour le co-fondateur de Fred & Farid, « n’importe qui aurait tenté de générer un tel mouvement en planifiant, en réservant de l’espace… Alors que nous avons recherché la spontanéité et le cœur-à-oreille » qui est ici une forme de bouche-à-oreille particulièrement appropriée !
Laurent Bentata et ses confrères restent « impressionnés par la mobilisation de tous les acteurs du spectacle, et les soutiens spontanés issus de théâtres en province ou à l’étranger ».
Les résultats
– Plus de 150 spectacles ont participé à l’opération #MaPlaceEstDansLaSalle. Des spectacles et salles dans le monde entier ont soutenu l’opération en rebaptisant spontanément leur spectacle Ma Place Est Dans La Salle.
– 200 artistes se sont joints au mouvement dont Gad Elmaleh, Francis Huster, le Crazy Horse, le Moulin Rouge…
– #MaPlaceEstDansLaSalle en trending topic #1 en France
– Anne Hidalgo et Fleur Pellerin (alors Ministre de la Culture) ont tweeté à propos de l’opération.
– Passages en TV : Touche Pas À Mon Poste, JT TF1, M6, France Télévisions
– Parutions presse, radio, et 171 millions d’impressions pour les retombées web
Les clés de succès
Réagir vite
Farid Mokart : « Des secteurs comme le tourisme et la restauration ont aussi été touchés par les événements tragiques mais n’ont pas su communiquer dans les délais nécessaires, et impliquer les différentes parties prenantes. Et pourtant, on a envie de voir ces industries debout, pas un genou à terre ! »
La justesse du ton
Laurent Bentata : « Si on avait été calculateur, cela n’aurait pas fonctionné. Il ne fallait pas que ce soit connoté commercialement. L’émotion fait partie de notre savoir-faire en tant que producteurs de spectacle, nous nous devions de rester dans ce registre ».
Le lâcher prise
Laurent Bentata : « Nous nous sommes rapidement rendus compte qu’une fois en place, ce projet ne nous appartenait plus. Nous avons été surpris par les soutiens de Londres, de Broadway, des théâtres de province qui réclamaient leurs affiches… »
Un message positif
Laurent Bentata : « Nous ne voulions pas tomber dans le côté anxiogène. Il fallait se concentrer sur la mobilisation, l’acte citoyen et fédérateur. Ne surtout pas se focaliser sur les chiffres de fréquentation à la baisse. »
Fédérer le secteur
Farid Mokart : « nous avons davantage recherché la communion, que la communication. »
Laurent Bentata : « Il y a eu un avant et un après pour la profession ». En tant que producteurs nous avons l’habitude d’être concurrents et donc individualistes. L’opération « ma place est dans la salle » a permis aux gens de se parler. Et aujourd’hui nous savons que nous pouvons communiquer ensemble, avec force et transparence. Nous sommes concurrents mais nous partageons les mêmes problématiques. Plus on se parlera plus on s’en sortira. »