Conseil n°0 : restez chez vous.
Note : la situation est a priori totalement inédite pour nous tous. Cet article a été écrit dans le contexte du jour. En ce 16 mars, le confinement est vivement recommandé en France mais pas encore total, les commerces non essentiels ont été fermés samedi à minuit, et un nouveau discours du président de la République est attendu ce soir. Nous n’aurions pas abordé le sujet de cette façon il y a une semaine. Et si nous avons à le traiter dans une semaine, notre regard sera probablement très différent.
La crise du Covid-19, aussi appelé SARS-CoV-2 ou simplement coronavirus, est sans précédent pour les générations actuelles. Cette crise sanitaire est un tsunami, et la tragédie guette des centaines de milliers voire millions de Français(es) qui n’en ont pas encore conscience. Les médias généralistes et spécialisés font un travail remarquable à ce sujet. L’information ne cesse d’être renouvelée. La Réclame n’a pas la prétention d’apporter le moindre point de vue santé sur le Covid-19.
Mais ce lundi a marqué la reprise du (télé) travail pour la plupart des professionnels de la communication. Avec quelques questions à l’esprit : les marques peuvent-elles continuer à communiquer alors que le nombre de points de contact transactionnels fond progressivement ? Sur quels sujets travailler ? Comment préserver la santé économique d’agences déjà fragiles ? Voici 5 conseils pour laisser passer la tempête, en espérant que celle-ci soit vite contenue.
1. Réussir la mise en place du télétravail
Le secteur de la communication est celui de la marque et donc de l’immatériel. Et ce n’est pas Laurent Habib, auteur du livre La force de l’immatériel qui dirait le contraire. Donc il n’y a pas de raison qu’il ne puisse se mettre au télétravail !
Suivant les recommandations de l’État, le secteur « s’est organisé la semaine dernière pour généraliser le télétravail », comme l’explique Laurent Habib, président de l’Association des Agences-Conseils en Communication (AACC) et de l’agence Babel qu’il a fondée.
Cependant, travailler en agence est avant tout un sport collectif rythmé par les rebonds, réunions et retours clients. Ne plus réunir au même endroit les équipes, et cela de façon permanente, est un challenge. Aussi aboutis soient les outils de messagerie (Slack, Teams), de collaboration (Gdrive, Office 365), de visioconférence (Zoom,Google Hangouts, Skype) ceux-ci procurent une expérience différente de ce qui se passe dans une réunion, autour d’un whiteboard ou dans un open space. Ces outils font déjà partie du paysage des agences – à des degrés divers – depuis des années, mais ont rarement remplacé les échanges physiques. Il va falloir apprendre à travailler autrement.
De plus, avec le ralentissement prévisible de l’activité, et les conditions difficiles du télétravail pour certains (enfants à la maison, petits espaces, cadre non adapté…), le maintien du bien-être et de l’efficacité de toutes les équipes pourrait s’avérer complexe sur plusieurs semaines.
Pour Sandrine Plasseraud, fondatrice et présidente de We Are Social France, « s’il est vrai que la majorité des métiers d’une agence digitale peut être exercé en WFH, comme le disent les Anglo-saxons (Work From Home), il est important de poser des bases pour le bien-être des collaborateurs qui, du jour au lendemain, se retrouvent isolés, souvent seuls chez eux 24h/24. »
Pour que la transition se déroule convenablement, l’agence a « établi ce jour une charte « confinement, télétravail et lien social » pour établir les règles du télétravail (faire « comme si » on allait au bureau : petit-déjeuner, tenue vestimentaire ; se fixer des horaires ; faire des pauses ; privilégier les vidéos pour pallier l’isolement ; organisation de son espace de travail, etc.) »
N’y voyez pas là un manque de confiance dans la capacité des équipes à rester mobilisées confinées (plutôt qu’à errer sur Pornhub, comme ce fut constaté en Italie ou ailleurs). C’est notamment la crainte de certains managers peu habitués au télétravail :
.@wsj wants to make sure nobody is having too much fun working from home pic.twitter.com/hbxBU0qG54
— Ben Smith (@benyt) March 13, 2020
Comme l’explique Sandrine Plasseraud, « finalement la chose principale que nous posons dans cette charte c’est la nécessité de réinventer le lien social et c’est un challenge collaboratif que nous lançons à nos collaborateurs à partir de ce jour. Faut-il organiser des sessions de yoga une fois par semaine en vidéo ? Faut-il jouer à des jeux de société tous ensemble via Hangouts ? Par exemple nos collègues de We Are Social Italie, déjà en confinement depuis quelque temps, se challengent avec des recettes de cuisine via le compte Instagram @pandemeal qu’ils ont créé. »
« C’est une nouvelle ère qui se présente à nous, elle peut faire peur (et elle fait très peur) mais cela nous impose, au nom des collaborateurs, de réinventer les codes et de nous soutenir mutuellement via le digital pendant cette période de confinement. » conclut @Sandrine.
2. Adapter sa communication
Un constructeur automobile n’a plus la possibilité de rediriger le public vers les concessions pour un essai. Une app de rencontre ne devrait plus proposer de mise en relation d’inconnus. Les compagnies aériennes n’ont plus de vol à proposer. Même la grande distribution et le secteur alimentaire, aujourd’hui préservés, doivent adapter leur discours en fonction de ce contexte inédit.
Toute campagne, du grand film TV aux simples stories Instagram, doit être reconsidérée à l’aune du Covid-19. Gare à ce que vous avez déjà planifié et qui pourrait être publié voire amplifié au mauvais moment.
Le public étant aujourd’hui très préoccupé par sa santé, celle de ses proches, et le confinement qui guette, les marques doivent limiter leurs prises de parole. Ce n’est pas le moment.
Les rebonds à l’actualité pourraient paraître opportunistes et de mauvais goût. En revanche, les entreprises ont l’opportunité de faire preuve d’utilité, comme LVMH l’a montré hier en annonçant mobiliser sa filière parfum pour fabriquer et donner des gels hydroalcooliques en grande quantité à l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris.
Good Business: First look as owner of @LouisVuitton @MoetUSA changes all perfume factories to mass produce hand sanitizer to be distributed for Free in France (Video: @LVMH) pic.twitter.com/0N093XrEcL
— Michael Cappetta (@MCappetta) March 16, 2020
Merci @LVMH merci #christiandior
Le produit est magnifique dans tous les sens du terme ! pic.twitter.com/3f3PjazsC9— Romain de JORNA (@romaindejorna) March 17, 2020
Les marques auront aussi tout intérêt à ne pas oublier de soigner leur service client, aujourd’hui bien plus important pour certains secteurs (les transports notamment) qu’une communication créative.
3. Négocier des reports au lieu d’annulations
Selon Laurent Habib, le secteur de l’événementiel a vu son activité fondre de 70 à 80 % sur la période liée au coronavirus. Et cela n’intègre pas les impacts du confinement qui se met en place depuis le week-end dernier.
L’heure est grave pour L’ÉVÉNEMENT. L’association, défendant l’événementiel et ses 335 000 salarié(e)s en France, a rapidement appelé ses clients à reporter ses événements et non à les annuler. La nuance est clé pour la survie économique de ces entreprises à taille humaine pour la plupart.
À l’AACC, Laurent Habib s’efforce de faire passer un message similaire : « des reports plutôt que des annulations ».
Ce serait un moindre mal pour les agences de communication, « qui voient déjà une chute d’activité de 15 à 20% de leur activité à cause des reports, des baisses de budget, ainsi que du report du newbiz pour les 3 prochains mois » selon le président de l’AACC, sur les bases des 1ers résultats questionnaire adressé la semaine dernière, auquel toutes les agences membres n’ont pas encore répondu. Laurent Habib prévient le marché « cette estimation de 20% n’est qu’un minimum. Avec une rentabilité des agences pré-crise du coronavirus inférieure à 10%, le secteur risque d’être en perte généralisée. C’est une situation d’une gravité extrême et sans précédent. »
4. Solliciter les dispositifs prévus par l’État
Fort heureusement, l’État a rapidement mis en place des dispositifs protégeant les entreprises en ces temps troubles. Reste maintenant à le faire savoir. L’enjeu est de taille, comme l’explique Laurent Habib en tant que président de l’AACC : « les entreprises du secteur de la communication sont plutôt petites, et n’ont pas toujours des responsables administratifs en interne ». L’AACC s’est donc efforcée de faire passer en interne une documentation auprès de ses membres, régulièrement mise à jour.
Citons quelques dispositifs de l’État auxquels les agences pourront faire appel :
– Le chômage partiel
Si l’activité est à l’arrêt ou en partie maintenue, les agences peuvent faire appel au chômage partiel. « Le problème était jusqu’alors que celui-ci était plafonné à 80% du SMIC », commente Laurent Habib. Il est désormais « déplafonné à 4,5 fois le SMIC, ce qui permet de mettre au chômage des salariés » rémunérés à un bon niveau. « Cela permet de les conserver » plutôt que de devoir les licencier économiquement en cas de grande difficulté financière.
– Quand les parents ne peuvent télétravailler
Les parents d’enfants de moins de 16 ans qui doivent ainsi les garder à domicile peuvent solliciter l’Assurance Maladie pour une prise en charge exceptionnelle d’indemnités journalières, et cela en ligne.
– Préserver la trésorerie
La trésorerie des agences va être mise à mal.
Laurent Habib, en visioconférence avec le ministre Bruno Le Maire ce matin, a eu la confirmation que Bpifrance allait grandement soutenir les entreprises. Notamment en mettant en place « une garantie à 90% des emprunts bancaires » sur 3 à 7 ans. Ainsi que « la garantie à hauteur de 90% des découverts » si la banque « le confirme sur 12 à 18 mois », comme le précise Bpifrance.
Bpifrance « apporte du cash directement » aux entreprises, via plusieurs mesures de son plan d’urgence :
– un prêt sans garantie sur 3 à 5 ans de 10 000 à 5 millions d’euros pour les PME et plusieurs dizaines de millions d’euros pour les ETI, avec un différé important de remboursement
– toutes vos factures mobilisées avec en plus un crédit de trésorerie de 30 % du volume mobilisé
– la suspension des paiements des échéances des prêts accordés par Bpifrance à compter du 16 mars
Pour en bénéficier, contactez Bpifrance via ce formulaire en ligne.
Enfin, la Banque Publique d’Investissement française rappelle que toute entreprise peut « demander le report des échéances fiscales et sociales et des remises d’impôts aux administrations et services concernés ». À l’exception de la TVA et du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu.
En cas de difficulté à rembourser un crédit, Advise Up, cabinet de conseil, d’audit et d’expertise comptable, indique qu’il est possible de solliciter « un soutien de l’État et de la Banque de France (Médiation du crédit) pour négocier avec sa banque un rééchelonnement des crédits bancaires. » La saisine de la Médiation du crédit se fait en ligne.
Enfin, le cabinet Advise Up indique que « la reconnaissance par l’État et les collectivités locales du coronavirus Covid-19 comme un cas de force majeure pour leurs marchés publics. En cas de non-respect des délais d’exécution, […} les pénalités de retard ne seront pas appliquées, […] le coronavirus étant reconnu comme un cas de force majeure. »
Laurent Habib (AACC / Babel) salue « cet effort financier sans précédent de l’État, inédit depuis l’après-guerre. C’est un Plan Marshall de toute l’économie. »
5. En profiter pour travailler le long-terme
L’activité risquant de ralentir sérieusement, l’heure est probablement venue, comme le suggère Jean Allary (Artefact), de « profiter du temps calme pour avancer les questions stratégiques ». Et « pour se (re)poser sur les questions de fond. D’abord sur leur modèle industriel, même si le marketing intervient en bout de chaîne vis-à-vis de ce genre de problématique. Ensuite sur leur marketing stratégique, ré-ouvrant les sujets de segmentations (d’individus et de produits), de transformation numérique, de calendrier, de relations aux partenaires. Finalement sur leur marketing opérationnel : pertinence des mix, des formats, des messages, des méthodologies de mesure et d’attribution… »
Et de façon pratique, le confinement pourrait aussi être l’occasion d’effectuer un travail de fond : examen critique du site web de l’agence ou de l’annonceur, travail sur les contenus, optimisation du SEO, maintenance applicative et serveur, tri et classification de la bibliothèque de contenus, enrichissement du toolkit RP… Bref, tous ces travaux qui incombent en général au mois d’août. C’est déjà l’été, souriez !