Avant l'IA, l’omnicanalité pour tous ?
Cette interview fait partie de notre newsletter DOOH.
Alors que le retail media s’impose comme l’un des leviers les plus dynamiques du marché publicitaire, une distinction essentielle demeure : celle entre l’e-retail media, omniprésent en ligne, et le retail media physique, déployé en point de vente. C’est précisément sur ce dernier que se concentre Imediacenter, régie publicitaire de la galaxie Auchan, experte en GSA (grande surface alimentaire) et pionnière dans la digitalisation du parcours shopper via le DOOH.
Pour Basile Hennin, Leader Marketing & Insight d’Imediacenter, l’enjeu est clair : tirer parti de la donnée shopper pour diffuser les bons messages, au bon endroit et au bon moment, tout en préparant l’avènement d’un retail media pleinement omnicanal. Entre analyse fine des tickets de caisse et des cartes de fidélité, campagnes ciblées in-store et montée en puissance du programmatique, la régie trace sa route vers un DOOH plus intelligent, plus mesurable, et surtout plus utile pour le consommateur.
Quelle est la spécificité du DOOH chez Imediacenter ?
Basile Hennin : Nous œuvrons sur la partie alimentaire du retail media, c’est-à-dire sur l’ensemble des assets publicitaires en magasin, en GSA pour être précis. À ne pas confondre avec l’e-retail media, qui concerne les sites e-commerce.
Imediacenter est la régie publicitaire d’Auchan, d’autres retailers, ainsi que de galeries, etc. Et pour répondre à votre question, notre DOOH permet de couvrir l’entièreté du parcours d’achat du consommateur. On peut l’implanter dans différents environnements au sein du magasin. Nous avons des écrans aux entrées, qui permettent un premier contact avec le shopper. Des écrans en allée centrale, dans un hyper ou un supermarché, pour faire de la répétition et travailler le drive to rayon. Et des dispositifs au niveau des caisses, qui permettent un dernier point de contact, soit pour des annonceurs sur le meuble caisse, soit pour de futurs achats. Il y a aussi de la digitalisation en extérieur sur les parkings et le drive.
Le DOOH est un média interactif, informatif et reconnu par les consommateurs. Je dis informatif car nos écrans DOOH sont informatifs sont présents sur des lieux de consommation et fournissent de l’information au client : la promotion du moment, un nouveau produit ou une innovation, les best-sellers, etc. Ce sont des messages utiles, pas intrusifs.
97 % des clients consultent ces écrans, selon nos études internes. Et il est bon de rappeler que 81 % des Français font encore exclusivement leurs courses en point de vente physique, selon notre baromètre Shopper Trends.
Quels sont les apports concrets de la data shopper dans la diffusion et la mesure de vos campagnes in-store ?
B.H. : Le retail media ne peut pas exister sans data. C’est un de ses piliers, et surtout, c’est de la data first party, donc de la data retailer. Il y a deux couches de data qu’on va exploiter. La première, c’est la donnée ticket de caisse, une donnée de consommation. Et la deuxième, c’est une donnée de connaissance client qui est affiliée au porteur de carte de fidélité. Elle nous permet d’avoir, même si tout est RGPD et anonymisé, des attitudes et des habitudes de consommation sur les porteurs de carte, ainsi qu’une vision des temporalités de consommation à partir des tickets de caisse.
Grâce à ces sources de données, on peut accompagner les annonceurs dès la phase de pré-campagne, pour maximiser leur ROI et leur ROAS. Même si on n’est pas en one-to-one comme sur du e-retail media, on reste sur du one-to-many, nous sommes capables d’adresser les bonnes populations, au bon endroit, au bon moment. On joue sur ces trois axes : la bonne personne, le bon magasin, et la bonne temporalité.
Par exemple, on peut déterminer quels sont les magasins les plus pertinents à activer selon l’objectif de la marque : est-ce qu’on veut recruter, fidéliser, activer les magasins les plus forts, ou au contraire, aller chercher ceux qui performent moins ? Et puis, le bon moment, c’est aussi regarder les pics de consommation d’un produit, d’un rayon, sur l’année, et caler les prises de parole en conséquence.
Ensuite, la vraie puissance intervient en post-campagne. Là, nous utilisons toujours ces mêmes données, ticket de caisse et porteurs de carte, pour sortir des bilans très précis. On arrive à peu près à une vingtaine de KPI, à partir de ces données : évolution de chiffre d’affaires, ventes additionnelles, comparaisons entre magasins témoins et magasins animés, taux d’incrémental, taux de pénétration, évolution de trafic en rayon, etc. Et aussi, est-ce que les ventes se sont faites au détriment des concurrents ? Tout ça, c’est de la donnée issue du ticket de caisse.
On a aussi une mesure plus classique de l’avant/après, pour voir les évolutions de part de marché, de chiffre d’affaires, ou de volume de ventes. Et on peut aller encore plus loin grâce aux données des porteurs de cartes : taux de recrutement, grâce aux historiques d’achats — est-ce que ce sont des clients qui achetaient déjà ou pas ? — et taux de réachat : est-ce qu’ils ont racheté après la campagne ?
Enfin, grâce à ces porteurs de carte, on peut aussi définir des personas dans nos bilans, selon la tranche d’âge (grâce à la date d’anniversaire), ou selon la CSP, qu’on déduit du lieu d’habitation. On peut ainsi comparer les typologies d’acheteurs d’une marque, en lien avec le rayon ou avec la concurrence.
C’est très large, mais cette exploitation des données permet d’aller très loin, notamment sur notre terrain qui est la GSA , pour des produits alimentaires ou non-alimentaires. Dis-moi ce que tu consommes, je te dirai qui tu es. Cela nous permet d’optimiser les campagnes en amont et de bien les mesurer après, toujours dans une logique d’optimiser la campagne suivante, en fonction des objectifs de la marque.
Travaillez-vous avec Valiuz, une autre structure spécialisée dans le (e)retail media au sein l’AFM / famille Mulliez ?
B.H. : La première synergie concerne le studio créatif d’Imediacenter qui permet à Valiuz de proposer des créations graphiques sur les assets sont on-site ou off-site, sur leur périmètre.
Ensuite, notre volonté est de mettre en place une collaboration autour de l’omnicanalité avec Valiuz. Valiuz est expert du digital et du e-retail media, nous sommes experts du point de vente physique et du retail media. On sait que 20 % du chiffre d’affaires est réalisé sur le digital, 80 % en magasin. Certains clients mixent les deux. Demain, l’enjeu est de pouvoir proposer une offre multicanale grâce à cette alliance, ou en tout cas grâce au fait qu’on soit « cousins » sur les mêmes périmètres avec Valiuz.
Quelle est la part de programmatique et de gré à gré dans vos campagnes DOOH ? Le pDOOH progresse-t-il ?
B.H. : Le pDOOH représente aujourd’hui 2 à 3 % de notre chiffre d’affaires. Il s’agit des prémices du programmatique dans notre activité. Nous avons été la première régie à faire entrer le programmatique dans les centres commerciaux, dans la partie galerie marchande. Aujourd’hui, aucune régie, que ce soit nos concurrents ou nous-mêmes, n’a encore mis ses assets in-store — au sein des enseignes alimentaires — en programmatique.
Le contexte étant posé, nous observons une croissance d’environ +18 % pour le pDOOH cette année. Mais nous restons encore sur une majorité d’achats en gré à gré, car nous apportons beaucoup de conseil, avec un véritable travail en amont avec la data. Le programmatique est un autre mode d’achat, plus automatisé, mais qui a aussi ses avantages. Nous sommes convaincus que ce sera l’avenir, que cela va croître, mais aujourd’hui, c’est encore très minoritaire.
Quelle est la prochaine innovation qui pourrait chambouler le marché du DOOH selon vous ? L’IA par exemple ?
B.H. : On parle beaucoup d’IA, mais pour moi, avant cela, il va falloir se concentrer sur l’omnicanalité.
Aujourd’hui, nous avons encore des silos dans le retail media : certains sont experts de l’e-commerce, d’autres du point de vente physique. La vraie révolution sera de réussir à casser ces silos, et de proposer une approche réellement omnicanale, qui suit les parcours d’achat des consommateurs, qu’ils soient digitaux ou physiques.
Et derrière, il faudra aussi une mesure omnicanale. Parce que si on propose de l’omnicanalité, il faut aussi pouvoir la mesurer de façon pertinente.
Concernant l’IA, je pense que son premier usage se fera sur la partie créative. On pourra tester des créations plus rapidement, optimiser l’impact d’un message, améliorer la mémorisation sur des spots courts — comme ceux de 10 secondes qu’on utilise en DOOH. Ensuite, l’IA jouera un rôle sur l’exploitation des datas. On l’a vu : le triptyque “bonne personne, bon endroit, bon moment” est central pour nous. L’IA pourra venir optimiser ça, affiner les stratégies d’achat, rendre les campagnes encore plus pertinentes.
Et bien sûr, dans le prolongement de l’omnicanalité, l’IA pourra aussi contribuer à une meilleure orchestration des plans média, à leur personnalisation. Mais pour moi, le premier tournant, celui qui aura l’impact le plus fort à court terme, est l’omnicanalité.