News de l'agence Dagobert
Quand les marques trollent les consommateurs
Perturber l’ordre établi en lançant une polémique sur un forum, partager un tweet sanglant pour attirer l’attention, commenter une photo Instagram dans l’objectif de gêner… Le digital regorge de railleries alimentées par les trolls.
Si l’acte de troller a longtemps été protégé par l’anonymat, cette pratique est aujourd’hui faite à visage ouvert. Les premiers à assumer leur statut de troll ? Les millenials. Ces derniers n’hésitent pas à troller et à s’auto-troller. Les hashtags créés par les plus jeunes témoignent de ce phénomène (ex : le hashtag #MillenialsProblem relève les problèmes « absurdes » des millenials). La jeune génération s’approprie le digital comme une véritable arène d’expression, en rejetant le lisse, le consensuel et le politiquement correct. Une prise de parole plus libre qui commence à gagner les autres générations. Ces dernières commencent à adopter et à prendre goût au « trolling », comme en témoigne le hashtag #HowToConfuseMillenials qui a engendré une « guerre des trolls » de générations hilarantes sur les réseaux sociaux.
Si nous avons encore du mal à accepter le troll qui sommeille en nous, certaines marques l’ont toujours revendiqué. Les éternelles guerres entre les marques de fast-food nous ont prouvés que le concept de marque-troll n’est pas nouveau.
Véritable emblème de cette tendance, Wendy’s a construit une partie de son image de marque en entretenant une guerre sans retenue avec les acteurs du marché du fast-food. La marque au logo de fillette est allée jusqu’à réaliser une mixtape « We beefin’ » à destination de ses concurrents. Un parti pris qui a permis à Wendy’s de véhiculer une image authentique grâce à son « franc parler ».
Si les marques comme Wendy’s endossent le rôle de marque-troll pour attaquer leurs concurrents, d’autres vont encore plus loin en s’attaquant à « l’intouchable » : le consommateur roi.
Alors que l’un des rôles généralement attribué aux marques est celui de fédérer, certaines marques adoptent une stratégie disruptive en n’hésitant pas à se moquer, diviser et créer la polémique auprès des consommateurs.
Il s’agit d’un choix audacieux où les marques revendiquent haut et fort que « Non, elles ne sont pas juste gentilles et le consommateur ne l’est pas non plus ! ».
Dans cette démarche sans filtre et sans langue de bois, les marques-troll annoncent-elles la fin du politiquement correct ou l’arrivée d’une nouvelle forme d’expression ?
Ces marques entretiennent en effet une relation plus assumée avec le consommateur. Elles réussissent à perturber l’ordre établi pour mieux fédérer et sortent du lot par leur faculté à se faire le miroir des imperfections du consommateur roi. Et si les marques doivent « cohabiter » avec les trolls, pourquoi ne pas jouer avec eux ?
Découvrons comment les marques réussissent à s’amuser et à amuser grâce aux trolls !
UNE RELATION PLUS ASSUMÉE : MARQUE-CONSOMMATEUR, MEILLEUR ENNEMI POUR LA VIE
Le troll aime titiller son prochain. Il aime provoquer en nous faisant rougir de honte, en nous mettant mal à l’aise.
Lorsque Spotify, pour les résolutions de fin d’année, met en lumière les pratiques musicales loufoques des consommateurs (playlist honteuse, écoutes excessive de morceaux…) c’est pour instaurer un lien de proximité avec sa communauté. Une stratégie disruptive visant à ne pas idéaliser le consommateur mais à jouer sur une complicité avec celui-ci, basée sur des pratiques étonnantes et des amours musicales inavouées.
Plus authentiques et plus humaines, les marques-troll assument le fait que comme toute relation : il y a des hauts et des bas, des taquineries, des disputes et des réconciliations…
PERTURBER L’ORDRE ÉTABLI POUR MIEUX FÉDÉRER
Le troll par définition sème la discorde et déstabilise de façon sournoise. Il divise et crée la polémique.
C’est en provoquant le désordre que des marques réussissent à se faire entendre. Une prise de risque qui les oblige de fait à renoncer à la quête d’une « image parfaite ».
Une « rupture» volontaire avec les codes habituels, qui a permis à Volkswagen de partager une petite leçon d’orthographe auprès des consommateurs lors d’un match France-Brésil en se rebaptisant « Wolkswagen ».
Une faute d’orthographe qui n’a pas échappé aux trolls du web, qui sont allés jusqu’à créer plusieurs hashtags (#LeStagiaire, #LeStagiaireBFM) pour se moquer de la marque. Après le flot de critiques, Volkswagen a révélé la supercherie en postant une vidéo expliquant l’objectif de cette faute volontaire : aider les nombreux internautes qui se trompent lors de leurs recherches web à mieux mémoriser l’orthographe de « Volkswagen ».
Si des marques comme Volkswagen réussissent à se faire entendre, c’est parce que ces dernières s’émancipent de la vision manichéenne que nous avons du troll.
Les marques-troll proposent une nouvelle grille de lecture, brisent nos a priori, perturbent nos habitudes… En bref, elles adoptent les mêmes attitudes que le troll mais en leur attribuant du sens : leur sens.
SE DISTINGUER PAR L’ABSURDE
Le troll est une figure de l’absurde sur les réseaux sociaux. Une image burlesque dont certaines marques ont réussi à tirer parti pour souligner leur singularité.
La campagne La livraison autrement de Frichti, met en lumière les comportements et habitudes absurdes des consommateurs . Il s’agit pour la marque de se positionner comme une alternative de la livraison et des moments pénibles des courses.
"Pour tous ceux qui errent dans les rayons du supermarché après le boulot. Le regard vide. Chez Frichti, on vous livre les courses en 18 minutes. Jusqu'à 23h."
Au-delà de faire une simple mise en scène de l’absurde, les marques-troll se font le miroir de leurs consommateurs et de ses pratiques. La relation avec le consommateur n’est plus ascendante, ni descendante, mais latérale. Cette communication audacieuse réussit à impacter en s’inspirant des richesses qu’offre le digital : la culture du « WTF » et le renoncement à la langue de bois. En explorant cette facette de la figure du troll, les marques instaurent une relation d’ultra-proximité avec le consommateur.
DE « DON’T FEED THE TROLL » À “DO FEED THE TROLL”
“Don’t feed the troll” (ne nourrissez pas les trolls), telle est la maxime des community managers sur les réseaux sociaux. En réponse aux critiques du troll, on conseille de l’ignorer, de ne pas lui répondre ou encore de supprimer son commentaire… Mais cela ne supprime en rien le problème, car derrière un troll s’en cache un autre.
Certaines marques décident alors de ne pas « subir » cette réalité en ne se laissant pas faire. Si les marques doivent « cohabiter » avec les trolls, pourquoi pas jouer avec eux ?
Et si les trolls permettaient de faire vendre ? C’est le choix qu’a décidé d’adopter KFC en articulant sa campagne autour d’une critique d’un troll sur ses frites. La marque réussit à transformer un commentaire négatif en atout business. En affichant le tweet du troll, KFC fait preuve de second degré auprès des consommateurs.
@upgrade_music
- "Dear KFC, no one likes your fries.
Yours sincerely,
The entire world."
@kfc
- "New fries coming soon"
Les trolls , les mauvais commentaires et les haters existent et continueront d’exister… et ce n’est pas une fatalité ! Car derrière une critique d’un troll, se cache peut-être une idée. Parce que le troll réussit parfois à vous faire rire, riez avec eux. Et parce que le digital est le terrain où vous êtes le plus libre, amusez-vous.
LEARNINGS FROM THE TROLLS ?
Finalement, les marques troll sont le résultat d’une hyper-culturalisation de l’espace digital. Au-delà d’une simple appropriation des codes digitaux (culture du gifs, mèmes…) les marques vont jusqu’à adopter les comportements 2.0 des internautes.
Il s’agit pour ces dernières d’entretenir une relation plus assumée où marques et consommateurs sont à la même échelle. Ainsi, les marques ne sont plus des entités neutres mais de véritables personnalités.
Des personnalités qui entretiennent une relation avec les consommateurs allant au-delà du produit. Une relation humaine où marques et consommateurs apprennent à s’aimer, se chamailler et à se réconcilier.