Au menu : collecte server-side et données des walled gardens.
Comment se préparer à la disparition progressive des cookies tiers, alors que l’essentiel de la publicité sur l’open web est basée sur ceux-ci ? Et que les alternatives, plus nombreuses chaque jour, ne font que fragmenter ce marché qui gagnerait à être plus lisible ?
Pour Michael Froment, co-fondateur de la solution française Commanders Act, l’ère du cookieless a démarré avec les walled gardens (Meta, Google, Amazon, Apple, TikTok…), et elle ne connait aujourd’hui que sa destination finale avec la mise au ban progressive des cookies tiers sur Chome.
Maintenant que le constat est dressé, qu’est-ce qu’un annonceur peut mettre en place pour continuer à monitorer la performance de ses investissements média, alors que la donnée se fait plus rare ?
Pour Michael Froment, fort de 20 ans d’expérience de la donnée en ligne (AT Internet puis Commanders Act), une collecte de data first-party doit désormais se faire en server-side pour gagner en efficience et en qualité. Et plutôt que de lutter contre les reportings propriétaires des plateformes, Commanders Act sait les agréger au sein d’une même solution d’optimisation média.
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La grande actualité de l’été est Google laissant le choix aux utilisateurs de Chrome d’accepter ou non l’utilisation des cookies tiers. Nous passons du « cookieless » au « cookiemaybe ». Comment accompagnez-vous vos clients dans ce contexte ?
Michael Froment : Le digital, c’est la donnée. Le marketing digital, c’est encore plus la donnée. Quand on commence à craindre d’en avoir un petit peu moins pour prendre des décisions et piloter ses investissements, c’est un premier stress chez nos clients. Tout l’enjeu pour nos clients est de savoir ajuster leur dispositif digital dans ce nouvel environnement qui se dessine. Nous les guidons dans cette jungle.
Le “cookiemaybe” annonce une mort lente des cookies tiers, mais cela correspond en réalité à une trajectoire encore plus lente. Si on refait la chronologie, les cookies tiers ont commencé à diminuer avec la réglementation sur la privacy avec la demande de consentement. Il y a ensuite eu les adblockers. Puis le jeu des navigateurs (Firefox, Safari) et bientôt Chrome qui va laisser le choix aux utilisateurs, ce qui est un peu pervers pour le marché. Les gens se disent que les cookies tiers ne sont pas finis, mais ce sera une mort lente.
Si on calcule rapidement, on a environ 70 % de taux de consentement sur le web aujourd’hui. Donc nous n’accédons déjà plus qu’à 70 % de la donnée que nous avions auparavant. On passe de 1 à 0,7. Si on ajoute les parts de marché de Safari, de Firefox, de l’Adblocking, on perd à nouveau 40 %. On passe de 0,7 à 0,42. Ensuite, on peut s’attendre à un taux de consentement de 50 % sur Chrome (comme on a pu le voir avec l’App Tracking Transparency d’Apple). On arrive donc à 0,21. Ce qui veut dire qu’il faut se projeter avec 20 % de données seulement dans le futur, si on continue sur ce modèle-là.
Les walled gardens n’arrangeant rien…
M.F. : Parfois, je fais réagir nos clients en leur indiquant que le cookieless existe depuis l’avènement des walled gardens. Aujourd’hui, environ 70 % de leurs investissements en ligne vont à Google et à Meta. Or, ce sont des destinations opaques en termes de tracking de la donnée. Les annonceurs doivent se contenter des chiffres de Meta et de Google.
La seule chose qu’un annonceur va pouvoir gouverner correctement, c’est son site web. Dès qu’il quitte son site, il tombe dans un univers flou. Il ne saura ce qu’un ID est allé faire sur Google ou Facebook, et inversement. Idem sur les médias de l’open web. C’est ce qui se dessine.
On le sait, l’enfer est pavé de bonnes intentions. La réglementation sur la privacy ne fait-elle pas que renforcer les plateformes alors qu’elle devait protéger les individus ?
M.F. : Oui, c’est finalement l’analyse que l’on peut faire du RGPD. Lorsque ce texte a été conçu, le digital devenait mature et prenait tellement de place qu’il était logique que le législateur s’intéresse un peu à ce qui se passait dans l’écosystème.
L’agenda secret était tout de même de compliquer un peu la vie des plateformes, même si ce sont elles qui en souffrent le moins, contrairement à l’open web qui a vu ses revenus publicitaires chuter.
La fragmentation est-elle un risque pour le business de l’open web ? Pour un annonceur, ce sera plus simple d’investir chez les quatre mastodontes que sont Meta, Google, Amazon et TikTok.
M.F. : Investir sur une plateforme est d’une simplicité enfantine pour un annonceur. Une seule interface, un reporting intégré, du reach… Alors que sur l’open web, il va devoir construire des ponts entre des sociétés qui ont parfois des intérêts convergents, mais sont souvent en compétition les unes avec les autres. Faire émerger un standard dans l’open web, c’est compliqué. Certes, il y a des solutions qui se dessinent : de nouveaux fournisseurs d’identifiants (First-ID, Universal ID, etc.) ou encore The Trade Desk qui a une belle réputation et une sacrée couverture au niveau mondial.
Travailler avec ces nouvelles solutions nécessite un peu d’ingénierie pour faire circuler la donnée et reconstruire l’équivalent du tracking que l’on a pu connaitre auparavant. Des annonceurs m’ont confié, un peu gênés, que le programmatique s’arrêtait là pour eux. Parce que c’était d’une complexité sans nom, et qu’ils ne pouvaient pas investir leur budget sur des espaces où ils n’étaient pas certains d’avoir du reporting.
Commanders Act s’est positionné sur le tracking server-side. Pourquoi ce choix ?
M.F. : Nous nous sommes dits qu’on ne pouvait plus compter sur les navigateurs pour construire une stratégie de marketing digital, ceux-ci favorisant de moins en moins d’utiliser les cookies. Or, le server-side permet des échanges directement d’une personne, d’une organisation à une autre par API [pour application programming interface, une interface qui connecte des services entre eux pour des échanges de données ou de fonctionnalités, NDLR] Cela sécurise les envois de données, et on est quand même sur quelque chose de plus propre que le JavaScript. Et cela ne fonctionne qu’avec de la donnée consentie, le server-side n’est pas une façon de contourner la loi.
Avec le server-side, on collecte les mêmes données first-party que l’on collectait auparavant [les balises GTM de Google par exemple, NDLR], mais on le fait mieux, plus proprement, de manière plus qualitative. Cela génère au final plus de collecte avec une augmentation de 25 % des conversions trackées, et cela améliore la performance des temps de chargement des pages, ce qui impacte positivement le SEO de nos clients.
Or, des échanges plus sécurisés et plus rapides encourageront le marché à aller vers de la donnée marketing plus fine, en intégrant notamment du scoring – ce que l’IA facilite – avec de la lifetime value, de la marge, etc.
Quelle est l’étape d’après pour le marché selon vous ?
M.F. : Le tracking des conversions à partir des données des plateformes impose quelques défis. Certes, chaque géant y va de son pixel posé sur les sites des annonceurs. Mais si j’ai des campagnes en cours sur les principales plateformes, et que j’ai 120 conversions pour une journée, Google va dire qu’il en a généré 100, Meta 100, TikTok 100, Snapchat 100, et puis disons, la Réclame, 100 aussi. Donc j’ai 500 conversions déclarées, mais je n’en vois que 120 dans mon back-office. C’est un éternel problème. Comment y remédier ?
Il y a l’attribution pour cela. C’était plus simple quand on pouvait tracker chaque événement, chaque clic sur une bannière. Or, avec le cookieless, la donnée n’est plus, ou elle est moins fiable.
Notre approche, suite au rapprochement avec Adloop, est d’accepter que cette ère de l’attribution grâce aux cookies est derrière nous, et qu’il faut se baser sur les données propriétaires des plateformes.
Nous agrégeons les données de reporting de Meta, de Google, de TikTok, de Snapchat dans une interface grâce à leurs API. L’enjeu est d’être capable d’analyser ces performances média pour en dégager de la valeur.
Votre outil d’optimisation des campagnes intervient-il sur les créations ou se limite-t-il uniquement au reporting pour le moment ?
M.F. : La Réclame va un peu plus vers la data. Et nous, nous devrions aller un petit peu plus vers la créativité. Cette dernière est en effet un composant super important de la performance de la campagne. Aujourd’hui, à matériel créatif ISO, on compare les résultats des campagnes sur les plateformes. Libre à nos clients de faire le lien entre conversions et différents jeux d’assets créatifs.