Carrefour raconte ses premiers pas dans le live shopping

Par Élodie C. le 29/04/2021

Temps de lecture : 8 min

Tendance à l’Est, mais pas encore totalement à l’Ouest.

Si le live shopping n’a pas encore gagné ses galons de tendance majeure en France, c’est une institution qui brasse des milliards d’euros en Chine : 130 milliards d’euros précisément selon une étude publiée fin 2020 par KPMG et Ali Research (Alibaba). Alors que les observateurs voyaient ce téléachat 2.0 sous influence franchir les frontières européennes bien plus tard, la pandémie a accéléré son adoption par les marques qui y ont vu une alternative pour maintenir un lien avec leurs consommateurs tout en permettant des ventes restreintes par la fermeture des rayons non essentiels. 

Carrefour s’est ainsi emparé de cette nouvelle expérience d’achat, « interactive et ludique » à la faveur d’un 2e confinement en organisant plusieurs sessions de live shopping. Thomas Rudelle, directeur du marketing digital chez Carrefour, nous livre les secrets de ces premiers pas “live shopping” pour l’enseigne et de résultats déjà prometteurs dans ce nouveau Parole d’annonceur.

Comment décririez-vous le live-shopping ?

Thomas Rudelle : Comme de l’entertainment et de l’e-commerce : on y trouve à la fois une expérience agréable de show vidéo et de découverte de produits alliée à un aspect e-commerce. Ce qui fait la différence avec le téléshopping traditionnel, c’est l’interactivité. Pouvoir interagir via un chat ou en posant des questions aux personnes qui présentent le live.  Tout se fait sur le même écran, là où il fallait acheter les produits présentés par téléphone ou en ligne lorsque cela se déroulait à la télévision.

Vous êtes l’une des premières marques françaises à s’être emparée de ce levier marketing. Quand avez-vous entendu parler de live shopping pour la première fois et dans quel contexte vous êtes-vous lancés ?

T.R. : Je ne saurais pas dire quand j’en ai entendu parler pour la première fois. Cela fait quelques années qu’on entend parler de l’Internet chinois et notamment du live commerce. On en parlait sous l’angle de ce qui se passe sur ce marché, mais c’était un sujet fréquemment évoqué ces dernières années. J’ai le sentiment que le Covid a accéléré les choses de façon très importante sur le marché français.

Pour Carrefour, le second confinement a été l’accélérateur en interne : il nous a imposé de fermer les rayons non essentiels, dont les rayons jouets qui sont traditionnellement majeurs à Noël. Le live shopping était un moyen d’écouler les stocks que nous ne pouvions vendre en physique. Nous avons évidemment actionné d’autres leviers, comme les catalogues vidéo sur YouTube pour faire de la promotion différemment, et mis en place d’autres initiatives comme le click & collect intégré à nos magasins. Cependant, le 2e confinement a été l’opportunité de nous lancer dans le live shopping alors qu’on y réfléchissait tout juste.

Comment s’est déroulée votre première session de live shopping ? 

T.R. : Tout s’est organisé en 15 jours, entre le moment où le go a été donné et le tournage du live. Ce fut un travail collaboratif entre les équipes e-commerce, groupe et marchandise (ceux qui achètent les jouets de Noël proposés en rayons). C’est ce qui est complexe dans ce genre d’opérations puisque différents aspects doivent être pris en compte : e-commerce, stocks et prix.

Nous avons organisé trois live shoppings thématiques d’une heure environ. Le 1er live consacré aux jouets pour jeunes enfants (fin de maternelle), le deuxième aux primaires et le troisième aux adolescents-adultes. À chaque fois, des enfants des différentes catégories d’âge mentionnées faisaient les bêta testeurs en direct en partageant leur unboxing avant de jouer avec.

L’avez-vous réalisée en interne ou avec un partenaire agence ? Si oui, lequel ?

T.R. : Tous les lives ont été tournés au sein des studios de Redpill (filiale de Quidol), qui est à la fois notre partenaire technique et notre agence créa. Un tournage dans le respect des gestes barrières évidemment, avec des animateurs de la radio NRJ (Valentin Chevalier et Pauline Bordja, duo de la matinale du 6/10 de NRJ) pour apporter une caution notoriété et expertise (avec une présence sur Instagram de 40 à 55K abonnés). Il était important qu’ils puissent gérer les interactions avec le public. 

Tous les lives shoppings depuis se tournent dans les studios de notre partenaire. Cette prestation intégrée était intéressante pour nous permettre d’être plus agiles sur une activité qui commençait à peine et sur laquelle nous n’avions aucun exemple sur lequel nous reposer, sauf à voir comment cela se passait en Chine.

Quelles étaient vos ambitions en l’utilisant pour la première fois ? Comment vous êtes-vous assuré de réunir suffisamment d’internautes ?

T.R. : Nous avons mis en place un plan de communication 360° sur l’ensemble de nos canaux : envois de communiqué de presse aux journalistes, newsletter à destination des collaborateurs, mise en avant sur l’intranet, emailing et push notification à nos clients, mise en avant sur le site, etc. sur l’ensemble de nos canaux onmedia et sur Facebook, instagram et Twitter.

Nous avons complété ce dispositif par une campagne de publicité avec une phase de teasing du live shopping sur laquelle les personnes pouvaient se préinscrire et recevaient ensuite un push sur Facebook/Messenger quelques minutes avant le début du live, puis de la publicité pendant le live incitant les gens à venir s’y connecter.

L’ambition était de se tester et de déterminer si nous étions en capacité de réunir une certaine audience tout en réalisant des ventes. Tout cela avec une certaine humilité. Nous avons eu entre 15K participations sur live shopping jouet et 8 à 9K pour le 3e. C’est une belle audience, mais si vous me l’aviez demandé en amont j’aurais été bien incapable de vous donner un volume d’audience attendu. Là, c’est effectivement une belle audience avec des ventes significatives de produits. En termes d’attentes, nous nous demandions si nous allions trouver notre public en tant que Carrefour (un aspect de communication) et si nous allions faire des ventes (aspect logiquement majeur). La réponse est oui dans les deux cas. On ne peut que s’améliorer par la suite pour rassembler plus de monde, faire plus de régularité et de ventes.

Qu’est-ce que cela représente en termes de budget ?

T.R. : Redpill l’a communiqué dans une interview : ils peuvent commencer à réaliser un live shopping avec certaines marques à partir de 5 000 euros de budget. Nous sommes Carrefour, nous étions donc un peu plus ambitieux, hors budget média. Pour ce dernier en revanche, c’est plus facile à calculer : combien de personnes je souhaite exposer ? Quelles sont mes intentions ? Etc. 

Ce qui est certain, c’est qu’il y a une dimension en termes de budget média pour « faire savoir » qui nous semblait structurante : si vous dépensez 200 euros pour 5 000 euros de production, ce n’est pas proportionnel. À partir du moment où vous faites un beau show, le faire connaître est primordial, la publicité demande donc de l’argent, un budget et une certaine fourchette à y consacrer.

Quels ont été les résultats de vos sessions ? 

T.R. : Entre 9 000 et 15 000 personnes d’audience sur les trois lives et plusieurs dizaines de milliers d’euros de chiffres d’affaires. Élément non négligeable : beaucoup de ventes se sont concrétisées post live, grâce au replay.

C’est l’une des spécificités du live shopping : à la différence de la télévision où vous événementialisez un show un soir à 19h par exemple, le live shopping permet à des personnes de regarder le live à un autre moment de la journée. 

Justement, l’une des particularités du live shopping est de proposer des promotions valables durant toute la durée du live. Les promotions proposées sont-elles également disponibles après le live ?

T.R. : Effectivement, pour le dernier live « Foire aux vins », nous proposions une offre spéciale valable jusqu’à minuit le soir du live, les gens avaient donc toute la soirée pour acheter. À l’occasion des fêtes de Noël, ces promotions étaient valables pendant une dizaine de jours, en ligne, mais aussi en magasin. Il n’y avait pas de promotions exclusives au live.

Ce sont les questions que l’on se pose pour certaines typologies de produits : est-ce qu’il ne faut pas étendre les promotions plus longtemps ? Est-ce que quatre heures suffisent pour se décider à acheter du vin, des jouets, etc. ? 

Quels enseignements en tirez-vous ? Quels sont les avantages du live shopping ?

T.R. : Des marques distribuées chez Carrefour nous ont contactés pour signifier leur intérêt concernant cette nouvelle expérience. C’est le premier enseignement : nous suscitons de l’intérêt auprès de nos partenaires industriels qui veulent distribuer leurs marques chez nous de manière différente. 

Finalement, cette tendance qui vient de Chine est culturellement adaptable en Europe et en France en particulier. Cette « vidéo pour acheter » est une tendance forte qui peut fonctionner.  Nous l’avons testée pour des catégories de produits très différentes. La vidéo permet, par rapport à de l’e-commerce traditionnel, de présenter, de mettre en valeur et en condition d’utilisation des produits un peu plus complexes que des yaourts ou du soda. Avec le live shopping, nous pouvons rendre cela expérientiel, faire tester et donner encore plus envie d’acheter sur des catégories parfois plus complexes.

Comptez-vous rééditer régulièrement ce type de session live shopping ?

T.R. : Oui ! Nous avons très envie de le faire et des industriels de le faire avec nous. J’étais relancé pas plus tard qu’hier soir. Il y a un fort intérêt pour ce nouveau levier. Et ce qui est intéressant c’est qu’il est suscité aussi bien du côté de nos partenaires non alimentaires qu’alimentaires. C’est ce qui émerge en Chine : des producteurs locaux de fruits et légumes ou de poissons avec des pêcheurs qui mettent en avant leur production en live commerce sur le marché chinois nous disaient « La tendance arrivera peut-être, mais plus tard », et on se rend compte que cela intéresse déjà des industriels alimentaires. 

Comment voyez-vous le format live shopping évoluer dans les mois/années à venir ?


T.R. : Cette bascule sur l’alimentaire, que l’on voyait arriver plus tard que le non alimentaire déjà présente, va finalement intervenir assez vite. Je la vois se massifier et devenir petit à petit une commodité. Une commodité, et un des axes du e-commerce sans véritable barrière de typologie de produits ou de géographie. C’était une tendance à l’origine chinoise, mais qui peut s’appliquer à tout et à tout type de produits.

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