Indépendant et bientôt cinquantenaire, comment le Groupe Afflelou défie les DNVB

Par Élodie C. le 15/07/2021

Temps de lecture : 8 min

Saga publicitaire, innovation et personnification.

Si la marque porte le nom de son fondateur depuis près de 50 ans, elle est parvenue à s’incarner indépendamment de lui au travers d’offres et de sagas publicitaires mémorables. Il est fou Afflelou ? se demandait-on alors au début des années 2000.

L’homme d’affaires a surtout fait le pari, bien avant d’autres, de la personnification et de la communication/publicité pour rendre célèbre sa marque auprès du grand public. L’arrivée des DNVB sur le secteur de l’optique a-t-il bousculé le groupe resté indépendant depuis sa création ? Comment se différencier et se renouveler face à une concurrence protéiforme et largement digitalisée ?

Alors que la marque dévoile une nouvelle campagne et une nouvelle égérie, Anthony Afflelou, directeur général marketing et communication du groupe, nous répond dans ce nouveau Parole d’annonceur.

Quels sont les défis d’une marque comme Afflelou aujourd’hui ?

Anthony Afflelou : Nous avons deux types de clients, nos franchisés et les clients finaux. Notre objectif est de tenir notre promesse de franchiseur, d’être en mesure de faire venir de nouveaux clients dans les magasins de notre réseau, de fidéliser ceux qui existent, mais également de donner à nos franchisés les meilleurs outils pour vendre.

Cette promesse, qui construit la relation de confiance avec notre réseau et s’est construite durant ces 40 dernières années, ne peut fonctionner que si nous nous basons sur un rapport gagnant gagnant avec nos franchisés et si la satisfaction des clients finaux est au rendez-vous.

Diriez-vous que l’un des enjeux principaux est l’arrivée de nombreux concurrents sur le secteur, comme Jimmy Fairly, Polette ou Lunettes Pour Tous, avec énormément d’offres et des prix plutôt bas ? Comment se différencier ?

A.A. : La particularité de certains nouveaux concurrents est d’être mono marque. Ce sont des marques enseigne avec leurs propres produits. Cela répond à une stratégie de verticalisation : le marché de l’optique est en train de profondément changer, c’est une réalité en France, mais aussi dans le monde entier. Lorsque l’on parle de la fusion EssilorLuxottica c’est une verticale énorme qui se créé.

À côté de ça, nous observons l’apparition de concurrents marque-enseigne avec leur propre positionnement, encore un peu niche, pas totalement mass market, ou alors qui n’ont pas suffisamment de parts de marché. Toutefois, ils génèrent des recettes très intéressantes.

Nous possédons également notre marque Afflelou : les produits de la griffe Afflelou existent depuis 6 ans maintenant. Nous développons nos collections Magic sur lesquelles nous communiquons depuis deux ans en télévision. Cela représente une grande part de nos ventes en volume : nous vendons trois fois plus de Magic que de Ray-Ban.

Qui dit « marque propre », dit prix compétitifs.

Certaines DNVB se sont depuis installées en boutique, est-ce la confirmation que l’e-commerce n’est pas le modèle de demain pour le secteur de l’optique ?

A.A. : L’e-commerce en France est très particulier. La France est le 2e pays consommateur d’e-commerce en Europe derrière l’Angleterre (tous secteurs confondus), mais il reste pourtant le plus faible en optique. Pourquoi ? C’est une réalité de marché liée au remboursement des mutuelles. Il est en effet quasiment impossible pour le client de connaître le montant de son remboursement en ligne. Les achats d’optique se font donc essentiellement en magasin, contrairement aux autres pays où cette pratique peut être plus développée. De plus, l’optique est un métier d’expert, le contact physique avec l’opticien est donc primordial.

Sur un marché comme la France, il faut des points de vente physiques si l’on veut performer dans la vente de lunettes de vue.

Avez-vous adapté votre communication et marketing à ces nouveaux marchés ?

A.A. : Nous n’avons pas modifié notre positionnement global, nous conservons des piliers stratégiques et marketing forts, comme Tchin Tchin, offre créée en 1999 et qui est devenue presque aussi forte que la marque Afflelou. C’est d’autant plus important qu’elle permet de nous identifier et de nous caractériser. Si vous allez dans la rue et demandez aux Français : quelle est la marque qui propose la 2e paire de lunettes pour 1 euro de plus, ils vous répondront Tchin Tchin même si la plupart de nos concurrents nous ont copiés depuis.

Idem sur Magic : c’est une stratégie de verticalisation, nous n’avons pas attendu l’apparition des DNVB pour créer notre marque Afflelou, même si cela répond à cette concurrence émergente des marques enseigne. La qualité des DNVB, c’est l’utilisation d’un certain langage et des codes digitaux sur les réseaux sociaux où ils parviennent à avoir une communauté suffisamment impactante.

Il est toujours intéressant de constater l’arrivée de nouveaux acteurs sur le marché : s’ils s’installent et continuent de grandir, cela signifie que certaines choses plaisent, mais nous n’allons pas nous dénaturer pour autant.

Comment s’empare-t-on d’un tel héritage, notamment l’offre Tchin Tchin qui a franchi les 20 ans ?

A.A. : Si notre offre dépasse les 20 ans, cela traduit son succès spectaculaire. Un succès non seulement dû à la construction de la notoriété de Tchin Tchin et le développement de notre enseigne, mais aussi au besoin universel auquel il répond : avoir une 2e paire de lunettes ou plusieurs paires de lunettes n’est pas un besoin propre aux Français, mais à tous les porteurs de lunettes. 

Dans tous les marchés où nous sommes présents, cette offre confirme son succès : en Espagne, en Belgique, en Suisse, au Portugal, en Afrique… Tchin Tchin est un succès partout, à tel point qu’il est plus surprenant de constater, dans n’importe quel marché où l’on se rend, que la 2e paire de lunettes pour 1 euro de plus se pratique déjà la plupart du temps.

Grâce à cette offre, nous avons réussi à prendre de l’avance sur le marché par rapport à nos concurrents. Nous espérons évidemment la conserver. Nous devons être très présents en communication, pour renouveler notre discours. Et cela tombe bien puisque nous avons diverses qualités à faire valoir :

– nos collections 2de et 3e paires. Nous n’opérons pas de différences avec la première paire, quelle que soit la marque ;

– 800 à 900 modèles sont proposés dans la collection active de notre marque Afflelou et de nouveaux modèles sortent tous les mois ;

– avoir plusieurs paires de lunettes est très utile, c’est même essentiel pour le côté pratique, utilitaire, de secours, beaucoup de personnes voient également les lunettes comme des objets de mode et veulent changer en fonction des couleurs, des formes, etc. Nous capitalisons sur ce besoin client fondamental.

Quid de votre nouvelle campagne Tchin Tchin avec Alice Taglioni ?

A.A. : Le thème est de dire, avoir plusieurs paires de lunettes c’est très utile, mais c’est aussi un plaisir : de pouvoir y avoir accès facilement et répondre à des besoins essentiels. Dans le film, nous rappelons donc les trois besoins clés : le plaisir de profiter du soleil, celui d’avoir des lunettes de secours et le plaisir de pouvoir changer de look.

Alors que la publicité digitale est en croissance, le groupe semble privilégier le canal télévisuel pour ses campagnes, pourquoi ?

A.A. : Nous avons des investissements forts sur les médias traditionnels : télévision, radio, presse et parfois affichage. Cette recette fonctionne, elle est très impactante et permet d’avoir une visibilité forte, et adaptée à une certaine cible. 

Il est important de pouvoir adapter notre discours et notre communication en fonction des canaux, car la cible peut être sensiblement différente et la manière d’agir des utilisateurs aussi. Nous sommes plutôt passif devant la télévision et acteurs de la marque sur les réseaux sociaux ou avec la communication digitale au sens large. Nous augmentons sensiblement notre communication digitale, mais par rapport à la communication mass market réalisée sur les grands médias, celle-ci reste plus petite proportionnellement.

Comment parvient-on à se renouveler avec une saga qui dure depuis 30 ans autour d’un concept qui semble immuable : une saga, un slogan au centre d’une communication publicitaire très incarnée ?

A.A. : Notre saga publicitaire s’illustre à travers différentes époques. Notre discours a évolué, nous apportons toujours des évolutions dans nos produits et services et la manière de présenter l’offre. 

Magic est une vraie innovation par exemple. Nous sommes en train de créer une marque Magic, comme nous l’avons fait avec Tchin Tchin. La lunette avec des clips, c’est Afflelou qui la propose. C’est un succès assez considérable sur lequel nous capitalisons.

Notre égérie Sharon Stone [depuis 2014, NDLR] a laissé place à Alice Taglioni, notre angle d’approche change également constamment pour montrer toutes les qualités et tous les bénéfices de nos offres.

L’audio génère également de la visibilité pour la marque. Même si Afflelou acousticien est une enseigne différente de l’optique, cela se fait en faveur du Groupe Afflelou. Nous avons démarré l’audio il y a 10 ans, et cela fonctionne très bien, avec une croissance assez spectaculaire sur les 10 dernières années : nous comptons 330 centres désormais en France. Sur ce segment, nous avons conservé l’ADN commercial de la marque Tchin Tchin puisque nous offrons une 2e paire d’aides auditives pour 1 euro de plus, tout en ayant un discours adapté à notre cible.

Comment voyez-vous le secteur de l’optique évoluer dans les prochaines années ?

A.A. : Les piliers clés seront la verticalisation : lorsque le leader mondial de fabricant de montures, Luxottica, s’allie au leader mondial pour les verres, Essilor, et rachète ensuite GrandVision, le premier retailer en optique, on comprend mieux les verticales qui se créent. L’enjeu va être de comprendre comment on peut être indépendant le plus possible de cette verticale en ayant notre propre chaîne de valeur. Voir des marques enseignes émerger n’est donc pas un pur hasard. 

Je crois beaucoup au parcours omnicanal. Chez Alain Afflelou, les confinements successifs ont fait exploser notre service de prise de rendez-vous en ligne, pour pouvoir accueillir les clients dans les meilleures conditions et éviter l’attente en magasin. Aujourd’hui encore, ce service reste très performant, je pense donc énormément à la préparation de la visite en magasin depuis le digital. Le parcours client va nécessairement évoluer avec des supports d’aide à la vente de plus en plus digitalisés qui vont permettre à l’opticien de dérouler son expertise et conseiller au mieux les clients.

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